Bulletin N°24

Qu’oppose le populisme à l’islam ? Identité contre valeurs

Olivier Roy – Institut européen de Florence

L’introduction d’Olivier Roy débute par un rappel quant à l’origine des populismes en Europe. Si certains découlent du fascisme, la plupart sont plutôt nés au début des années 2000 et ont pour argument central le rejet de l’islam et de l’immigration – qui sont systématiquement associés – ainsi que la critique des élites et de Bruxelles, accusés de complaisance à l’égard du multiculturalisme. Puis O. Roy explique que jusqu’aux années 1960, les valeurs sociétales étaient liées au christianisme et qu’en ce sens, morale laïque et morale chrétienne ne divergeaient guère. Mais 1968, notamment, rompt cet alliage en permettant la codification de valeurs sociétales déconnectés du christianisme (droit à l’avortement, dépénalisation de l’homosexualité etc.). Depuis, ces valeurs ont trouvé une incarnation juridique partout en Europe. Ce cadrage posé, O. Roy précise la nature du contenu identitaire que les populistes disent défendre face à l’islam. Assurément, ce ne sont pas des « valeurs chrétiennes » c’est-à-dire celles antérieures aux années 1960, mais une « identité chrétienne » conçue, elle, comme un fond culturel commun désacralisé. Ainsi le développement du populisme en Europe n’a absolument pas pour corollaire un retour des pratiques religieuses ni même n’induit une défense de valeurs portées par le christianisme. Cette réalité n’est pas sans questionner l’Eglise qui s’interroge sur la position à adopter face aux populistes, ce qui donne lieu à des positionnements ambivalents et des conflits internes. De façon générale, l’Eglise s’inquiète de la montée des populismes qui signifie, en réalité, la sécularisation de la foi et des valeurs chrétiennes, car pour l’Eglise, ces dernières ne sauraient être une stricte identité puisqu’étant un corpus sacré, elles vont bien au-delà des questions identitaires.