Bulletin N°39

septembre 2022

L’orthodoxie chrétienne en Moldavie : politisation, tensions et rapprochements, au-delà de l’agenda géopolitique international

Davide N. Carnevale

La religiosité orthodoxe dans une région frontalière contestée

Les événements dramatiques des derniers mois ont ramené le scénario post-soviétique au centre d'une attention médiatique et académique depuis longtemps en veille sur la complexité des enjeux politiques et religieux qui traversent tout l’est de l’Europe. La République de Moldavie, très représentative de ces enjeux, occupe une bande de terre fertile qui s'étend de la rivière Prout aux rives du fleuve Dniestr et qui représentait jusqu'en 1991 l'un des cœurs agricoles de l'Union soviétique, bien qu'elle fût la plus petite des six anciennes républiques socialistes du continent européen. Située entre l’Ukraine et la Roumanie, elle est, tiraillée entre l'influence russe et les souhaits d’adhésion à l'Union européenne, dont les nombreuses promesses en ce sens semblent se préciser – la plus récente et la plus sérieuse d’entre elles datant de juin 2022.

Malgré les transformations drastiques qui ont eu lieu au cours des trente dernières années, les principaux facteurs de fragilité de cette petite république n’ont pas sensiblement évolué. Sur le plan social, ils sont liés à la faiblesse évidente de l'appareil économique et étatique, qui s'exprime par exemple par une dépendance désormais structurelle aux envois de fonds des immigrés moldaves. Au niveau politique s’observe une méfiance généralisée envers les institutions, associée aux effets polarisants d'une mobilisation continue de facteurs identitaires ethniques et linguistiques complexes, ainsi qu'aux défauts d'une société civile en mesure de réguler les processus de transition. Encore aujourd'hui, cette transition semble pour l'essentiel guidée à la fois par la pression des partenaires économiques et des prêts conditionnels de la Russie, de l'UE et du FMI, et par un réseau local d'hommes d'affaires construit sur les pratiques d'accaparement de l'ancienne Union soviétique. Nous pouvons ajouter à ce tableau l'état d'exception politique durable politique représenté par un territoire à prédominance russophone qui conserve encore comme drapeau la bannière de la république socialiste soviétique de Moldavie, et qui fait aujourd'hui l'objet d'un marquage touristique en tant que territoire «laissé en Union soviétique» : la république autoproclamée de Transnistrie. Cette zone grise, au sein d'une région globalement marquée par l’importance des pratiques de gouvernance fondées sur rapports informels et réseaux clientélistes, montre pour beaucoup d'analystes à quel point le processus de construction nationale de l’État moldave est loin d'être achevé[1]Parmi les études qui ont analysé ces enjeux, nous suggérons : Matei Cazacu et Nicolas Trifon, Un État en quête de nation: La République de Moldavie. Paris: Nonlieu 2017; Charles King, The … Continue reading

Au-delà d’une succession de réformes quasi-cosmétiques, les alignements politiques et électoraux moldaves continuent de se fonder sur les enjeux et les tensions liés à la thématique de l'identité nationale. Ils alimentent ainsi les luttes mémorielles entre les lignes de fracture d'une histoire de politiques identitaires contradictoires qui, en deux siècles, ont vu prévaloir la russification, puis la romanisation, puis la soviétisation, couplée d’une première « moldovanisation », et aujourd'hui d'une nouvelle "moldovanisation" nouvelle qui semble mélanger une abjure contradictoire du passé socialiste avec une condition permanente de transition[2]A ce sujet, l’histoire des politiques éducatives dans la région est éclairante. Voir le numéro spécial dirigé par Petru Negura et Andrei Cusco, « Public Education in Romania and Moldova, … Continue reading. Quinze ans après la fin des politiques culturelles antireligieuses soviétiques, en 2004, le premier recensement officiel de l’après 1989 signalait déjà que 93,34% des citoyens déclaraient leur foi orthodoxe, un pourcentage qui s'élèverait à 94,81% si l'on exclut les deux municipalités urbaines bessarabes de Balti et Chisinau (aucun recensement officiel n'est disponible pour la région située au-delà du Dniestr)[3]L’accès à ce recensement ainsi qu’à d’autres statistiques du bureau des statistiques moldaves est possible [en ligne] : https://statistica.gov.md..

