Bulletin N°49

juin 2024

Djihadisme global et question palestinienne, messianisme et défense des Lieux saints au cœur de la discorde

Dominique Thomas

Parce qu’elle est mobilisatrice, et soutenue autant par des militants des groupes armés nationalistes et islamistes, la cause palestinienne transcende les clivages autant qu’elle est susceptible de les attiser. Il en va de même dans la conception qu’ont les djihadistes sunnites de ce conflit depuis quatre décennies. Par ses dimensions religieuse, confessionnelle et politique, le conflit israélo-palestinien a en effet de nombreuses répercussions régionales, notamment parce qu’il est susceptible de tester – voire ébranler – les rapports entre États et sociétés dans le monde arabe et musulman, qui reste l’un des axes prioritaires de la doxa djihadiste.

Sur un plan religieux, les questions de la souveraineté sur Al-Aqsa, troisième Lieu saint musulman, et de la compétition pour une suprématie islamique irriguent les rivalités des grands courants islamistes comme du reste celles des puissances islamiques (Arabie saoudite, Turquie et Iran) qui instrumentalisent les clivages confessionnels déjà particulièrement exacerbés depuis le conflit irakien. Par ailleurs, l’interprétation messianique de cette question par les djihadistes s’est accentuée avec les attaques du 7 octobre, dans le but de propager l’idée d’une guerre de civilisations dans laquelle ce courant souhaite emmener les Occidentaux et Israël.

La représentation du territoire de l’islam dans le dogme djihadiste

Quelle soit incarnée par Al-Qaïda (AQ) depuis quatre décennies ou par l’État islamique (EI) depuis 2014, la mouvance djihadiste globale s’est toujours inscrite dans un double objectif : (i) combattre l’ensemble des ennemis caractérisés de l’islam, (ii) ériger un modèle étatique vertueux[1]Un Émirat islamique selon la voie prophétique pour AQ dans un premier temps, un nouveau Califat pour l’EI qui a célébré en mars dernier les dix ans de la proclamation de « son califat » … Continue reading qui soit le plus authentique aux premiers temps de l’islam, correspondant à la période des quatre premiers califes dits « Bien Guidés » (622-661). Né en Afghanistan dans les années 1980, ce courant hybride appelé également salafiste-djihadiste est le résultat d’une agrégation : entre le salafisme[2]Les principaux oulémas de référence du salafisme sont essentiellement issus de l’école hanbalite, comme son fondateur Ahmad Ibn Hanbal (781-855), ou encore les commentateurs du Coran et des … Continue reading, qui correspond à une lecture rigoriste et fondamentaliste de l’islam, donnant la primauté - dans les textes juridiques - aux pieux ancêtres (salaf sâlih) et aux compagnons du Prophète Muhammad (sahâba) dans la période idéale de la première communauté de Médine et des quatre premiers califes, d’un côté ; et de la pensée djihadiste moderne née en Egypte dans les années 1970, qui prône le combat armé, selon les préceptes coraniques, afin de libérer la communauté non seulement des différentes occupations étrangères, mais aussi de ses propres régimes politiques, qualifiés d’oppresseurs.

Depuis 1979, les principaux théâtres de djihad de cette mouvance se sont succédé de générations en générations : la première en Afghanistan dans les années 1980, puis la seconde en Bosnie, retour en Afghanistan des Taliban et dans le Caucase dans les années 1990 pour la seconde, puis la troisième vers l’Irak durant la décennie 2000 et enfin la quatrième, celle des printemps arabes et de l’Afrique, du Sahel au Mozambique, après 2011. L’Arabie Saoudite, monarchie gardienne des Lieux saints musulmans (La Mecque et Médine)[3]La présence de ces Lieux saints est régulièrement mentionnée comme un facteur de motivation et d’engagement supplémentaire. Cette exaltation s’inscrit dans le récit messianique et … Continue reading, considérée comme occupée par des forces étrangères depuis la guerre du Golfe de 1991, fait également figure de terrain actif conformément à la notion extensive du djihad défensif. Ces théâtres sont décrétés par les penseurs djihadistes comme terre de djihad obligatoire pour tous les musulmans (fard ‘ayn). La libération de la terre d’Islam, le Dâr al-Islâm, ou plus précisément le territoire des musulmans (bilâd al-muslimîn) d’une occupation étrangère dite impie, demeure à ce titre l’objectif premier, sans qu’il soit priorisé sur une zone particulière. Ainsi, la Palestine, dont la situation est symptomatique des critères énumérés par la mouvance, ne constitue qu’une cause parmi le reste des piliers du militantisme djihadiste sunnite.

