Bulletin N°45

septembre 2023

Le nationalisme birman : les moines, le peuple et l’armée

Julie Lavialle-Prelois

En décembre 2019, Aung San Suu Kyi comparait devant la Cour internationale de Justice (CIJ) en qualité de « cheffe de facto » du gouvernement birman[1]Son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) remporte les élections législatives du 8 novembre 2015 mais Aung San Suu Kyi ne peut prendre la tête du pays et devient Conseillère … Continue reading. Elle défend son pays contre des accusations de génocide à l’égard de la minorité Rohingyas et portées par la Gambie, au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Si l’exode massif de populations vers le Bangladesh voisin (plus de 700 000 personnes) avait visibilisé le conflit de 2016-2017, la mise-au-jour de charniers par des reporters de l’AFP avait dévoilé les exactions et la violence de la répression menée par la Tatmadaw, l’armée birmane, en Arakan. Les accusations sont récusées par la Dame de Rangoun qui nie toute intention génocidaire. En effet, si les populations arakanaises musulmanes sont bien spécifiquement ciblées, un systématisme d’extermination ne peut être démontré. La qualification de « génocide » reste encore débattue dans ce dossier[2]L’arrêt du 22 juillet 2022 de la CIJ expose que la Cour conclut à la recevabilité de la requête de la Gambie à quinze voix contre une. Des procédures sont toujours en cours (attente du … Continue reading.

Dans ce pays, dont 87.9 % de la population est de confession bouddhiste[3]Selon le recensement de 2014 (publié en 2016 par le gouvernement birman). Le dernier recensement, datant de 2019, ne fait pas état de statistiques confessionnelles. Ces chiffres prennent en compte … Continue reading, les affrontements violents entre les « groupes ethniques armés » et la Tatmadaw sont constants dans toutes les régions périphériques du territoire. Mais la discrimination des Arakanais musulmans, ou Rohingyas, est un cas particulier. En 1982, le général Ne Win, alors à la tête du pays, édite une liste de 135 minorités reconnues comme partie de la nation birmane. Les Arakanais musulmans, qui en sont exclus, n’ont donc pas de légitimité à s’organiser politiquement et militairement. Considérés comme des immigrés récents venant du Bangladesh, leur discrimination et la répression violente de leurs revendications font partie de l’appareil idéologique par lequel la junte militaire légitime son pouvoir, un rejeu de la guerre de libération.

La discrimination des Rohingyas a été étendue à celle de l’ensemble des musulmans sous l’impulsion notable d’un collectif de moines, Ma Ba Tha, acronyme de « Comité pour la protection de la race et de la religion ». Ces moines radicalisés ont offert au monde occidental de réviser leur conception d’une religion bouddhiste essentiellement pacifiste en faisant apparaître une politisation parfois violente de certains pans du clergé.

En Birmanie, le recouvrement entre frontières ethnicisées et religieuses s’inscrit dans une histoire longue au cours de laquelle le bouddhisme devient un marqueur identitaire à la fois incluant et excluant. La centralité de la religion bouddhiste dans la définition de l’identité nationale va de pair avec l’influence sacralisée des quelques 500 000 moines qui composent le Sangha (la communauté monastique). Ils sont une force politique et détiennent un pouvoir incontournable de l’échiquier birman. S’ils n’ont pas le droit de vote, leur soutien offre une légitimation clé que se dispute l’armée et ses opposants.

À l’échelle locale, les moines ont une influence de premier plan et font figure de leaders d’opinion. Ainsi s’ils ne prennent généralement pas les armes, les moines « sont en guerre ». Ils prennent position, influencent, mobilisent, et peuvent également être pris pour cible. Cet « être en guerre » se concrétise dans le cadre de l’offensive anti-musulmans où des moines radicalisés appellent à prendre les armes : « nous clôturerons le pays avec nos propres os s’il le faut[4]Extrait de l’hymne du collectif Ma Ba Tha. ». Il se rend également visible dans le contexte post-coup d’État où, dans chaque « camp », des moines appellent à continuer la lutte armée et, pour certains, décident d’y prendre part.

Pourquoi et comment les moines birmans « entrent-ils en guerre » ? Pour répondre à cette question, nous proposons de nous intéresser dans un premier temps à l’histoire de la politisation du bouddhisme érigé en marqueur de l’identité nationale birmane et sur les mobilisations historiques de la communauté monastique, le Sangha. Nous souhaitons par-là donner des éléments de contexte pour comprendre comment il s’est constitué en une force politique. Nous questionnerons ensuite les motivations et les méthodes de la radicalisation anti-musulmans de certains membres du clergé. Nous nous pencherons très particulièrement sur les acteurs principaux de cette radicalisation, le médiatique Ashin Wirathu et son organisation Ma Ba Tha. Enfin, nous nous intéresserons à la manière dont la violence est justifiée par ces acteurs en accord avec la tradition du bouddhisme Therāvada[5]Le bouddhisme Therāvada, la « Voie des Anciens », est la branche du bouddhisme pratiquée encore aujourd’hui qui se rapproche le plus du bouddhisme primitif. Il est issu du bouddhisme … Continue reading et nous mettrons en évidence les définitions contraires d’autres membres du Sangha, notamment dans le contexte actuel, post-coup d’État.

Identité nationale et politisation du Sangha

Le territoire de l’actuelle Birmanie est unifié à trois reprises par des rois bamars (groupe social majoritaire). Au XIe siècle, Anawartha, converti au bouddhisme Therāvada, entreprend sa diffusion à l’échelle du royaume en l’appuyant sur un culte préexistant, le culte des nats[6]Les nats sont des esprits de mal-mort (des êtres humains ayant eu une mort violente) vénérés et craints encore aujourd’hui.. Trente-sept nats sont alors fixés localement dans des sanctuaires et inscrits dans un panthéon sous l’autorité de Thagyà, « dieu » protecteur du bouddhisme. À cette époque, la monarchie devient la protectrice du Sangha. Comme l’écrit Bénédicte Brac de la Perrière, « l'apparition du culte des Trente-sept est, en effet, indissociable du processus birman d'unification[7]Bénédicte Brac de la Perrière, « La Bufflesse de Pégou : un exemple d’incorporation de rituel dans le culte de possession birman ». Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient, … Continue reading ». Le bouddhisme devient dès lors un élément central de légitimation et de territorialisation du pouvoir monarchique bamar.

L’administration coloniale anglaise, qui achève de prendre le contrôle du territoire en 1886, renverse l’ordre précolonial par la mise en place d’une gestion binaire et la relégation du bouddhisme à un plan secondaire. Le Ministerial Burma, région délimitée au centre du pays peuplée majoritairement de groupes bamars, est administré de manière plus directe tandis qu’une plus grande autonomie est consentie aux Frontiers Area, où vivent les groupes minoritaires[8]Renaud Egreteau, Histoire de la Birmanie contemporaine, Le pays des prétoriens. (1e éd.). Paris, Fayard, 2010..

Les Anglais, découvrant le bouddhisme à leur arrivée en Birmanie, l’érige en critère d’autochtonie. Les catégorisations coloniales rendent compte de cette représentation, par exemple en Arakan où les Arakanais bouddhistes sont labellisés « real natives » et ainsi différenciés des « Arakan Mahomedans »[9]Alexandra de Mersan, « Comment les musulmans d’Arakan sont-ils devenus étrangers à l’Arakan ? », Moussons, 28, 2016. [En ligne]. http://moussons.revues.org/3664 . Ces désignations vont faire socle à une conception identitaire dans laquelle « race » et religion se recouvrent.