Les recherches de terrain que nous avons pu mener en Moldavie et auprès des migrants d’origine moldave présents en Italie, à différentes périodes de 2015 à nos jours, ont montré la corruption qui touche les hiérarchies chrétiennes orthodoxes, leurs intérêts politiques locaux et les partenariats commerciaux qu’elles ont pu nouer, favorisant notamment la floraison d'une industrie de construction d'églises. Néanmoins, une visite des nombreuses paroisses et monastères nouvellement érigés montre parallèlement que les églises orthodoxes font aujourd'hui partie des institutions qui bénéficient d'un large soutien et d'un sentiment d'appartenance au sein de la population locale. Les représentants orthodoxes semblent largement considérés comme une autorité sociale légitime dans l'arène publique, généralement préférée et parfois considérée comme alternative à celle incarnée par d'autres acteurs gouvernementaux ou non gouvernementaux. Comme l'ont également confirmé d'autres enquêtes récentes, la grande majorité des personnes interrogées ont des opinions favorables à l'égard de l'Église orthodoxe, loin de la méfiance manifestée à l'égard du gouvernement et de ses représentants ; en outre, la majorité des Moldaves ont déclaré qu'ils accepteraient un certain degré d'implication de l'Église dans les affaires politiques, considérant ces interférences comme faisant partie de la mission d'une Église chrétienne dans son pays[4]Depuis 2001, l'Institut moldave de politique publique publie deux fois par an un « Baromètre de l'opinion publique », le dernier datant de juin 2021 ; la question « Dans quelle mesure faites-vous … Continue reading.

Parmi les spécificités de l’opinion publique, confirmées par les recherches de terrain que nous avons pu mener, celle sur laquelle nous nous attarderons dans le présent article est la particularité d'une définition au singulier de l'orthodoxie, prédominante et presque constante, dans un cadre qui présente au contraire un scénario inter-orthodoxe pluriel. L’un des signes de cette pluralité se situe à l’échelle des juridictions : touchée par différentes sphères d'influence, aujourd'hui en concurrence, cette petite république possède une géographie religieuse particulière faite de deux Églises orthodoxes différentes, parmi de nombreux autres concurrents mineurs. Les deux Églises soulignent que cette coexistence est étrangère à un point de vue théologique orthodoxe et ne cessent d'exprimer - lorsque cela est possible - la canonicité non complète de l'autre Église. Surtout, elles se présentent chacune comme Église nationale officielle, étant toutes deux sous la juridiction de deux patriarcats orthodoxes étrangers, l’un à Moscou, l’autre à Bucarest.

Ce qui a été mentionné dans cette brève introduction peut donner lieu à deux constats. Le premier est que la dualité inter-orthodoxe reflète clairement l’héritage historique et l’actuelle position géopolitique de cette petite république, oscillant entre le rapprochement avec la Roumanie et la persistante influence russe. Le deuxième souligne que la proximité avec l'Ukraine voisine n'est évidemment pas seulement géographique. Ce qui s'est passé chez le voisin oriental depuis les manifestations de l'Euromaïdan jusqu'à nos jours représente un élément supplémentaire de complexité pour les décideurs moldaves et pour tous les acteurs religieux et politiques de Moldavie, qui observent désormais l'évolution de la situation ukrainienne avec intérêt et appréhension, craignant la remise en cause des équilibres électoraux et internationaux.

Dans cet aperçu introductif de l'orthodoxie chrétienne en Moldavie, nous partirons de la définition locale de l’ « Église orthodoxe », caractérisée par sa singularité, et nous tenterons de vérifier si ce cadrage peut enrichir les interprétations actuelles du rôle sociopolitique de l'orthodoxie, et s'écarter des lectures parfois simplistes qui dominent actuellement le débat médiatique et scientifique sur le rôle sociopolitique des Églises orthodoxes dans les pays d'Europe de l’Est. Nous soutiendrons qu’il est nécessaire de considérer les acteurs religieux comme porteurs de différents niveaux d’agentivité politique qui les place de plein droit parmi les décideurs locaux. Cela permet d’offrir une lecture plus fine de l'autorité religieuse orthodoxe en Europe de l'Est, qui ni considère l’orthodoxie comme un miroir passif ou un appendice super-structurel des autorités étatiques, ni est nourrie exclusivement par des références à une théologie politique articulée sur la « symphonie » avec les (autres) pouvoirs temporels.