Tant sur le plan du droit que sur celui de la division géographique du monde par les djihadistes, la Palestine se trouve dans une situation particulière. La notion du dâr fait en effet référence aux lois appliquées sur un territoire donné. L’Islam oppose le territoire de l’Islam (dâr al-islâm), où s’applique la souveraineté divine, la hâkimîyya, sous la forme d’un Califat ou d’un État islamique, au territoire de la guerre (dâr al-harb) sur lequel la loi islamique n’est pas appliquée et qui se trouve en confrontation avec le premier. Par exemple, la première communauté islamique de Médine correspondait au territoire de l’Islam, en guerre contre la cité de La Mecque, tenue par le camp des idolâtres et des juifs, qui représentait le dâr al-harb à conquérir. Cette division est désuète selon les oulémas appartenant à la mouvance AQ, car les musulmans ne sont plus représentés par un Califat. En raison de cette absence, le monde hostile est partagé en trois zones : le territoire des infidèles ou dâr al-kufr, sur lequel les lois non islamiques sont appliquées, le territoire de l’usurpation ou dâr al-ghasb où des musulmans sont opprimés par des forces impies, ce qui est par exemple le cas de la Palestine, du Cachemire ou de la Tchétchénie, et enfin le territoire du pacte ou de l’exil, le dâr al-‘ahd, dâr as-sulh ou dâr al-hijra, caractérisé par un accord de non-agression entre musulmans et infidèles, et où des lois non islamiques peuvent s’appliquer à des non musulmans. Plus précisément, la lutte pour la Palestine est restée ce qu’elle a toujours été dans l’esprit des premiers penseurs djihadistes, issus de la génération afghane d’AQ : l’avant-garde du djihad afin de libérer le troisième Lieu saint de l’Islam, Al-Quds (Jérusalem), de « l’occupation juive », permettant de cristalliser une forme de lutte unificatrice en solidarité envers le peuple arabo-musulman palestinien, et par identification, de tous les musulmans.

Genèse et structure de la représentation palestinienne dans la rhétorique djihadiste

Les références à la Palestine des idéologues djihadistes furent introduites dès le début des années 1980, par analogie avec leur premier combat que fut l’Afghanistan. Ce sont en fait surtout les oulémas de la diaspora palestinienne qui ont joué un rôle important dans la mise en perspective des deux causes complémentaires[4]Ces prédicateurs vont prendre progressivement de l’importance au sein des structures djihadistes, comme Abu Qatada al-Filastini, Abu Muhammad al-Maqdissi nés en Cisjordanie et Abu Zubayda … Continue reading : l’une fondée sur les principes d’une confrontation transnationale visant les régimes des pays musulmans considérés comme politiquement illégitimes, et l’autre axée sur la question palestinienne, impliquant exclusivement la libération de Jérusalem.

La figure fondatrice d’Azzam

Le précurseur de cette initiative fut sans aucun doute le cheikh jordanien d’origine palestinienne, Abdallah Azzam[5]Abdallah Azzam (1941-1989), fut l’un des premiers oulémas à rejoindre le front afghan. Il fonda le Bureau des Services aux Moujahidin (Maktab khadamât al-mujâhidîn) à Peshawar, au début des … Continue reading, né en 1941 dans un village près de Tulkarem en Palestine, qu’il quitta en 1960 pour poursuivre ses études de droit islamique en Syrie. En 1967, après que les territoires palestiniens furent entièrement réoccupés, il rejoignit la Jordanie. Pendant un temps, il fréquenta le courant des Frères musulmans au sein du Fatah[6]Ce courant est en fait présent depuis les toutes premières origines du mouvement Fatah, représenté au départ par un noyau d’activistes, proches des Frères Musulmans, qui opéraient dans la … Continue reading, mais il rompit rapidement avec l’organisation palestinienne après les combats fratricides de septembre 1970[7]Le 7 septembre 1970, l’armée jordanienne du Roi Hussein engageait, en représailles à diverses opérations menées sur son propre territoire, des combats de rue avec des groupes palestiniens … Continue reading avec l’armée jordanienne, accusant les nationalistes palestiniens de s’être détournés du véritable ennemi qu’était Israël. Il devint ensuite un imam influent par son enseignement dans les mosquées et universités jordaniennes, principalement à Amman, tout au long des années 1970. Lorsque le conflit éclata en Afghanistan, les oulémas des universités saoudiennes, en tête les cheikhs Abdel Aziz Ben Baz et Ibn al-Uthaymin[8]Ces deux oulémas étaient des membres éminents de la plus haute instance religieuse d’Arabie Saoudite, le Haut Conseil de la Choura. Le cheikh Ben Baz fut nommé en 1993 grand mufti du royaume., furent rapidement rejoints par Azzam, à la notoriété montante. Ce dernier, après consultation, obtint l’aval de plusieurs oulémas, dont le cheikh Ben Baz pour éditer une fatwa donnant au djihad en Afghanistan le caractère obligatoire pour tous les musulmans[9]Les musulmans peuvent participer soit en esprit, par des invocations, soit par un soutien financier ou par le combat (bil-qitâl) qui peut mener à l’étape ultime du martyre.. Dans l’effort de guerre, chaque musulman devait s’engager à expulser de ce pays ce qu’il surnommait le Cancer Rouge[10]Prêche d’Abdallah Azzam au cours d’une visite en Allemagne, Mouhâdhara fi Almânîya I, 1986, cassette audio, Maktaba al-Hudâ wa-Nûr.. Dans ce cas précis, le djihad rentrait dans la catégorie « défensive », dont l’idée première est de protéger la terre d’Islam contre les agressions extérieures, par distinction de l’obligation religieuse solidaire (fard kifâya), qui implique quant à elle un devoir collectif des musulmans vivant dans un État islamique, et dont la décision ne peut être prise que par les instances dirigeantes de ce même État, ce que, près de trente ans plus tard, le chef de l’EI, Abu Bakr al-Baghdadi, s’emploiera à faire lors de la proclamation de son « Califat ». Dans la doctrine prônée par ces mêmes prédicateurs du paradigme afghan, les partisans du djihad ne s’en tiennent pas uniquement à la dimension morale de la ré-islamisation des sociétés par l’éducation et le prêche. Comme Ibn Taymiyya ils ont une compréhension extensive du djihad, combat contre les infidèles renvoyant à la notion de légitime défense, mais aussi lutte contre les régimes des pays musulmans, accusés de ne pas appliquer les préceptes de la charia.

