Bulletin N°13

A l’occasion des fêtes de Noël, d’étonnants concours de crèche sont organisés chaque année au sein de la Légion étrangère. Alors que beaucoup d’institutions publiques sont travaillées par la question de la conformité, ou pas, à la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, il semble que ces débats n’aient pas lieu dans cette instance de l’Armée. La chercheuse Anastasia Colosimo nous explique pourquoi. 

C’est maintenant une vieille tradition à Aubagne, la Maison Mère de la Légion étrangère. Tous les ans, les képis blancs se lancent dans un concours de crèches, où la traditionnelle scène de la Nativité se mêle à l’évocation de différents théâtres d’opérations, aussi bien passés que présents.

Le rite de Noël organisé autour de ces crèches atypiques a revêtu avec les années une grande importance au sein de la Légion. Il fait écho à cet autre rite, le récit du combat de Camerone, commémoré tous les 30 avril et présenté comme une véritable « liturgie martiale ». Selon le Général de division Jean Maurin, « de même que le rite solennel de Camerone dicte au légionnaire les lois intangibles du caractère sacré de la mission et de la fidélité à la parole donnée, le rite plus humble de Noël faire revivre l’espérance chez le légionnaire, dans la chaleur de sa nouvelle famille, et le conforte dans son devoir de solidarité envers ses pairs. »

Quelles que soient leur nationalité ou leur religion, tous les légionnaires se plient avec joie et fierté à la coutume. Si le résultat est parfois étonnant, ces crèches suscitent souvent une grande émotion chez ces déracinés qui ont trouvé dans la Légion une véritable seconde famille. Alors que la présence de crèches dans les bâtiments publics ne cesse de faire débat, obligeant le Conseil d'Etat à faire de subtiles distinctions entre culturel et cultuel, à Aubrac, la question de la conformité d’une telle tradition à la loi de 1905 ne se pose même pas. Ce qui prévaut, c’est à la fois l’allégeance à la culture d’accueil et le partage d’un rituel deux fois millénaire, rendu d’autant plus fort qu’il est à la fois réapproprié et réinterprété.