En 1906, la YMBA (Young Men’s Buddhist Association) est créée par des étudiants du Rangoon College. Sur le modèle de Malun athìn dont le but est d’assurer la distribution de riz aux moines à Mandalay, la YMBA propose le revivalisme bouddhique comme contestation du colonialisme. Leur démarche consiste à encourager les parents à préférer une éducation bouddhiste et en langue birmane pour leurs enfants (en les envoyant au monastère) à l’éducation coloniale dispensée en langue anglaise[10]Marc Couëstan « Représentations du fossé entre générations et relations intergénérationnelles ». dans Gabriel Defert (dir.), Birmanie contemporaine, Bangkok, IRASEC – Les Indes savantes, … Continue reading.

Le nationalisme birman se construit d’abord autour d’un idéal gandhien porté entre autres par U Ottama, un bonze arakanais, qui transmet les principes anticoloniaux non-violents lors de grands discours publics. Mais bientôt, cette approche nationaliste pacifiste se radicalise. À partir des années 1930 et sur fond de crise économique, l’idéal nationaliste se fascise[11]Renaud Egreteau parle dans son ouvrage de « fascination pour l’idéal impérialiste fasciste et guerrier » construit autour des modèles contemporains (hitlérien, mussolinien, salazariste) … Continue reading. Des étudiants impulsent l’utilisation du terme thakin pour se nommer entre eux, thakin signifiant maître. Ils utilisent ce terme, « conventionnellement réservé aux Britanniques[12]Marc Couëstan, op.cit., p.89 », comme marqueur du rejet de la colonisation. Les thakin forment l’association Dóbama Asì-Ayòn, soit « Nous, Birmans »[13]En réalité cette expression fait plus précisément référence aux Bamars mais il semble en effet nécessaire de considérer que le rapport unificateur qu’est la position de dominés face aux … Continue reading. Cette association au caractère nationaliste prononcé et à l’idéologie marxiste voit notamment passer dans ses rangs les dirigeants postcoloniaux : Aung San, U Nu et Ne Win.

L’un des outils de mobilisation des thakin témoigne de l’intégration du concept de race et de sa formulation dans la lutte contre le colonisateur : la « sākyanité ». Les membres de l’association composent un chant, qui deviendra l’hymne national, et qui débute par une référence au fondateur sākya de Tagaung[14]Guillaume Rozenberg,« Être birman, c’est être bouddhiste... » dans Gabriel Defert, op. cit., pp.29-52.. La visée fédératrice de ce chant dans le cadre de la lutte indépendantiste emprunte donc une référence qui, dans l’historiographie monarchique, confère le caractère souverain des Bamars selon une acceptation lignagère. Cette définition nationaliste propose ainsi un « Nous, Birmans » plus large, et met en scène une « race birmane », biologiquement bouddhiste, et dominée par les Bamars. Ce répertoire légitime donc mutuellement l’hégémonie bamar et le bouddhisme comme marqueur de l’identité nationale. Elle constitue ainsi une première esquisse des hiérarchisations nationales à venir.

Entre 1930 et 1938, la radicalisation du nationalisme et des aspirations anticoloniales motive une série d’événements allant de grèves et manifestations à émeutes urbaines et pogroms anti-indiens et islamophobes. Plusieurs pogroms indophobes[15]Les populations indiennes et bengalaises immigrées pendant la colonisation sous l’impulsion de la Couronne sont assimilées à des populations plus anciennes. C’est ainsi que le traumatisme … Continue reading ont lieu durant les années 1893, 1920, 1924, ainsi qu’entre les années 1930-1931 et 1938-1939[16]Claude Moisy,Birmanie. Lausanne : Rencontre, 1964 et Renaud Egreteau, op. cit... De nombreux lieux de cultes hindouistes, sikhs et musulmans sont détruits, en tout ou partie. L’une des révoltes anticoloniales les plus importantes est menée par une grande figure de l’histoire du nationalisme birman, Saya San. Ce bonze, déjà actif dans la période de nationalisme pacifique des années 1920, conduit une révolte paysanne prônant un contexte proche de celui qui précéda la colonisation, c’est-à-dire l’hégémonie bamar sur un modèle monarchique, bouddhiste et fondé sur une économie agraire. Cette révolte dure dix-huit mois entre les années 1930-1931, elle est finalement violemment réprimée par les colons[17]Il est intéressant de souligner que les troupes chargées de cette répression étaient formées principalement de cipayes indiens et de soldats kachin et karen, fait participant, encore une fois, … Continue reading. Saya San reste encore aujourd’hui un personnage historique populaire et estimé.

La Birmanie proclame son indépendance le 4 janvier 1948. L’un des premiers dirigeants du pays est U Nu. Il est un homme très pieux qui conseille la pratique de la méditation à ses ministres et se retire lui-même régulièrement en monastère. U Nu porte un renouveau bouddhiste et y voit le moyen de construire un sentiment national fédérateur. Il met en place les centres d’études bouddhistes ouverts aux laïcs. En popularisant la pratique de la méditation et du bouddhisme, U Nu contribue à réduire la frontière entre l’élite monastique et la population. Il redonne par là même un important pouvoir symbolique et une grande influence aux membres du Sangha.

Dans un contexte de fortes instabilités économiques, le général Ne Win s’empare du pouvoir par un coup d’État le 2 mars 1962. Le « règne » de l’ancien ministre des Armées est marqué par la mise en place de politiques de « birmanisation » violentes[18]Nous pourrions en réalité parler de « bamarisation ». Ne Win appuie sa légitimité sur sa participation à la guerre de libération et met en place un continuel rejeu de celle-ci en luttant … Continue reading. En 1965, Ne Win demande le recensement des membres du clergé. Il s’agit en réalité d’une tentative de contrôle de cette institution comme puissance mobilisatrice. À cette même période, et vraisemblablement selon la même entreprise, Ne Win purge le Sangha de certains éléments contestataires. Loin de reléguer au second plan une tradition bouddhiste dans laquelle il puise une partie de sa légitimité et qu’il considère explicitement comme un marqueur de l’identité nationale birmane, Ne Win est cependant concerné par le potentiel de contestation du Sangha. Dans cette perspective également, il créera, au début des années 1980, le Sangha Maha Nayaka Committee, « un conseil de moines fonctionnant comme une cellule d’encadrement disciplinaire[19]Guillaume Karila « De Ne Win à Nay Pyi Daw. Images de la politique intérieure en Birmanie ». dans Gabriel Defert, op.cit., p.156. ». L’ensemble de ces mesures forme un appareillage totalisant qui assoit une toute-puissance de l’armée.

En 1988, les soulèvements pacifiques pour la démocratie, d’abord estudiantins, sont réprimés dans le sang par la Tatmadaw. Tous les jours, pendant trois semaines, jeunes gens, civils et moines manifestent pacifiquement. L’indignation populaire qui suivit les répressions meurtrières ainsi que des dissensions internes à l’organisation conduisent à la démission de Ne Win le 26 juillet. C’est par la voie radiophonique que le 18 septembre 1988, la population birmane apprend que le State Law and Order Restoration Council (SLORC) prend la tête du pays. Ce conseil du nouveau régime prétorien est composé d’une vingtaine de militaires et, jusque dans son nom, il affirme être un régime de transition. Moins d’une semaine plus tard, le 24 septembre, la Ligue nationale pour la démocratie est créée (LND) et dans son sillage, en vue des élections de 1990, plus de deux cents autres partis sont formés[20]Ibid. Il est intéressant de noter que l’on retrouvera la même dynamique aux élections de 2015, les partis étant formés sur la base de l’appartenance groupale, ou de la « race » dans ce … Continue reading.