Si Azzam en appela à la solidarité de toute la communauté, pour faire face à l’invasion soviétique, ses origines palestiniennes ont largement contribué à façonner le concept djihadiste de proximité-éloignement avec l’ennemi. Pour Azzam, la première cause islamique ou le cœur du monde islamique[11]Son premier ouvrage, Ad-Difâ‘‘an arâdî l-muslimîn, ahamm furûd al-a‘yân (La défense des territoires musulmans, la plus importante des obligations individuelles), Dâr Ibn Hazem, … Continue reading, restait la libération d’Al-Quds qui conservait la priorité sur tout autre acte djihadiste. Si celle-ci habite l’âme et l’esprit de tous les musulmans, sa mise en œuvre est néanmoins reportée, car sa réalisation est confrontée à des difficultés stratégiques contraignantes, en particulier par le fait que la Palestine soit entourée par des régimes arabes défaitistes ou ayant normalisé leurs relations avec Israël[12]Dans la plupart des textes djihadistes, le terme de Palestine est peu utilisé. Elle est renommée le « territoire de la forteresse » (dar al-Ribât) entourée d’ennemis ou les « environs de … Continue reading, ce qui ne permet pas aux combattants d’engager la bataille. Pour décrire son rapport avec la Palestine, Azzam utilisa une métaphore : celle incarnant son corps, tel un fantôme, basé à Kaboul, alors que son cœur, son âme et son esprit étaient toujours dans les hauteurs d’Al-Quds[13]Abdallah Azzam, ibid., p.45-66.. Pour cette première génération, la Palestine restait donc intégrée dans une lutte plus globale dont l’Afghanistan devait être l’avant-garde, l’étincelle qui devait déclencher une révolution internationale en bien d’autres contrées revendiquées comme musulmanes.

La matrice égyptienne initiée par Al-Zhawahiri

Dans le carrefour de Peshawar où se structurent les groupes djihadistes arabes présents en Afghanistan, le référent palestinien était partagé par des organisations dont l’axe politique reposait auparavant sur un combat national. La mouvance égyptienne va parfaitement illustrer ce particularisme de l’histoire du courant qaïdiste.

Vers la fin des années 1980, le groupe égyptien Al-Jihad, affaibli sur la scène intérieure par la vague de répression qui suivit l’assassinat du président Sadate en 1981, rentra dans une phase d’exil, se tournant vers des questions internationales. Dans la revue des combattants égyptiens en Afghanistan, Al-Murâbitûn[14]Editée à Peshawar par un Égyptien de la Gamâ‘a Islâmîyya, Fouad Kassem, entre 1987 et 1995. Elle célébrait les exploits des combattants, publiait des biographies et des testaments des … Continue reading, celui qui était devenu le guide spirituel d’Al-Jihad, Ayman al-Zhawahiri[15]Né en 1951 dans la banlieue du Caire d’une famille plutôt aisée, Ayman al-Zhawahiri reçoit une formation de chirurgien et commence à fréquenter les milieux islamistes. Dès sa création vers … Continue reading, y développa un concept nouveau focalisé sur la théorisation des deux ennemis : le proche et le lointain. Le premier est représenté par les régimes arabes, et le second est incarné plus généralement par l’Occident dont les États-Unis représentent l’épicentre. Pour al-Zhawahiri, le djihad en Palestine, en Bosnie, en Tchétchénie et dans les pays arabes représente un ensemble indivisible, un combat unique qui engage toute la communauté islamique et s’inscrit dans la mondialisation du djihad. Le cœur de cette lutte universelle et qui ne peut s’achever qu’à la fin des Temps selon la tradition messianique islamique, est la réappropriation musulmane d’Al-Quds, qui reste toutefois reportée sine die, car ne pouvant être réalisée qu’après la chute des gouvernements impies, par une communauté réunifiée sous un Califat restauré.