Dans cet aperçu introductif de l'orthodoxie chrétienne en Moldavie, nous partirons de la définition locale de l’ « Église orthodoxe », caractérisée par sa singularité, et nous tenterons de vérifier si ce cadrage peut enrichir les interprétations actuelles du rôle sociopolitique de l'orthodoxie, et s'écarter des lectures parfois simplistes qui dominent actuellement le débat médiatique et scientifique sur le rôle sociopolitique des Églises orthodoxes dans les pays d'Europe de l’Est. Nous soutiendrons qu’il est nécessaire de considérer les acteurs religieux comme porteurs de différents niveaux d’agentivité politique qui les place de plein droit parmi les décideurs locaux. Cela permet d’offrir une lecture plus fine de l'autorité religieuse orthodoxe en Europe de l'Est, qui ni considère l’orthodoxie comme un miroir passif ou un appendice super-structurel des autorités étatiques, ni est nourrie exclusivement par des références à une théologie politique articulée sur la « symphonie » avec les (autres) pouvoirs temporels.

Frontières orthodoxes moldaves: les porosités entre identités nationale(s) et religieuse(s)

Un renouveau religieux s’observe en Moldavie depuis l'indépendance, favorisant la réouverture de centaines d'églises et de nombreux monastères, symbole évident de la chute d'une autorité étatique qui visait à prendre la tête d'une gestion globale de la vie sociale (croyance religieuse incluse). C'est aussi la fin d'une autorité étatique qui visait à prendre la tête d'une gestion globale de la vie sociale des citoyens soviétiques (croyances et appartenances religieuses incluses). Les représentants moldaves de l'Église orthodoxe ont alors évolué d’une situation de fort contrôle imposé sur la vie des communautés – qui permettait en même temps de garantir paradoxalement leur position de monopole – à un protagonisme social accompagné du soutien manifeste des nouveaux acteurs politiques.

Lors de la proclamation de l'indépendance de la République moldave, une partie du clergé orthodoxe a suivi avec enthousiasme la réorganisation du pouvoir à la tête du pays, associant indépendance, revendications traditionnalistes et nationalisme pro-roumain. Ce clergé a déclaré la sécession du Patriarcat de Moscou auquel le clergé orthodoxe moldave était lié à cette époque. Une Église alternative, connue sous le nom d’Église métropolitaine de Bessarabie ou Église orthodoxe bessarabienne a été créée et a rapidement été subordonnée au Patriarcat national roumain[5]Le Patriarcat de Bucarest contrôlait la région bessarabe à l'époque de la Grande Roumanie et avait été établi comme Église autocéphale plus de quatre décennies auparavant, lorsque les … Continue reading.

Toujours en dialogue avec les partisans d'un rapprochement avec la frontière européenne, revendiquant à l'occasion les retrouvailles avec la mère patrie roumaine, l'émergence de l’Église orthodoxe bessarabienne a réactivé la longue histoire régionale de compétition entre Bucarest et Moscou, qui de son côté a donné en 1994 le statut d'Église autonome à son diocèse moldave, l'Église métropolitaine de Chisinau, également appelée Église orthodoxe moldave[6]Un certain nombre d'études historiques approfondies ont traité des répercussions des événements historiques moldaves sur les clercs locaux orthodoxes et les institutions religieuses. Parmi … Continue reading. Après dix ans de vide juridique, une intervention de la Cour européenne des droits de l'homme a permis la reconnaissance légale de l’Église orthodoxe de Bessarabie, qui compte désormais des paroisses dans toutes les régions de la République, à l'exception de la Transnistrie. La reconnaissance officielle de cette Église minoritaire a confirmé un « monopole bipolaire », parmi d'autres congrégations religieuses plus petites. Les acteurs religieux et politiques observent désormais l'évolution de la situation ukrainienne avec intérêt et appréhension, craignant la remise en cause de ce compromis.