La notion de prétorianisme, pour qualifier la junte birmane, est proposée par Renaud Egreteau et Larry Jagan[21]Renaud Egreteau et Larry Jagan Soldiers and Diplomacy in Burma. Understanding the Foreign Relations of the Burmese Praetorian State. Singapour, NUS Press Singapore – IRASEC, 2013.. En effet, dans la lignée de Ne Win, les militaires se posent en « gardien et sauveur de la nation » et rejouent constamment la guerre de libération en luttant contre les étrangers de l’extérieur et de l’intérieur. Ils appuient également leur légitimité sur l’historiographie monarchique en se présentant comme les nouveaux rois[22]En novembre 2005, la junte érige Naypyidaw, « la Cité des Rois », comme la nouvelle capitale de la Birmanie., protecteurs de la foi et de la race.

Les répressions continuent dans les ex-Frontiers Area. Les politiques de la terre brûlée sont combinées à un ensemble d’exactions systématisées telles que des viols massifs, des meurtres, des emprisonnements arbitraires et de la torture. Le remplacement du SLORC par le State Peace and Development Council (SPDC), en 1997, ne marque pas de changement de méthode. Le SPDC conservant effectivement les pratiques terroristes de la junte précédente.

En 2007, une hausse du prix du carburant qui se répercute immédiatement sur le prix des transports et des denrées de base déclenche une vague de contestation historique. Pendant ce qui fût nommé comme « la révolution de Safran », les moines descendent par centaines dans les rues et retournent le bol. « Retourner le bol » est un acte hautement symbolique. Il est synonyme d’une exclusion de la vie communautaire, le refus des offrandes de la part des familles de militaire les prive d’un acte méritoire[23]Claude B. Levenson et Jean-Claude Buhrer Jean-Claude Birmanie. Des moines contre la dictature. (1e éd.). Paris, Mille et une nuits, 2008.. En théorie, il est absolument proscrit dans la tradition bouddhique selon laquelle les moines ont le devoir d’accepter toute offrande, d’où qu’elle vienne. Ils chantent le Mettā Sutta à l’extérieur, un chant qui promeut la compassion et la bienveillance universelle.

Le 27 septembre 2007[24]Comme bon nombre de birmans, et de manière très ostensible pour le général Ne Win, Than Shwe est superstitieux et agit sur les conseils de son astrologue. Le 27/09/2007 est une date … Continue reading, le général Than Shwe alors à la tête de la junte, donne ordre de tirer sur la foule qui manifeste pacifiquement. De nombreux moines sont arrêtés, enfermés et torturés.

Par la suite, le Sangha Maha Nayaka Committee, qui demeure un organe de contrôle privilégié dans l’encadrement des membres du Sangha, mettra en place de nouvelles réglementations qui interdisent aux moines de participer aux affaires laïques.

La radicalisation anti-musulmans de certains membres du clergé

La révolution de Safran est un événement majeur dans l’histoire de la politisation du Sangha birman. En même temps qu’elle a marqué une importante rupture avec la junte militaire, cette prise de position a contribué à renforcer davantage les liens entre le Sangha et les populations civiles. Les moines emprisonnés deviennent, à leur sortie, des Maîtres influents. Ashin Wirathu, cherchera d’ailleurs à faire valoir ses qualités de leader en se prétendant, faussement, être l’instigateur de ce mouvement national de contestation[25]La révolution de Safran a été organisée par plusieurs membres du Sangha, dont Wirathu ne faisait pas partie.. Ce bonze birman est devenu le visage de l’extrémisme bouddhiste birman. Figure de proue du collectif Ma Ba Tha (Comité pour la protection de la race et de la religion), il est présenté par Time Magazine comme « le Ben Laden bouddhiste » et est le personnage principal du film remarquablement documenté de Barbet Schroeder[26]Barbet Schroeder (dir.),The Venerable W. [Film] Les Films du Losange, 2016..

Après avoir pris la robe à dix-sept ans dans sa ville natale de Kyauske, Wirathu part pour le monastère de Ma Soe Yein de Mandalay. En 1997, il découvre un livre censuré[27]L’appareil de censure du régime militaire birman étant très lourd, de nombreux textes imprimés circulent officieusement. Ils se passent de mains en mains ou sont mis à disposition dans les … Continue reading, La peur de la disparition de la race. Inspirés par ce texte, lui et d’autres de ses camarades entreprennent de prêcher à visage couvert dans les cimetières de Mandalay. Dès ces premiers sermons officieux, l’ennemi est identifié, ce sont les « kala »[28]Le terme kala est un terme péjoratif, il signifie « celui qui vient de l’Ouest » ou « par la mer » (Alexandra de Mersan, op.cit.). Il est d’abord principalement utilisé pour désigner … Continue reading, des bengalis qui veulent envahir le pays et arrivent par l’Arakan. En mars, une première manifestation hostile aux Rohingyas est organisée par des moines à Mandalay.

Le mouvement 969 est créé en 1999. Le nombre 969 désigne les trois joyaux du bouddhisme soit 9 le Bouddha (le Bouddha originel dans la tradition Therāvada, Gautama), 6 le Dharma (le chemin droit, la voie juste, les enseignements du Bouddha) et 9 le Sangha (la communauté monastique). Ce mouvement est peu structuré mais il est une première forme d’organisme de propagande anti-musulmans regroupant des moines et des civils.

En 2003, un sermon de Wirathu est enregistré à Kyauske. Ses mots sont explicites : « Dès que je donnerai le signe du départ, soyez prêts derrière moi. [applaudissements] Entre-temps, il faut que je planifie bien comme il faut, façon CIA, Mossad, etc., une opération efficace. Ainsi, nous pourrons réussir notre action. Les émeutes de 1997 à Mandalay, n’avaient pas de leader. Alors, nous n’avons pas réussi. Cette fois-ci, c’est moi le leader ![29]Barbet Schroeder, op. cit.».

Un mois plus tard, Kyauske s’enflamme et Wirathu est arrêté avec son Maître. À ce moment-là, les autorités militaires ne soutiennent pas encore le mouvement qui menace l’ordre et la sécurité.

Comme de nombreux autres moines, Wirathu est arrêté pendant la révolution de 2007. Il est libéré par une amnistie nationale en 2012. Accueilli en grande fête dans son monastère de Mandalay, il prononce un « discours rouge vif » (un « discours courageux » mis en opposition à un « discours jaune », de moine) : « Pour le bouddhisme Therāvada, le nouveau monastère de Ma Soe Yein doit être un rempart. Il doit être une armée dont naissent des combattants qui se battent au premier rang[30]Ibid. Cette injonction entre en contradiction avec sa dénonciation selon laquelle les mosquées seraient des « bases de guerre » et non des lieux de cultes (ibid.). ».

Des autocollants aux couleurs du mouvement 969 vont inonder Mandalay. Ils sont apposés sur les façades des commerces. Il s’agit là d’une opération de communication particulièrement importante et efficace. En effet, l’une des prérogatives du mouvement 969 est le boycott des commerces musulmans. Selon eux, c’est par la « stratégie du sexe », que les musulmans entendent envahir le pays[31]Ibid.. En embauchant des femmes bouddhistes, présentées comme particulièrement influençables, les hommes musulmans pourraient ensuite les épouser et les convertir.