La révolution djihadiste de Ben Laden

De son côté, la pensée politique d’Oussama Ben Laden, qui peut être qualifiée de néo-révolutionnaire, s’est nourrie des événements du Moyen-Orient depuis 1979. Dans la même lignée que ses compagnons de route que sont Azzam et al-Zhawahiri, la création d’AQ serait donc une des conséquences de la fin de la guerre froide et des interventions occidentales successives dans la région. L’invasion soviétique en 1979 a entraîné la présence de milliers de combattants arabes en Afghanistan, convaincus par le caractère djihadiste de ce combat. La Révolution iranienne a incité les monarchies du Golfe, Arabie saoudite en tête, à promouvoir un courant sunnite concurrent, avec le soutien des prédicateurs wahhabites, école religieuse officielle depuis la fondation du premier royaume saoudien au milieu du XVIIIe siècle. La rupture de Ben Laden avec la monarchie saoudienne, après la guerre du Golfe en 1991, marque le début d’une nouvelle séquence. Ce dernier décide alors de développer un projet plus internationaliste, faisant de la lutte contre l’impérialisme américain, considéré comme le nouvel oppresseur, l’axe fondamental de son combat. Son but est de lancer une révolution islamique internationale qui passe par la mise en place de foyers islamistes disséminés à travers le monde musulman. La recherche d’un sanctuaire, d’une véritable base où vont pouvoir être centralisées les activités essentielles à ce combat devient une priorité. Le retour en Afghanistan, après l’intermède soudanais[16]Après la fin du djihad en Afghanistan, Ben Laden fait un bref retour sur le sol saoudien. Ses vives critiques à l’encontre du régime le conduisent à quitter le territoire. Il trouve alors … Continue reading, permet ainsi de concrétiser sa stratégie en s’appuyant sur le tout nouvel Emirat islamique créé par les Taliban.

Entre temps, le désormais premier opposant saoudien n’en oublie pas pour autant la Palestine et ses revendications. Dans une lettre adressée en 1994 au grand mufti de la monarchie, le cheikh Ben Baz[17]Risâla maftûha ilâ Bin Bâz bi-butlân fatwâhu bi-solh ma‘a l-yahûd, (Lettre ouverte à Ben Bâz sur la caducité de sa fatwa pour un compromis avec les juifs), Bureau du Conseil et de la … Continue reading, il réaffirme que la seule issue au conflit est un retour à la souveraineté islamique (siyâda islâmîyya) sur la Palestine, et reproche aux oulémas saoudiens leur absence de condamnation des Accords d’Oslo de septembre 1993, signés entre l’OLP et Israël. Deux ans plus tard, lorsque Ben Laden proclame, du fond des montagnes afghanes, sa « déclaration de guerre » contre les États-Unis dans une nouvelle fatwa, il n’oublie pas de mentionner sa solidarité envers le leader spirituel du Hamas palestinien, Ahmad Yassin, détenu à l’époque en Israël, et, par la même occasion de rappeler l’importance que revêt Al-Quds pour chaque musulman[18]Notamment sur le fait que le Prophète Muhammad y connut son ultime voyage avant son ascension, et qu’elle fut la première qibla vers laquelle se tournaient les fidèles de la première … Continue reading. En évoquant la Palestine et Jérusalem, Ben Laden insiste particulièrement sur sa lecture messianique. Dans la tradition prophétique musulmane, la Palestine sera en effet le théâtre de l’ultime combat qui verra s’affronter le Mahdî à l’anti-prophète[19]Le Mahdî (le bien guidé) est un personnage tiré de la tradition (sunna), mentionné dans plusieurs hadiths du Prophète. Il fera son apparition sur terre afin de restaurer la religion et la … Continue reading. Ensuite, à chaque nouvel épisode qui va suivre, de la création du Front Islamique International (FII) pour le combat contre « les Juifs et les Croisés » en février 1998, jusqu’au dernières vidéos qui suivirent les événements du 11 septembre 2001, les mêmes référents seront utilisés par le fondateur d’AQ qui réitère que les opérations de ses frères djihadistes ne sont pas différentes de celles effectuées par le Hamas et le Djihad Islamique en Palestine. Ainsi, la célèbre phrase, prononcée par Ben Laden dans une vidéo depuis les grottes de Tora Bora en novembre 2001, qui dit que les États-Unis ne connaîtront pas la sécurité tant que la Palestine ne sera pas en sécurité, est devenue un slogan de référence largement diffusée encore aujourd’hui au sein de l’ensemble des réseaux de communication djihadiste.

D’AQ à l’EI, la Palestine reste un fondement religieux plus qu’une lutte nationale pour la terre

Depuis 2001, les événements survenus en Palestine n’ont pas cessé d’être intégrés dans la communication de la mouvance djihadiste internationale. Leurs opérations s’inscrivent dans une logique mondialisée, le plus souvent franchisées à des structures locales. L’une des plus concernée par la question palestinienne reste sans doute celle basée au Yémen (AQ dans la péninsule arabique / AQPA). Dans son narratif, cette organisation a toujours mis en avant sa vision très messianique de son combat. Le Yémen représente l’avant-garde d’une reconquête islamique vers le nord, emplacement des Lieux Saints jusqu’au combat final autour d’Al-Aqsa dans la cité d’Al-Quds. On retrouve ainsi dans la littérature djihadiste d’AQPA une référence permanente sur l’importance du Yémen dans sa dimension messianique[20]La région d’Aden est particulièrement citée dans plusieurs signes de la fin des temps relatés dans les récits prophétiques des hadiths. On peut ajouter également la référence … Continue reading.