Comme dans de nombreux États d'Europe de l'Est, les récits religieux et néo-traditionalistes ont été placés au cœur du processus de construction de l'État moldave par les nouvelles instances dirigeantes nationales et transnationales. Les acteurs religieux ont joué un rôle déterminant par le soutien accordé aux politiciens lors des élections locales et nationales et par l’appui apporté à la politique étrangère de leurs interlocuteurs géopolitiques[7]Parmi la vaste bibliographie sur ces deux aspects, nous suggérons : Orthodox Christianity and Nationalism in Nineteenth-Century Southeastern Europe, dirigé par Lucian Leustean, Fordham University … Continue reading.

Il ne fait aucun doute que le mélange entre identité religieuse et identité nationale est une clé centrale de la dynamique actuelle du paysage religieux, dont l’importance rappelle les années de la fin de l'Empire ottoman et l'émergence d'autocéphalies nationales orthodoxes. Les interférences des appareils gouvernementaux et des organes diplomatiques sur les institutions religieuses sont également incontestables, bien que souvent reconnues de manière implicite. En revanche, les dimensions bottom-up de cette construction – parfois ethnicisante – de l'affiliation religieuse sont largement sous-estimées, de même que les capacités d'action politique, de mobilisation économique et de représentativité institutionnelle dont les Églises et communautés orthodoxes se sont révélées capables au cours des dernières décennies.

Les deux Églises semblent dessiner des discours d'appartenance orthodoxe qui sont largement associés à des récits nationaux : il en résulte une affirmation commune du lien avec la religiosité des ancêtres, mais un héritage historique globalement divergent dans l'attribution de la nationalité de ces derniers. De nombreux représentants de la Métropole orthodoxe de Bessarabie ont adopté un fort nationalisme roumain, qui inclut généralement des déclarations de sympathie envers l'intégration économique dans l'Union européenne : dans la capitale moldave, certaines des chapelles les plus importantes de cette Église orthodoxe abritent les deux drapeaux. D'autre part, la Métropole majoritaire de Chisinau se présente comme « l'Église des Moldaves », soulignant la multiethnicité du pays et restant liée à la synodalité avec Moscou. En même temps, elle tend généralement à équilibrer ses positionnements officiels, se gardant ouverte aux avantages d'un rapprochement avec l'Occident, et ne recourt pas plus que l’autre Église orthodoxe à des jugements critiques sur l'immoralité des sociétés occidentales. Les deux Métropoles privilégient l'utilisation de la langue roumaine. Mais tandis que l'une exalte la spécificité ethnique et la beauté du roumain en l'intégrant dans un nationalisme d’inspiration panroumaine, l'autre l'insère dans un discours de souveraineté nationale moldave. En soulignant parfois la spécificité régionale de la langue, quelquefois rebaptisée limba de , les prêtres de la Métropole de Chisinau la mélangent avec des formules locales dérivées de la tradition ecclésiastique et de la langue slaves.

Comme étudié dans de nombreux États d'Europe de l'Est, les récits religieux et néo-traditionalistes ont été placés au cœur du processus de construction de l’identité nationale. Est également souligné dans la littérature scientifique le rôle que les acteurs religieux ont joué dans le soutien accordé aux politiciens lors des élections locales et nationales et dans l’appui apporté à la politique étrangère de leurs interlocuteurs géopolitiques. Il ne fait aucun doute que le mélange entre identité religieuse et identité nationale est une clé centrale de la dynamique actuelle du paysage religieux, dont l’importance rappelle les années de la fin de l'Empire ottoman et l'émergence d'autocéphalies nationales orthodoxes. Les interférences des appareils gouvernementaux et des organes diplomatiques sur les institutions religieuses sont également incontestables, bien que fréquemment reconnues de manière partielle. Ces deux approches à l’étude des dimensions politiques de l’Orthodoxie, comme nous pouvons le voir, se limitent à thématiser le poids des cadres géopolitiques et de la relation entre la religion et le fonctionnement de l’Etat. En revanche, largement sous-estimées sont en particulier les dimensions bottom-up de cette construction – parfois ethnicisante – de l'affiliation religieuse, de même que les capacités d'action politique, de mobilisation économique et de représentativité institutionnelle dont les Églises et communautés orthodoxes se sont révélées capables au cours des dernières décennies.