L’imbrication de la race et de la religion dans les conceptions identitaires est rendue ostensible par ces discours. Plus loin, c’est bien encore une lutte contre l’étranger colonisateur qui se joue et se fond dans le système de sens promu par la junte et sa rhétorique anticoloniale.

Les fantasmes d’une volonté « remplaciste » sont très présents dans les publications et les discours[32]Julie Lavialle-Prélois « L’idéologie du « grand remplacement » : race et religion dans le nationalisme birman », Communications,107. Race et racismes, 2020 (pp.191-203). Il y a une crainte réelle « du musulman colonisateur » par les populations bouddhistes[33]L’un de mes enquêtés m’a dit un jour « Mais, pourquoi ne comprends-tu pas que nous n’aimons pas les musulmans, alors que toi aussi, ils essaient d’envahir ton pays ». Cette phrase … Continue reading. L’amalgame essentialiste selon lequel tous les musulmans sont des terroristes est également un argument de discrimination central. Ici, le mythe de l’islamisation vient se combiner au principe de « protection de la pureté de la race et de la foi » pour former un argumentaire qui justifie les violences. En effet, l’un des grands axes de justification de la violence dans le bouddhisme est la défense du Dharma et plus largement de la religion bouddhiste elle-même[34]Bernard Faure, Bouddhisme et violence, (1e éd.), Paris, Le Cavalier Bleu, 2008..

Dans l’État d’Arakan, deux vagues de répressions particulièrement violentes et destructrices ont déjà menées à des exodes massifs de populations vers le Bangladesh voisin en 1978 et en 1991[35]L’opération Naga Min (« Roi des dragons ») en 1978 est orchestrée sous le prétexte de vérifier le statut de citoyenneté des populations musulmanes et conduira à l’exode d’environ … Continue reading. Comme nous l’avons vu plus tôt, la frontière entre Arakanais musulmans et bouddhistes est marquée depuis la période coloniale. Mais le retrait de la citoyenneté aux Arakanais musulmans en 1982 a officialisé la rupture confessionnelle et a profondément impacté les structures sociales. En Arakan, les tensions « intercommunautaires » font donc un terreau fertile à la diffusion de l’idéologie nationaliste du mouvement 969.

En juin 2012, une première vague de violences éclate dans l’État d’Arakan. Elle a pour point de départ le viol et le meurtre d’une jeune femme bouddhiste pour lesquels trois hommes musulmans sont suspectés. Les affrontements entre Arakanais bouddhistes et musulmans vont se succéder, chacun des « camps » étant à tour de rôle à l’initiative[36]Info-Birmanie, « Crise dans l’État d’Arakan, Violences communautaires, répression et discrimination », note d’information – juillet 2012 [En ligne]. … Continue reading.

En réponse à la crise humanitaire que suscite le conflit, le président Thein Sein[37]En 2011, le SPDC est dissout et Thein Sein devient Président de la Birmanie, mimant ainsi une transition vers un gouvernement civil. demande au Bangladesh d’ouvrir ses frontières et de ne pas renvoyer les réfugiés. Il déclare au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) que « la Birmanie assumera la responsabilité de ses nationalités ethniques, mais il n'est pas du tout possible de reconnaître les Rohingyas qui traversent illégalement la frontière et qui ne constituent pas un [groupe] ethnique en Birmanie ». Si la position des gouvernements militaires successifs vis-à-vis des Rohingyas ne laissait déjà pas de doute, contrairement à ses prédécesseurs, le Président Thein Sein ne remet pas en question les émeutes civiles[38]Quelques temps après, Wirathu présentera d’ailleurs Ma Ba Tha comme un organisme de maintien de la paix : « Une fois le problème réglé et les kala sanctionnés, la foule se calme » (Barbet … Continue reading et ce soutien est salué par les moines extrémistes.

Le 2 septembre 2012, une importante manifestation anti-Rohingyas se tient à Mandalay où de nombreux moines défilent au côté de civils en clamant : « Au président Thein Sein, bonne santé ! ». Ces événements marquent un important tournant, le gouvernement militaire devient un soutien du mouvement 969 dont les intérêts convergent avec les siens et dont les discours se fondent complètement dans l’appareillage communicationnel et de légitimation du pouvoir prétorien.

Les communautés arakanaises bouddhistes organisent de grandes réunions sur les places des villages et adoptent des séries de mesures telles que la mise en place de milice de moines ou la désignation publique des traitres à la nation qui sympathisent avec l’ennemi[39] Ibid.. En octobre, une deuxième vague de violence beaucoup plus coordonnée a lieu dans quatorze des dix-sept cantons que compte l’Arakan. Ces conflits font plus de 250 000 déplacés vers le Bangladesh.

Wirathu et son mouvement vont multiplier les apparitions en publics et les sermons avec un rythme d’au moins une quinzaine par mois. Le mouvement devient de plus en plus populaire et influent. De nombreux autocollants, tracts, pamphlets et DVD de propagande sont diffusés.

Peu de temps après l’un de ces discours, en mars 2013, à Meiktila, des émeutes meurtrières éclatent. Des moines sont munis de bâtons ou d’épées, certains attaquent, blessent et tuent. Pendant un mois, de nombreuses émeutes ont lieu dans plusieurs parties du pays.

L’armée met en place de nouvelles formations pour ses officiers, qui reprennent les mots et les idées du livre censuré, La peur de la disparition de la race, et concluent : « Évitons le sort de l’Indonésie et de la Malaisie. Aimez notre race, n’abandonnez pas votre religion[40] Ibid. ».

Quelques mois plus tard, le conseil du Sangha interdit le mouvement 969 et l’utilisation de son emblème. C’est la naissance de Ma Ba Tha, un comité hiérarchisé et bien plus organisé que son précurseur.

Wirathu continue la diffusion de ses supports propagandistes. Toute une équipe travaille à alimenter les réseaux sociaux. Au-delà des nombreux discours, ce sont aussi des images qui sont mises-en-circulation. Des photographies ou des vidéos particulièrement violentes et explicites sont affichées ou distribuées gratuitement sous forme de DVD. Wirathu va même jusqu’à faire tourner un mini-film qui met en scène l’agression de Ma Thida Htwe, en juin 2012[41]Barbet Schroeder, op.cit..

En 2014, à Mandalay, Wirathu relaie une fausse nouvelle sur les réseaux sociaux[42]C4ADS, Sticks and Stones, Hate Speech Narratives and Facilitators in Myanmar, 2015 [En ligne].  … Continue reading. Il s’agit d’une rumeur de viol d’une femme bouddhiste par un homme musulman. Si les émeutes sont rapidement contenues avec l’aide d’autres moines, elles font tout de même un mort dans chaque « camp ».

Entre 2014 et 2015, en réponse aux revendications de Ma Ba Tha, une série lois « pour la protection de la race et de la religion » visant au contrôle des populations musulmanes est adoptée par le Parlement birman. Elles instituent le contrôle des naissances (deux enfants par famille) et la délivrance d’autorisations par les autorités locales pour tout mariage interconfessionnel ainsi que pour toute conversion religieuse.