Progressivement, al-Zhawahiri et les idéologues djihadistes vont continuer de privilégier l’option internationaliste tout en faisant de la Palestine un élément central de leur rhétorique, sans jamais l’identifier dans une lutte de libération territoriale nationaliste, mais en l’associant systématiquement à la symbolique d’al-Quds. Entre 2019 et 2023, la mouvance AQ est particulièrement réactive aux événements qui secouent Jérusalem et les territoires palestiniens (affrontements réguliers contre Israël depuis Gaza, manifestations et heurts à Jérusalem et en Cisjordanie). Tour à tour, l’ensemble des franchises AQ[21]AQPA, le mouvement des Shabâb al-Mujahidîn en Somalie (HSM), AQ dans le sous-continent indien (AQSI), AQ au Maghreb islamique (AQMI), le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM au … Continue reading s’emploient à développer un narratif de soutien envers la question de Palestine, en cohérence avec la coordination des cadres de la communication du corps central d’AQ placé sous l’autorité d’al-Zhawahiri jusqu’à sa mort en 2022. Les textes s’inscrivent dans des campagnes informationnelles qui s’opposent à la normalisation des pays arabes avec Israël, prône le djihad exclusif pour la préservation d’une Jérusalem islamique, tout en dénonçant le défaitisme du monde arabe sur cette thématique. L’objectif de ces interventions a essentiellement pour but de réveiller les consciences musulmanes sur l’inaptitude de leurs dirigeants à défendre leurs causes, dont parmi elles les plus importantes liées à la défense de l’islam et sur le fait de considérer tout rapprochement avec le monde occidental comme un mirage.

Après l’avènement de l’EI en 2014, le contexte sur la question palestinienne change également d’orientation. Si l’EI, né en Irak d’une dissidence d’AQ, conçoit la Palestine comme un des combats parmi d’autres fronts, il n’en fait pas une priorité et s’y intéresse au final que très peu durant son Califat territorialisé, préférant se concentrer sur la consolidation de son Califat. Deux raisons expliquent cette ligne prônée par l’EI : (i) Le djihad est avant tout tourné contre les apostats en islam, incarnés en premier lieu par les chiites ; (ii) le djihad doit être orienté contre les régimes musulmans impies, avant de pouvoir s’attaquer aux véritables ennemis de l’Islam que sont les infidèles, symbolisés par l’occupation juive en Palestine.

La réussite de l’EI et de son idéologie va également influencer la vision des salafistes djihadistes sur la Palestine et en particulier sur les représentants de la lutte armée palestinienne. La Palestine est un territoire occupé, enclavé et entouré par des États arabes qui ont renoncé au djihad, voire ont normalisé leurs relations avec Israël. Par ailleurs, les groupes armés islamistes palestiniens (Hamas et Jihad islamique en tête) se sont progressivement égarés dans leur alliance stratégique avec le monde chiite (Iran, Hezbollah, milices irakiennes et houtis yéménites). Si pour AQ, ce processus est condamnable, il fait des groupes palestiniens un ensemble d’apostats pour l’EI, dont la position plus radicale, associe ces derniers au même rang que les chiites, les régimes musulmans et autres sectes islamiques.

Le 7 octobre et la guerre de Gaza, continuité ou rupture ?

Les attaques du 7 octobre et la guerre qui a suivi dans la bande de Gaza n’ont pas modifié dans le fond l’approche qu’avaient les djihadistes, qu’ils soient de l’EI ou d’AQ, sur cette question. Al-Aqsa et Al-Quds continuent de nourrir leurs narratifs dans une double dimension religieuse à la fois exclusiviste et suprémaciste. Centrée au départ autour de la défense d’al-Aqsa, les djihadistes y rajoutent un conflit civilisationnel entre musulmans et Occident judéo-chrétien, marqué par une volonté d’interpréter l’engagement occidental comme une nouvelle croisade, composante centrale de la logorrhée djihadiste. Dans cette doctrine, elle ne constitue qu’un épisode d’une vaste confrontation entre musulmans et ennemis de l’islam.

Du fait de son idéologie profondément opposée à toute forme de nationalisme et viscéralement anti-chiite, l’EI a conservé la ligne la plus authentique aux fondements djihadistes énoncés depuis la fin des années 1970. Le groupe et ses « provinces » régionales ne soutiennent pas et ne soutiendront pas l’action du Hamas et des autres groupes palestiniens. L’organisation s’engage à continuer d’inspirer ses partisans pour poursuivre un combat contre l’ensemble des ennemis de manière indiscriminée, sans pour autant « nationaliser » la question palestinienne. Rappelons que le Hamas s’est lui-même confronté à ces groupes djihadistes dans la bande de Gaza à plusieurs reprises depuis 2008, subissant même des attentats contre ses militants de la part de cellules pro-EI après 2016.