Dans le cas d’étude moldave, les approches centrées sur l’État et l’agenda géopolitique international insistent sur les différences entre ces deux Églises, représentant deux récits nationaux, deux vues politiques et deux référents étrangers concurrents[8]Une partie importante de la production scientifique sur l'orthodoxie en Moldavie se rejoint sur cet angle d'analyse ; nous citons, entre autres :  Dareg Zabarah, « Le rôle des églises orthodoxes … Continue reading. Afin de mettre cette perspective à l’épreuve du terrain, nous allons alors solliciter cette dualité du paysage orthodoxe, en montrant notamment la mobilisation situationnelle, positionnelle et contextuelle des ressources symboliques. Alors que les approches actuelles concernant la relation entre les religions et la politique en Europe de l’Est se sont généralement focalisées sur le rôle – strictement politique – des acteurs religieux dans les questions électorales, gouvernementales et géopolitiques, nous montrerons que la présence sociale et politique de l’orthodoxie en Moldavie se développe au sein et au-delà de ces dimensions.

 Les limites d’une approche de l’orthodoxie moldave en termes de dualité

Les rapports des médias et les études consacrées à l'Europe de l'Est soutiennent des récits dichotomiques, en commençant par le thème favori de l'étude des relations entre l'État et l'Église. Par conséquent, ils ont tendance à ne guère s’attarder sur le fonctionnement des institutions ecclésiastiques locales, et sur les affinités entre elles, ainsi qu'entre les pratiques locales des acteurs sociaux présents dans différentes arènes de la sphère publique[9]D'autres recherches ont évolué vers des observations centrées sur les acteurs religieux moldaves:  Anastasia V. Mitrofanova, “Orthodox actors and equal opportunities policies in the Republic of … Continue reading. Notre recherche de terrain montre, au contraire, que les « orthodoxies moldaves » sont plus semblables que différentes, se rapprochant l'une de l'autre dans leur physionomie organisationnelle, leurs enchevêtrements territoriaux et leurs pratiques discursives, et se transformant toutes deux en fonction de la place, souvent similaire, qu'elles occupent dans le scénario sociopolitique actuel. Nous montrerons également, dans le cas moldave, que l’interaction entre religion et État passe par des frictions et des arrangements, plus qu’une coopération symétrisable.

Il est par exemple tout aussi évident que moins connu que la Métropole de Bessarabie, comme son homologue, entretenait des relations très étroites avec des personnalités politiques et économiques locales et internationales. Nombre de ces relations sont anciennes et ont été établies malgré la résistance des gouvernements moldaves dirigés par les socialistes, qui ont longtemps défendu le monopole de l’Église orthodoxe moldave. Les prêtres sous la juridiction des deux Patriarcats ont accédé à des sièges parlementaires ou à des conseils municipaux, à des missions ministérielles et à des fonctions publiques dans la région de la Bessarabie, et les prêtres de la Métropole moldave ont joué des rôles similaires dans les institutions de la République sécessionniste de Transnistrie. Les deux Églises ont bénéficié du favoritisme du gouvernement en échange du soutien et de la légitimation de leurs principales forces politiques, et ces derniers temps, les personnalités électorales qui ont trouvé un soutien important auprès des congrégations évangéliques ne manquent pas. Ce n'est pas sans raison que ces deux principales Églises orthodoxes se sont alliées en de nombreuses occasions pour affirmer ensemble leur centralité sociale. Leur collaboration a partiellement prévalu sur leur concurrence interne, y compris dans certaines revendications récentes concernant les biens religieux confisqués à l'époque soviétique, ainsi que dans les critiques à l'égard d'autres confessions religieuses « non traditionnelles », « non nationales » ou « non canoniques »[10]A ce propos, voir Davide N. Carnevale, “A Context-Grounded Approach to Religious Freedom: The Case of Orthodoxy in the Moldovan Republic”, Religions, 10 (5), 2019, p. 314..