En Arakan, de nouveaux affrontements, particulièrement violents, ont lieu en 2016. Des membres de l’Arakan Rohingya Salvatory Army (ARSA), considérée par le gouvernement birman comme une organisation terroriste[43]L’ARSA désignera en retour le gouvernement birman comme une organisation terroriste (Lavialle-Prélois, 2018). Julie Lavialle-Prélois, « De la colonisation à la légitimation : l’Autre « … Continue reading, attaquent des postes frontières. La révolte est réprimée dans le sang, les stratégies de viols et de le terre brûlée ont encore cours. Plus de 650 000 individus passent la frontière avec le Bangladesh et les nombreux charniers qui seront découverts l’année suivante amène la communauté internationale à considérer une intention génocidaire.

Après plusieurs avertissements du Sangha Maha Nayaka Committee, Ma Ba Tha est finalement dissout le 23 mai 2017. Le mouvement n’a cependant pas été stoppé, Wirathu reforme une association sous le nom, qui serait moins controversé, de la Fondation philanthropique Buddha Dhamma.

Des lectures contraires

Comment donc comprendre que cette violence puisse être portée par des moines ? Comment peut-elle être considérée comme acceptable dans le cadre idéologique de la religion bouddhiste ? Une doxa occidentale qui conviendrait que le bouddhisme est une religion absolument pacifique apparait biaisée.

Comme pour toutes les grandes religions, l’idéologie bouddhiste a, de tout temps, été instrumentalisée pour servir des intérêts politiques dans les scènes sociologiques où elle prenait place. Si ses idéaux de non-violence ont pu être mobilisés pour apaiser des situations conflictuelles, le temps long de l’histoire est riche d’exemples contraires. Dans la Chine médiévale, les moines bouddhistes prenaient part aux combats en tant que « guerriers de l’invisible ». Leurs pratiques rituelles devaient alors permettre d’influencer le dénouement des batailles. Les moines chinois Shaolin sont bien connus pour leur habilité au combat et leur savoir-faire a donné naissance à plusieurs arts martiaux. Au XIème siècle, au Japon, « la religion se féodalise en même temps que la société », et des « moines-guerriers » organisés en bande défendent leur terre[44]Paul Demiéville, « Le bouddhisme et la guerre : post-scriptum à L’histoire des moines-guerriers du Japon de G Renondeau ». dans Mélanges publiés par l’Institut des hautes études chinoises, … Continue reading.

Des exemples plus contemporains, tel que le combat des moines sri-lankais contre les Tigres tamouls, ou celui des moines tibétains contre l’oppresseur chinois, attestent de la continuité des relations complexes que peuvent entretenir bouddhisme et lutte politique.

La violence n’est donc pas étrangère aux réalités des mondes bouddhistes. En fonction des besoins et des intérêts, les textes et principes des traditions bouddhiques peuvent être mobilisés pour la légitimer mais les causes de celle-ci sont bien à chercher ailleurs.

En Birmanie, le bouddhisme devient le prétexte, voire une ressource de légitimation, de la violence. L’imbrication de la race et de la religion dans une conception ethnonationaliste[45]La conception ethnonationaliste de Wirathu se rend également visible lorsqu’il donne sa position sur les politiques européennes et étatsunienne. Pour lui, l’Europe est envahie par les … Continue reading apparaît comme la clé de compréhension principale des fondements idéologiques de la radicalisation de certains moines birmans.

Dans le Petit Véhicule, qui correspond au bouddhisme Therāvada majoritairement pratiqué en Birmanie, la défense du Dharma est un axe central de justification de la violence[46]Gabriel Faure, op.cit.. Ainsi, lorsque appartenance confessionnelle et identité nationale se recouvre, les ennemis ne sont plus seulement une menace dans cette vie mais peuvent être érigés en ennemis du Dharma. C’est ainsi qu’en 1904, lors de la guerre russo-japonaise, le philosophe Inoue Enryô écrit : « Les Russes ne sont pas seulement notre ennemi, ils sont l’ennemi du Bouddha. Tuer les Russes n’est pas seulement notre devoir en tant que citoyen, c’est notre devoir en tant que bouddhistes[47]Ibid., p.34. ».

La compassion rend en principe le meurtre inenvisageable dans le cadre de l’idéologie du Petit Véhicule[48]Ce qui diffère du bouddhisme Mahāyāna (le Grand Véhicule), majoritairement pratiqué en Chine et au Japon, où la notion de meurtre compassionnel existe.. Un détour sémantique est alors emprunté, celui de la déshumanisation de l’Autre.

Pour rendre la violence, voir le meurtre, acceptable, le déni d’humanité est un recours emprunté dans une multitude de contextes. La dynamique de mise-en-étrangeté de l’Autre peut passer par la catégorisation des membres de l’endogroupe comme les « vrais hommes » et fait apparaître en négatif une sous-humanité de l’Autre. Cette déshumanisation peut être aussi formulée de manière plus directe.

Dans les argumentaires discriminants, les musulmans birmans sont souvent assimilés à des animaux. À titre d’exemple, lors d’une manifestation, des moines portent une pancarte : « Opposer à l’Islam, la foi des animaux. Les musulmans procréent comme des lapins[49]C4ADS, op.cit., p.19. ».

Les musulmans sont déshumanisés et leur animalité est ici mise-en-scène pour justifier la crainte de renversement démographique. Le détour opéré par la déshumanisation de l’Autre, qui se combine à l’argument de la défense de la religion bouddhiste, rend ainsi le meurtre et les violences possibles, voire moraux.

Dans cette configuration, les rétributions karmiques peuvent être présentées comme bénéfiques et ces violences constituées un acte méritoire. Le karma, « action » en sanskrit kri, est un concept qui justifie la hiérarchisation sociale et le « sort » des autres ou de soi-même. Il naturalise l’ordre social. La catégorisation d’un groupe comme non-humain renvoie au principe de ces chaînes de vie qui passent notamment par des animalités (comme sanction de mauvaises actions dans la vie précédente).

Les femmes ne sont pas exemptes de ces hiérarchisations des vies et des êtres. La religion bouddhiste, comme de nombreuses autres religions, reste largement formatée par les structures patriarcales et par là même exprime une forte misogynie.

Les femmes sont présentées comme des êtres impurs et faibles spirituellement. Cette position de « sous-homme » serait justifiée par un mauvais karma à la fois individuel et collectif[50]Bernard Faure, op.cit.. Leur cycle menstruel les condamne d’office à un enfer spécifique, celui de l’Étang de Sang.

Les nonnes ont un statut subalterne dans les hiérarchies monacales. Elles sont assujetties aux moines et ne peuvent jouir de l’autorité spirituelle que leur apporterait les donations des fidèles (elles doivent d’ailleurs souvent elles-mêmes cuisiner pour leurs « homologues » masculins). Il s’agit d’ailleurs de la raison pour laquelle nous avons décidé dans cet article de nous concentrer essentiellement sur les moines, les nonnes n’étant que peu représentées dans les mouvements de contestation.

Leur impureté par essence, ou de substance, les empêchent de s’élever spirituellement. Elles seraient d’ailleurs dépourvues de phòn[51]La notion est complexe, nous la rapprocherons ici de l’idée de « puissance spirituelle »., ce qui rendrait leur accès à l’Éveil impossible sans passer par une condition masculine[52]De nombreuses femmes birmanes récitent encore une très ancienne prière lorsqu’elles font leurs dévotions : « Je souhaite renaître homme dans mon existence future afin d’atteindre le … Continue reading. Il est concédé que de rares nonnes, qui jouissent d’une importante notoriété, possèdent un phòn. C’est également le cas d’Aung San Suu Kyi.

Cette position subalterne des femmes dans le bouddhisme birman (qui a une réalité sociologique différente hors-les-murs du monastère) semble entrer en système avec leur assignation à une position de victime dans le conflit interconfessionnel.

