Bulletin N°41

Chères Lectrices, chers Lecteurs,

L’engagement et la pugnacité de l’armée ukrainienne, sa capacité de résistance aux forces russes ont surpris et impressionnent encore ses alliés comme ses adversaires^[1]La guerre en Ukraine fera l’objet d’un prochain double bulletin (n°42 et n°43).. Sans doute avaient-ils trop rapidement oublié le poids de la force morale dans un conflit. Bergson le soulignait pourtant déjà en 1914, dans une analyse du rapport de forces opposant la France et l’Allemagne : « la force morale de l’Allemagne, fondée tout entière sur la supériorité militaire, doit nécessairement s’épuiser à mesure que celle-ci décroît du fait des alliances de plus en plus nombreuses qui se groupent autour de la France. La force morale du soldat français est d’une autre nature, elle peut se renouveler continuellement, puisque le droit et la liberté resteront toujours ce qu’ils sont. L’issue de la guerre ne saurait donc faire de doute^[2]Bulletin des armes de la République, n°4, 4 nov. 1914. Le philosophe Henri Bergson (1859-1941) développe également la deuxième acception de la force morale que nous exposons dans cet Édito, en … Continue reading ». La supériorité technique ne suffit ainsi pas à désigner le vainqueur d’un conflit. L’ardeur au combat s’avère également décisive. Cela n’échappe pas à la présidence française : Emmanuel Macron a mobilisé à dix-huit reprises l’expression lors de son discours sur la politique de défense en juillet 2022. Il l’a de nouveau évoqué lors de ses vœux aux armées, en janvier 2023.

Que désigne cette notion de « force morale » ? Le président français l’assimile à l’âme vive de la Nation, sans en préciser davantage les composantes ; elle recouvre en réalité un ensemble de valeurs, de principes supérieurs qui justifient un engagement sans réserve des individus et un dépassement au combat. Elle suppose une finalité qui confirme la nécessité et la légitimité du conflit. Il est possible d’élargir la notion : la force morale désigne également l’ascendant spirituel exercé par certains individus ou certains États, source d’influence et d’autorité.

Ce nouveau Bulletin propose d’explorer les diverses composantes de la force morale : l’article co-écrit par David et Charles Betz revient sur la nécessité de s’engager au nom de principes supérieurs, tout en soulignant la difficulté de donner du sens à un conflit qui entre parfois en contradiction avec ses propres valeurs, d’autant plus dans une société en perte de religiosité. Gilles Ferragu propose une inscription historique de la notion, en s’intéressant plus particulièrement à la force morale incarnée par le Vatican depuis le XIX^e siècle. Enfin, Boris Cyrulnik expose dans un entretien le lien entre résilience et force morale, à partir de son expérience auprès de soldats français.

L’Éclairage(S) de ce quarante-et-unième numéro met en lumière un événement qui n’a pas été relayé par la presse : le R20, forum religieux qui s’est réuni parallèlement au G20 en novembre dernier, en Indonésie. Jonathan Benthall analyse cette rencontre et les enjeux qu’elle soulève en termes de dialogue interconfessionnel.

La Ressource(S) décrypte un rapport du Pew Research Center publié en septembre 2022 sur le nationalisme religieux aux États-Unis. Sébastien Fath nous éclaire sur l’influence réelle de ce mouvement et sur les recompositions politiques et religieuses qu’il traduit.

Bonne lecture à toutes et à tous !