Pour ailleurs, en dépit de cette lecture dogmatique qui paraît homogène, la sphère djihadiste suit une posture plus nuancée au cours de ces derniers mois, en particulier celle plus proche d’AQ, qui avait par le passé, sous l’impulsion de Ben Laden, exprimé une forme d’empathie à l’égard des groupes islamistes palestiniens. Sans apporter un soutien direct au Hamas, mais tout en louant les actions de sa branche militaire (Brigades al-Qassam), les communiqués des franchises d’AQ ont appelé à un élargissement du conflit en prônant l’unité des forces islamiques contre Israël et en visant l’ensemble de ses alliés. De manière assez inédite, AQ adressa même en avril dernier ses condoléances et ses congratulations au chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, dans un communiqué officiel après la mort de plusieurs membres de sa famille dans un raid israélien.

Pour autant, l’école salafiste-djihadiste reste fondamentalement tournée vers la promotion d’un islam sunnite rigoriste qui s’oppose aux autres courants de l’islam, en particulier ceux qu’ils considèrent comme des hérétiques à l’instar des chiites. Les djihadistes font d’ailleurs une distinction avec l’approche que peut avoir « l’axe de résistance » formé par l’Iran et ses alliés (Hezbollah libanais, Houtis yéménites, milices irakiennes et syriennes) en considérant qu’ils ne font pas ce qu’ils sont en capacité de pouvoir faire, car ils sont en permanence dans la défense de leurs intérêts. En revanche, les djihadistes sont capables de tout sacrifier pour défendre leurs principes, reprenant une comparaison entre le 11/09 qui avait précipité la chute de l’Emirat islamique d’Afghanistan. Cette approche fondamentale entre « intérêts / masâlih » et « principes / mabâdi » est structurante dans le champ islamiste. La communauté djihadiste affirme représenter la « secte salvatrice » qui par sa fidélité et par son authenticité aux principes aspirera au Salut[22]AQPA, le mouvement des Shabâb al-Mujahidîn en Somalie (HSM), AQ dans le sous-continent indien (AQSI), AQ au Maghreb islamique (AQMI), le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM au … Continue reading lors du Jugement dernier. En outre, il est important d’ajouter que la dimension sacrificielle qui a souvent été un élément de référence de la pensée chiite (martyrologie, héritage de la révolution de 1979, guerre Iran-Irak, attaques suicides au Liban pendant la guerre civile) est devenue depuis l’Afghanistan le monopole de la pensée salafiste djihadiste qui a opéré un renversement de cet héritage religieux pour comprendre leur position sur le 7 octobre, tel un épisode marquant dans l’histoire palestinienne.

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Telle est la nuance d’approche : dans leur ensemble, les djihadistes adoubent le 7 octobre, opération réalisée par des groupes qui sont plutôt favorables à une alliance avec le courant iranien sans pour autant embrasser leur axe de résistance perçu comme trop politiquement engagé vers la défense d’intérêts partisans. Une nouvelle fois, dans la continuité des événements survenus en Palestine, le courant djihadiste suit sa ligne singulière et inscrit son interprétation conforme à la poursuite d’un conflit de civilisations, pour la défense des valeurs sacrés de l’islam contre un monde de la mécréance ou de l’apostasie, une énième séquence d’un long parcours qui conduit nécessairement à la recherche du Salut avant la fin des Temps prescrits dans les textes de la révélation coranique. Dernier épilogue de cette longue série, le chef officieux d’AQ depuis la mort d’al-Zhawahiri, l’Egyptien Sayf al-Adl, a publié une brochure sous forme de commentaires de la guerre de Gaza, qualifiant ce conflit d’existentiel en réfutant sa dimension territoriale[23]Sayf al-Adl (sous la plume Salim al-Sharif), Hâzhihi ghaza : harb wujûd lâ harb hudûd » (C’est Gaza, une guerre existentielle, pas une guerre des frontières), publié par la Fondation … Continue reading. Ce courant finit par conclure que, sans doute en partie grâce à leur prédication, la lecture de la question palestinienne est aujourd’hui beaucoup plus religieuse qu’elle ne l’était il y a vingt - trente ans lorsque les partis palestiniens nationalistes et progressistes (Fatah, les fronts populaire et démocratique de libération de la Palestine, Parti populaire palestinien…) dominaient la scène politique dans les territoires occupés, en témoigne la popularité importante des groupes ayant adopté un agenda fondé sur une résistance islamique (Hamas, Djihad islamique, groupes salafistes) et qui ont réussi à imposer aux autres ce narratif religieux de la résistance palestinienne. Pour autant, en dépit de cette reconnaissance implicite envers les islamistes palestiniens, la communauté djihadiste diverge sur de nombreux points dogmatiques avec l’axe de la résistance chiite, position symptomatique d’une singularité qui fait qu’une convergence apparaît improbable avec l’Iran et ses alliés dans la perspective d’un conflit régional majeur, tout en essayant de bénéficier des effets d’opportunité qui résulteront de cet affrontement. 