Comme nous avons pu le voir dans la partie précédente, la « valence différentielle des sexes » et les conceptions de domination/agressivité pour l’homme versus soumission/douceur pour les femmes sont très présentes dans les stéréotypes[53]Ces concepts sont empruntés à Françoise Héritier (1996, 2002). Héritier Françoise, Masculin/Féminin I : penser la différence. Paris, Payot, 1996. Héritier Françoise, Masculin/Féminin II : … Continue reading. Les hommes musulmans agresseraient des femmes bouddhistes ou les feraient travailler pour eux afin qu’elles acceptent, naïvement, de les épouser.

Guillaume Karila nous rapporte qu’en juin 1988, afin de « détourner la colère du peuple contre l’armée », la junte, encore sous contrôle étroit de Ne Win, aurait fait circuler des rumeurs de viol de femmes bouddhistes ainsi qu’un « manifeste truqué de mollahs invitant les musulmans de Birmanie à convertir autant de femmes que possible » en vue de provoquer des affrontements entre bouddhistes et musulmans[54]Op.cit., p.156.. Ces stratégies, dans lesquelles la domination des femmes est mise au centre de l’enjeu majoritaire, existent donc de longues dates[55]Julie Lavialle-Prélois, « Les femmes dans le processus d’épuration ethnique des Arakanais musulmans en Birmanie », Chimères, 96, pp.171-178.. De plus, en regard de la conception de la « protection de la race » par des militaires en grande majorité bamars, le viol est un instrument privilégié dans les vagues de répression des minorités.

Les renforcements mutuels de la légitimité de la lutte contre le musulman colonisateur par les moines bouddhistes radicaux et l’armée ne connaissent pas de rupture majeure avant le coup d’État de février 2021. La frontière interconfessionnelle reste en effet marquée pendant les six années de gouvernance en partie civil et démocratique qu’a connues la Birmanie.

Aung San Suu Kyi, fille d’Aung San (le Père de la nation), et son parti, la LND, remportent les élections législatives en novembre 2015. Malgré les nombreuses campagnes de dépréciation organisées par la junte militaire depuis son arrivée dans le champ politique birman, elle jouit d’une importante popularité. Ces campagnes mettent d’ailleurs également en évidence la juxtaposition du patriotisme et du principe de protection de la race. Les généraux birmans, qui se voient amputer d’une ressource symbolique majeure (l’héritage d’Aung San), vont axer leurs argumentaires sur l’occidentalité d’Aung San Suu Kyi. Dans leur lutte contre le colonisateur contemporain, le fait que la Dame est passée à ce moment-là une majorité de sa vie en Angleterre où elle s’est mariée et a eu des enfants en fait un argument de choix. Présentée comme « la marionnette des néocolonialistes », elle sera également critiquée pour avoir « altéré la pureté d’un sang noble[56]Guillaume Karila, op.cit., p.169. ». En 1996, le New Light of Myanmar publie par exemple que : « Mrs. Michael Aris, alias Daw Aung San Suu Kyi […] a violé la discipline de la race, sa culture et ses coutumes. Comment peut-il y avoir du patriotisme alors qu'elle n'avait pas, avec un esprit patriotique, défendu les principes de la préservation de sa race et de son lignage ?[57]Renaud Egreteau et Larry Jagan, op.cit., p.58. Cet extrait me permet de souligner qu’un des outils de ce dispositif de dépréciation était le refus de la nommer par son nom birman, sa « … Continue reading »

C’est également cet argument qui l’empêchera d’accéder à la fonction exécutive. La Constitution de 2008, mise en place par le SPDC, comporte une clause pensée spécialement pour la Dame qui spécifie que les personnes mariées à des étrangers ou ayant des enfants étrangers ne peuvent accéder à la fonction présidentielle. Le texte prévoit également qu’un minimum de 25 % des sièges du Parlement soient réservés d’office aux membres de la junte. Ces 25 % ont sous leur contrôle trois ministères clés que sont : le ministère de l’Intérieur, le ministère de Gestion des frontières et le ministère de la Défense. La Dame de Rangoun n’a donc qu’un pouvoir relatif, notamment concernant les problématiques « inter-ethniques ».

Le 1er février 2021, Min Aung Hlaing renverse le gouvernement et arrête Aung San Suu Kyi. La Birmanie retombe ainsi complétement sous le joug des militaires.

Dès le lendemain du putsch, les civils ont formulé des réponses collectives en se mobilisant conjointement contre ce gouvernement illégitime. Les répressions violentes et indifférenciées de ces mobilisations par l’armée ont eu pour effet de renforcer une dynamique d’unification des populations civiles sans précédent dans cet espace social et politique morcelé. Sommes-nous en train d’assister à la constitution d’une société civile unifiée en réponse au terrorisme militaire en Birmanie ? Si l’avenir demeure incertain, ces reconfigurations sont néanmoins historiques et apparaissent comme un potentiel tournant sociopolitique majeur.

Là encore, les moines vont prendre part au débat. S’ils sont beaucoup moins présents dans la rue que dans le cadre de la révolution de 2007, ils se positionnent individuellement et collectivement.

Les membres du Sangha apparaissent divisés, certains moines restent très proches de l’armée et défendent le retour à l’autoritarisme militaire. Selon Parmaukkha, un moine condamné pour incitation à la haine contre les Rohingyas en 2017, avec le maintien du gouvernement d’Aung San Suu Kyi « on aurait assisté à une extinction de la religion, des spécificités ethniques et du pays[58]AFP, « Birmanie : les moines divisés face à la junte » Challenges, 13mai 2021.  [En ligne]. https://www.challenges.fr/monde/birmanie-les-moines-divises-face-a-la-junte_764492 ». Wirathu et son organisation reviennent sur le devant de la scène et leur notoriété est exploitée. Le jour de la fête de l’indépendance, le bonze est fait « Thiri Pyanchi », la plus haute distinction honorifique, par Min Aung Hlaing qui salue « son travail exceptionnel pour le bien de l’Union de Birmanie ». Il devient un propagandiste pour le compte de l’armée et encourage les citoyens à « défendre le pays face aux terroristes », qui ne sont autre que les manifestants[59]Brice Pedroletti, « En Birmanie, un moine bouddhiste ultranationaliste au service de la junte », Le Monde, 10 mars 2023 [En ligne]. … Continue reading.

D’autres appellent au contraire à continuer la lutte face à un pouvoir militaire qui s’attaque aussi directement à certains monastères, d’après les propos de l'ancien moine Gambira, tandis qu’il accorde d’importantes donations à d’autres[60]AFP, op.cit.. D’après l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP), des dizaines de moines auraient également été fait prisonniers. Gambira affirme à l’AFP : « Dans un monde idéal, les moines ne devraient se concentrer que sur la religion et la méditation, mais notre pays a sombré dans le chaos. On ne peut pas fermer les yeux. Le Bouddha nous a enseigné que, peu importe où et comment, il faut toujours rester sur le chemin de la vérité. Nous n'avons qu'un seul mot d'ordre : Ne jamais se rendre[61]Ibid. ».

En mars 2021, le Sangha Maha Nayaka Committee publie un projet de déclaration appelant à mettre fin aux violences contre les manifestants et un engagement à mettre un terme à ses activités administratives par solidarité. Le chef du comité, Bhaddanta Kumārabhivaṁsa, est arrêté.

Conclusion

La communauté monastique apparaît donc divisée. L’influence sacralisée de ses membres sert alors des idéaux politiques qui, un temps divergents, aujourd’hui s’opposent. Les moines entrent en guerre pour défendre le peuple, mais de quel peuple parlons-nous ? Celui que définit aussi l’armée, à savoir délimité par le triptyque idéologique race – religion – nation, ou un peuple unifié dont la définition correspond davantage aux idéaux de compassion et de bienveillance universelles défendus par une grande partie du Sangha ?

Cet « être en guerre » ne se vit d’ailleurs pas pour tous de la même manière. Certains moines se disent prêts à « renoncer à (leur) précieuse vie monastique pour participer à la révolution[62]Ibid. ». D’autres préfèrent conserver l’influence que leur confère le statut monacal.

Tous les hommes bouddhistes doivent se retirer au moins une fois en monastère au cours de leur vie. Si certains décident d’y rester, on entre et on sort du monastère. La clôture monacale n’apparaît pas comme une frontière absolue en Birmanie, où les hommes et les femmes se constituent en acteurs pour faire valoir leurs opinions.

Notes

Notes
1 Son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) remporte les élections législatives du 8 novembre 2015 mais Aung San Suu Kyi ne peut prendre la tête du pays et devient Conseillère d’État, un poste crée pour elle. La Constitution de 2008, mise en place par la junte militaire, prévoit qu’une personne mariée à un étranger ou ayant des enfants étrangers ne puisse accéder à la fonction présidentielle. Cette clause est bien sûr spécifiquement pensée pour Aung San Suu Kyi mariée à Michael Aris en Angleterre.
2 L’arrêt du 22 juillet 2022 de la CIJ expose que la Cour conclut à la recevabilité de la requête de la Gambie à quinze voix contre une. Des procédures sont toujours en cours (attente du contre-mémoire par le gouvernement birman). International Court of Justice, (2022) Order of 22 July 2022. Application of the convention on the prevention and punishment of the crime of genocide (The Gambia v. Myanmar).
3 Selon le recensement de 2014 (publié en 2016 par le gouvernement birman). Le dernier recensement, datant de 2019, ne fait pas état de statistiques confessionnelles. Ces chiffres prennent en compte les populations recensées et non recensées « sur l’hypothèse que la population non recensée de l'État [d’Arakan] est de confession islamique ». Ce faisant, la part de populations musulmanes aurait augmentée, mais de façon très relative (4,3 % en 2014 contre 3,9 % en 1983, date du dernier recensement confessionnel). Department of Population (2016). The 2014 Myanmar Population and Housing Census, The Union Report: Religion (Census Report Volume 2-C) Ministry of Labour, Immigration and Population. [En ligne]. https://www.dop.gov.mm/sites/dop.gov.mm/files/publication_docs/union_2-c_religion_en_0.pdf
4 Extrait de l’hymne du collectif Ma Ba Tha.
5 Le bouddhisme Therāvada, la « Voie des Anciens », est la branche du bouddhisme pratiquée encore aujourd’hui qui se rapproche le plus du bouddhisme primitif. Il est issu du bouddhisme Hīnayāna (Petit Véhicule) et est basée sur les écritures bouddhiques en langue pâlie. Il est répandue majoritairement au Sri-Lanka et en Asie du Sud-Est.
6 Les nats sont des esprits de mal-mort (des êtres humains ayant eu une mort violente) vénérés et craints encore aujourd’hui.
7 Bénédicte Brac de la Perrière, « La Bufflesse de Pégou : un exemple d’incorporation de rituel dans le culte de possession birman ». Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient, 82 (1), 1995, p.288.
8 Renaud Egreteau, Histoire de la Birmanie contemporaine, Le pays des prétoriens. (1e éd.). Paris, Fayard, 2010.
9 Alexandra de Mersan, « Comment les musulmans d’Arakan sont-ils devenus étrangers à l’Arakan ? », Moussons, 28, 2016. [En ligne]. http://moussons.revues.org/3664
10 Marc Couëstan « Représentations du fossé entre générations et relations intergénérationnelles ». dans Gabriel Defert (dir.), Birmanie contemporaine, Bangkok, IRASEC – Les Indes savantes, 2008, pp.85-103.
11 Renaud Egreteau parle dans son ouvrage de « fascination pour l’idéal impérialiste fasciste et guerrier » construit autour des modèles contemporains (hitlérien, mussolinien, salazariste) mais aussi japonais et thaïlandais (op.cit.).
12 Marc Couëstan, op.cit., p.89
13 En réalité cette expression fait plus précisément référence aux Bamars mais il semble en effet nécessaire de considérer que le rapport unificateur qu’est la position de dominés face aux colonisateurs est mis en avant par l’association.
14 Guillaume Rozenberg,« Être birman, c’est être bouddhiste... » dans Gabriel Defert, op. cit., pp.29-52.
15 Les populations indiennes et bengalaises immigrées pendant la colonisation sous l’impulsion de la Couronne sont assimilées à des populations plus anciennes. C’est ainsi que le traumatisme colonial se fixe sur l’ensemble des populations indianisées.
16 Claude Moisy,Birmanie. Lausanne : Rencontre, 1964 et Renaud Egreteau, op. cit..
17 Il est intéressant de souligner que les troupes chargées de cette répression étaient formées principalement de cipayes indiens et de soldats kachin et karen, fait participant, encore une fois, aux ressentiments de la majorité bamar à l’égard des minorités (Renaud Egreteau, op.cit.).
18 Nous pourrions en réalité parler de « bamarisation ». Ne Win appuie sa légitimité sur sa participation à la guerre de libération et met en place un continuel rejeu de celle-ci en luttant contre le colonisateur et ses complices. Les interdictions d’apprentissage de l’anglais, du cricket, etc. sont couplées à une Tatmadaw violente dans les ex-Frontiers Area où l’apprentissage d’autres langues que le bamar est également proscrit. La Tatmadaw est également « bamarisée » (ibid.).
19 Guillaume Karila « De Ne Win à Nay Pyi Daw. Images de la politique intérieure en Birmanie ». dans Gabriel Defert, op.cit., p.156.
20 Ibid. Il est intéressant de noter que l’on retrouvera la même dynamique aux élections de 2015, les partis étant formés sur la base de l’appartenance groupale, ou de la « race » dans ce contexte. Cette dynamique est particulièrement révélatrice de la conception de la démocratie représentative ainsi que de la juxtaposition de l’identité citoyenne et de l’appartenance groupale.
21 Renaud Egreteau et Larry Jagan Soldiers and Diplomacy in Burma. Understanding the Foreign Relations of the Burmese Praetorian State. Singapour, NUS Press Singapore – IRASEC, 2013.
22 En novembre 2005, la junte érige Naypyidaw, « la Cité des Rois », comme la nouvelle capitale de la Birmanie.
23 Claude B. Levenson et Jean-Claude Buhrer Jean-Claude Birmanie. Des moines contre la dictature. (1e éd.). Paris, Mille et une nuits, 2008.