 

Notes

Notes
1 Un Émirat islamique selon la voie prophétique pour AQ dans un premier temps, un nouveau Califat pour l’EI qui a célébré en mars dernier les dix ans de la proclamation de « son califat » territorialisé sur une partie de l’Irak et de la Syrie en 2014.
2 Les principaux oulémas de référence du salafisme sont essentiellement issus de l’école hanbalite, comme son fondateur Ahmad Ibn Hanbal (781-855), ou encore les commentateurs du Coran et des hadiths du Prophète, comme Ibn Kathîr (1300-1373) et Muhammad al-Boukhârî (810-870), mais aussi les juristes (fuqahâ’) ‘Abdel Qâder al-Jilânî (1077-1166), Ibn Qayyim al-Jawzî (1116-1200), Ibn Qudayma (1146-1223) et Ibn Taymiyya (1263-1328).
3 La présence de ces Lieux saints est régulièrement mentionnée comme un facteur de motivation et d’engagement supplémentaire. Cette exaltation s’inscrit dans le récit messianique et eschatologique de la mouvance salafiste djihadiste, à travers le discours exalté autour des figures du martyr et de l’apocalypse. Les nombreux récits prophétiques galvanisent ainsi les tribus arabes, comme celle des Bani Tamim décrite comme la plus déterminée dans la bataille à mener contre la figure tyrannique du Dajjal, (voir Muslim n°4587 et Bukhari n°2357, vol. sur les compagnons), ou encore la référence sur l’apparition d’un leader de la tribu des Qahtan, comme figure libératrice et messianique du Mahdi. 
4 Ces prédicateurs vont prendre progressivement de l’importance au sein des structures djihadistes, comme Abu Qatada al-Filastini, Abu Muhammad al-Maqdissi nés en Cisjordanie et Abu Zubayda al-Filastini, né au Koweït.
5 Abdallah Azzam (1941-1989), fut l’un des premiers oulémas à rejoindre le front afghan. Il fonda le Bureau des Services aux Moujahidin (Maktab khadamât al-mujâhidîn) à Peshawar, au début des années 1980, embryon de la future AQ.
6 Ce courant est en fait présent depuis les toutes premières origines du mouvement Fatah, représenté au départ par un noyau d’activistes, proches des Frères Musulmans, qui opéraient dans la Bande de Gaza sous administration égyptienne, au milieu des années 1950.
7 Le 7 septembre 1970, l’armée jordanienne du Roi Hussein engageait, en représailles à diverses opérations menées sur son propre territoire, des combats de rue avec des groupes palestiniens armés, présents dans les camps de réfugiés. En quelques jours, près de 5 000 Palestiniens furent tués au cours des affrontements, provoquant un départ de la direction de l’OLP vers le Liban.
8 Ces deux oulémas étaient des membres éminents de la plus haute instance religieuse d’Arabie Saoudite, le Haut Conseil de la Choura. Le cheikh Ben Baz fut nommé en 1993 grand mufti du royaume.
9 Les musulmans peuvent participer soit en esprit, par des invocations, soit par un soutien financier ou par le combat (bil-qitâl) qui peut mener à l’étape ultime du martyre.
10 Prêche d’Abdallah Azzam au cours d’une visite en Allemagne, Mouhâdhara fi Almânîya I, 1986, cassette audio, Maktaba al-Hudâ wa-Nûr.
11 Son premier ouvrage, Ad-Difâ‘‘an arâdî l-muslimîn, ahamm furûd al-a‘yân (La défense des territoires musulmans, la plus importante des obligations individuelles), Dâr Ibn Hazem, Beyrouth, 1990, nouvelle édition, p.46 et 48.
12 Dans la plupart des textes djihadistes, le terme de Palestine est peu utilisé. Elle est renommée le « territoire de la forteresse » (dar al-Ribât) entourée d’ennemis ou les « environs de la Sainte demeure » (aknaf bayt al-Maqdîs », appelation caractéristique de la centralité de Jérusalem dans la représentation que se font les djihadistes de ce territoire.
13 Abdallah Azzam, ibid., p.45-66.
14 Editée à Peshawar par un Égyptien de la Gamâ‘a Islâmîyya, Fouad Kassem, entre 1987 et 1995. Elle célébrait les exploits des combattants, publiait des biographies et des testaments des martyrs. Diffusée jusqu’en Europe, elle servait de vitrine médiatique aux représentants des organisations islamistes égyptiennes.
15 Né en 1951 dans la banlieue du Caire d’une famille plutôt aisée, Ayman al-Zhawahiri reçoit une formation de chirurgien et commence à fréquenter les milieux islamistes. Dès sa création vers la fin des années 1970, il rejoint l’Organisation du Djihad. Emprisonné entre 1981 et 1984, il quitte le pays pour gagner le Pakistan, déterminé à mettre ses compétences médicales au service des moudjahidin arabes présents en Afghanistan, en intégrant les structures d’accueils de Peshawar, en particulier la Maison des Partisans (Bayt al-Ansâr) dirigée par Oussama Ben Laden. Entre liens d’amitié et d’allégeance, leurs trajectoires vont se confondre, entre Peshawar, Khartoum et l’Afghanistan. Voir le recueil des entretiens de Zawahiri et de Ben Laden avec un journaliste de la chaîne satellite Al-Jazîra, Jamâl Ismâ‘îl, Bin Lâdin wa l-Jazîra wa …Anâ, (Ben Laden, Al-Jazîra et moi), Al-Rafed, London, 2000, ainsi que la biographie de l’avocat islamiste égyptien, Mountassir al-Zayyât, Aymân Zawâhirî kama ‘araftuhu (Zawâhirî comme je l’ai connu), Dar al-Bayarek, Le Caire, 2002.
16 Après la fin du djihad en Afghanistan, Ben Laden fait un bref retour sur le sol saoudien. Ses vives critiques à l’encontre du régime le conduisent à quitter le territoire. Il trouve alors refuge au Soudan auprès du nouveau régime du Général ‘Omar al-Bashîr. Il s’installe à Khartoum et développe les activités économiques et militaires du réseau Al-Qâ‘ida. Sous la pression internationale, il est contraint une nouvelle fois de s’exiler, et retourne en Afghanistan en mars 1996. Entre-temps, les autorités saoudiennes l’ont déchu de sa nationalité.
17 Risâla maftûha ilâ Bin Bâz bi-butlân fatwâhu bi-solh ma‘a l-yahûd, (Lettre ouverte à Ben Bâz sur la caducité de sa fatwa pour un compromis avec les juifs), Bureau du Conseil et de la Réforme, Oussama Ben Laden, Londres, 27/07/1415h. Dans cette lettre, le prédicateur saoudien condamne l’avis du cheikh Ben Baz qui s’est prononcé en faveur des Accords d’Oslo, mettant en avant le fait que ce dernier avait renoncé à une fatwa de 1988, qui stipulait que « combattre les juifs [était] un djihad, jusqu’à ce que la terre revienne à ses possesseurs (musulmans) et que l’exception juive s’en retourne vers ses pays », fatwa 1/281, Risâla, p.2.
18 Notamment sur le fait que le Prophète Muhammad y connut son ultime voyage avant son ascension, et qu’elle fut la première qibla vers laquelle se tournaient les fidèles de la première communauté musulmane de Médine à son époque. Oussama Ben Laden, Declaration of War, Khurasan Publications, 1998.
19 Le Mahdî (le bien guidé) est un personnage tiré de la tradition (sunna), mentionné dans plusieurs hadiths du Prophète. Il fera son apparition sur terre afin de restaurer la religion et la justice sur les territoires musulmans avant la fin du monde. Assisté de Jésus, il devra vaincre l’anti-prophète (Dajjâl) envoyé par Satan pour faire régner sur terre la tyrannie durant une période allant de quarante jours à quarante ans. L’ultime combat devra se dérouler sur la terre des Prophètes, près du rocher où le Prophète Muhammad lui-même accomplit son ascension au ciel (Isra), sur l’emplacement actuel du Dôme du Rocher. Cette tradition est à distinguer de celle des chiites qui considèrent le Mahdî comme un Imam « disparu » et reviendra accomplir sa prophétie également avant le fin des Temps.
20 La région d’Aden est particulièrement citée dans plusieurs signes de la fin des temps relatés dans les récits prophétiques des hadiths. On peut ajouter également la référence incontournable dans l’esprit djihadiste qui concerne la sortie d’une armée de 10 000 partisans de l’islam qui lutteront depuis Aden Abyan, hadith rapporté par Ahmad Ibn Hanbal, Vol.III, N°333. Le nom de l’Armée d’Aden Abyan apparue en 1998 y fait longuement référence. Les différents émirs d’AQPA qui se sont succédé ont mentionné à chacune de leurs interventions la Palestine pour exhorter les gens du Yémen à s’engager dans le djihad. Ce hadith sur Aden est devenu par la suite un slogan djihadiste récurrent d’AQPA, transformé en slogan « de l’Aden-Abyan nous avons débuté, vers al-Aqsa nous finirons », tout comme celui fondateur qui est « d’expulser les idolâtres de la péninsule arabe ».
21 AQPA, le mouvement des Shabâb al-Mujahidîn en Somalie (HSM), AQ dans le sous-continent indien (AQSI), AQ au Maghreb islamique (AQMI), le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM au Sahel) et le Tanzîm Haras al-Dîn en Syrie.
22 AQPA, le mouvement des Shabâb al-Mujahidîn en Somalie (HSM), AQ dans le sous-continent indien (AQSI), AQ au Maghreb islamique (AQMI), le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM au Sahel) et le Tanzîm Haras al-Dîn en Syrie.
23 Sayf al-Adl (sous la plume Salim al-Sharif), Hâzhihi ghaza : harb wujûd lâ harb hudûd » (C’est Gaza, une guerre existentielle, pas une guerre des frontières), publié par la Fondation médiatique al-Sahab, trois volets, mai 2024.
Pour citer ce document :
Dominique Thomas, "Djihadisme global et question palestinienne, messianisme et défense des Lieux saints au cœur de la discorde". Bulletin de l'Observatoire international du religieux N°49 [en ligne], juin 2024. https://obsreligion.cnrs.fr/bulletin/djihadisme-global-et-question-palestinienne-messianisme-et-defense-des-lieux-saints-au-coeur-de-la-discorde/
Bulletin
Numéro : 49
juin 2024

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Auteur.e.s

Dominique Thomas, Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman

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