24 Comme bon nombre de birmans, et de manière très ostensible pour le général Ne Win, Than Shwe est superstitieux et agit sur les conseils de son astrologue. Le 27/09/2007 est une date particulière, 2+7 = 9, le mois de septembre est le 9ème mois de l’année et 2+0+0+7 = 9. Le 9 étant le chiffre fétiche des généraux birmans.
25 La révolution de Safran a été organisée par plusieurs membres du Sangha, dont Wirathu ne faisait pas partie.
26 Barbet Schroeder (dir.),The Venerable W. [Film] Les Films du Losange, 2016.
27 L’appareil de censure du régime militaire birman étant très lourd, de nombreux textes imprimés circulent officieusement. Ils se passent de mains en mains ou sont mis à disposition dans les marchés (Myo Win, 2008). Myo Win, (2008) La presse, entre propagande et censure. Dans Gabriel Defert, op.cit., pp.235-255.
28 Le terme kala est un terme péjoratif, il signifie « celui qui vient de l’Ouest » ou « par la mer » (Alexandra de Mersan, op.cit.). Il est d’abord principalement utilisé pour désigner les Arakanais musulmans, ou Rohingyas (qui ont un phénotype indianisé, et renvoie à la notion d’indophobie ; Renaud Egreteau, op.cit.). Il est ensuite utilisé pour parler des musulmans de manière plus générale par les acteurs discriminants.
29 Barbet Schroeder, op. cit.
30 Ibid. Cette injonction entre en contradiction avec sa dénonciation selon laquelle les mosquées seraient des « bases de guerre » et non des lieux de cultes (ibid.).
31 Ibid.
32 Julie Lavialle-Prélois « L’idéologie du « grand remplacement » : race et religion dans le nationalisme birman », Communications,107. Race et racismes, 2020 (pp.191-203)
33 L’un de mes enquêtés m’a dit un jour « Mais, pourquoi ne comprends-tu pas que nous n’aimons pas les musulmans, alors que toi aussi, ils essaient d’envahir ton pays ». Cette phrase m’avait fortement interpellée et m’a conduit vers mon sujet de thèse sur la circulation de la théorie du grand remplacement.
34 Bernard Faure, Bouddhisme et violence, (1e éd.), Paris, Le Cavalier Bleu, 2008.
35 L’opération Naga Min (« Roi des dragons ») en 1978 est orchestrée sous le prétexte de vérifier le statut de citoyenneté des populations musulmanes et conduira à l’exode d’environ 200 000 individus (Pho Kan Kaung, « The Danger of Rohingya », Myet Khin Thit Magazine, 25, 1992, pp. 87–103 ; Bertil Lintner, « Bangladesh extremist islamist consolidation. South Asia Terrorism Portal, 14, 2002). En 1991, en réponse à l’expansion militaire de la Rohingyas Solidarity Organisation (RSO), l’opération Pyi Thaya (« Clean and Beautiful nation ») provoque le départ d’environ 250 000 individus vers le Bangladesh. Des camps de fortunes sont installés là où la Tatmadaw a pratiqué une « politique de la terre brûlée » (ibid.).
36 Info-Birmanie, « Crise dans l’État d’Arakan, Violences communautaires, répression et discrimination », note d’information – juillet 2012 [En ligne]. http://www.info-birmanie.org/wp-content/uploads/2007/03/Rapport-Info-Birmanie_Crise-dans-l%E2%80%99Arakan_juillet-2012.pdf.
37 En 2011, le SPDC est dissout et Thein Sein devient Président de la Birmanie, mimant ainsi une transition vers un gouvernement civil.
38 Quelques temps après, Wirathu présentera d’ailleurs Ma Ba Tha comme un organisme de maintien de la paix : « Une fois le problème réglé et les kala sanctionnés, la foule se calme » (Barbet Schroeder, op.cit.).
39 Ibid.
40 Ibid.
41 Barbet Schroeder, op.cit.
42 C4ADS, Sticks and Stones, Hate Speech Narratives and Facilitators in Myanmar, 2015 [En ligne].  https://static1.squarespace.com/static/566ef8b4d8af107232d5358a/t/56b41f1ff8baf3b237782313/1454645026098/Sticks+and+Stones.pdf
43 L’ARSA désignera en retour le gouvernement birman comme une organisation terroriste (Lavialle-Prélois, 2018). Julie Lavialle-Prélois, « De la colonisation à la légitimation : l’Autre « terroriste » en Arakan », Journal des Anthropologues, 154-155, 2018, pp.63-83.
44 Paul Demiéville, « Le bouddhisme et la guerre : post-scriptum à L’histoire des moines-guerriers du Japon de G Renondeau ». dans Mélanges publiés par l’Institut des hautes études chinoises, t.1. Paris, Collège de France, 1957. Cité dans Gabriel Faure, op.cit., p.46.
45 La conception ethnonationaliste de Wirathu se rend également visible lorsqu’il donne sa position sur les politiques européennes et étatsunienne. Pour lui, l’Europe est envahie par les musulmans (selon leur plan de domination mondiale) et cette invasion est permise par les gouvernements trop laxistes (Angela Merkel notamment à ce moment-là). Pour le cas étatsunien, il affichait également sa sympathie à l’égard de la figure national-populiste de Donald Trump (Barbet Schroeder, op.cit.).
46 Gabriel Faure, op.cit.
47 Ibid., p.34.
48 Ce qui diffère du bouddhisme Mahāyāna (le Grand Véhicule), majoritairement pratiqué en Chine et au Japon, où la notion de meurtre compassionnel existe.
49 C4ADS, op.cit., p.19.
50 Bernard Faure, op.cit.
51 La notion est complexe, nous la rapprocherons ici de l’idée de « puissance spirituelle ».
52 De nombreuses femmes birmanes récitent encore une très ancienne prière lorsqu’elles font leurs dévotions : « Je souhaite renaître homme dans mon existence future afin d’atteindre le Nirvana » (Claude Delachet-Guillon, « La Birmanie côté femme »,  dans Gabriel Defert, op.cit., p.107.
53 Ces concepts sont empruntés à Françoise Héritier (1996, 2002). Héritier Françoise, Masculin/Féminin I : penser la différence. Paris, Payot, 1996. Héritier Françoise, Masculin/Féminin II : dissoudre la hiérarchie, Odile Jacob, 2002.
54 Op.cit., p.156.
55 Julie Lavialle-Prélois, « Les femmes dans le processus d’épuration ethnique des Arakanais musulmans en Birmanie », Chimères, 96, pp.171-178.
56 Guillaume Karila, op.cit., p.169.
57 Renaud Egreteau et Larry Jagan, op.cit., p.58. Cet extrait me permet de souligner qu’un des outils de ce dispositif de dépréciation était le refus de la nommer par son nom birman, sa « débaptisation ». Ainsi, « elle n’est plus la fille d’Aung San, mais la femme d’un Anglais » (Guillaume Karila, op.cit. p.170).
58 AFP, « Birmanie : les moines divisés face à la junte » Challenges, 13mai 2021.  [En ligne]. https://www.challenges.fr/monde/birmanie-les-moines-divises-face-a-la-junte_764492
59 Brice Pedroletti, « En Birmanie, un moine bouddhiste ultranationaliste au service de la junte », Le Monde, 10 mars 2023 [En ligne]. https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/10/en-birmanie-un-moine-bouddhiste-ultranationaliste-au-service-de-la-junte_6164946_3210.html.
60 AFP, op.cit.
61 Ibid.
62 Ibid.
Pour citer ce document :
Julie Lavialle-Prelois, "Le nationalisme birman : les moines, le peuple et l’armée". Bulletin de l'Observatoire international du religieux N°45 [en ligne], septembre 2023. https://obsreligion.cnrs.fr/bulletin/le-nationalisme-birman-les-moines-le-peuple-et-larmee/
Bulletin
Numéro : 45
septembre 2023

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Auteur.e.s

Julie Lavialle-Prelois, École des Hautes Études en Sciences Sociales

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