À l'élection présidentielle de 2020 un fort soutien de la part de l’Église orthodoxe moldave et de son métropolite Vladimir a été reçu par le candidat pro-russe Igor Dodon, donnant lieu une nouvelle fois à des analyses portant sur les acteurs religieux en tant qu'agents des campagnes électorales et des politiques étrangères. Sa concurrente pro-européenne Maia Sandu, maintenant au pouvoir, avait confirmé cette lecture, avec des déclarations très critique envers les partenariats entre acteurs de l'Eglise et de l'Etat. Ses politiques se sont ensuite révélées plus modérées qu'elles n'avaient été présentées, abandonnant les tonalités enflammées d'un plan « radicalement occidental » pour lutter contre la corruption, dans lequel elle promettait aussi de limiter l'action des institutions religieuses dans l'arène publique. Ce virage a été confié à Igor Grosu qui, élu président du Parlement le 29 juillet 2021, a déjà rendu visite au métropolite Vladimir le 2 août, et au métropolite Petru, chef de l’Église orthodoxe de Bessarabie, le 4 août [11]Sur la manière dont l'utilisation des pages Internet peut établir une " sphère publique numérique " qui a assumé des fonctions habituellement remplies par les organes de la société civile … Continue reading.

Ces réunions visaient à reconnaître le rôle de l'Église orthodoxe (encore une fois au singulier) dans la préservation et la promotion des valeurs morales et spirituelles autochtones, et à surmonter la crise économique et spirituelle qui marque la société contemporaine. En réponse aux plaintes, Grosu a affirmé qu'après les bouleversements des scrutins il y a la nécessité de « régler toutes les choses ». Sandu elle-même a progressivement réhabilité dans l'arène politique locale une image d’elle plus traditionaliste. Plaidant pour une solidarité mutuelle entre l'État et l'Église, elle a donné une grande visibilité à sa rencontre avec les deux évêques métropolitains célébrée le jeudi saint précédant Pâques 2022[12]Voir “Maia Sandu: bisericile ortodoxe să fie „solidare cu statul”, când e vorba de siguranța oamenilor’, 21avril 2021 [online] https://moldova.europalibera.org.. En outre, le 20 mai elle a envoyé une lettre officielle de remerciement au métropolite Vladimir pour son engagement philanthropique en faveur des réfugiés d'Ukraine, déclarant qu' « ensemble, nous pouvons changer notre pays pour le bien [...] et construire un petit coin de paradis où vous voulez vivre et construire l'avenir ». Une lettre presque similaire a également été envoyée aux deux organisations philanthropiques liées à l’Église bessarabienne, très engagées dans la réponse à la crise des réfugiés ukrainiens (en partenariat stricte avec des ONG roumaines et d’Europe occidentale).

L'orthodoxie de l'Europe de l'Est, connue pour son prétendu conservatisme ainsi que pour ses liens avec les identifications ethniques-nationales, se fait généralement, dans le débat médiatique, le complice des images d'États stagnants avec leurs stratégies illibérales de consensus. Une telle image essentialisée risque d’amoindrir la créativité dont l’orthodoxie témoigne lorsqu’elle s'engage dans un dialogue direct avec les questions posées par la contemporanéité, redéfinissant et réinventant une tradition malléable aux changements de la société et façonnée au service de la centralité sociale de l'Église[13]L’enquête de terrain montre que les récits du passé sont également mobilisés dans la redéfinition contemporaine de l'orthodoxie et de son rôle. En fonction de l'expérience et du sujet … Continue reading. Pour cette raison dans les conclusions de notre réflexion nous allons observer la capacité de l’orthodoxie de faire communauté, tout en soulignant les raisons de l’efficacité du discours religieux et de l’affiliation religieuse au niveau local. En répondant à « ce qui compte » dans cette maille de relations au ras du sol, la religiosité orthodoxe stimule un large éventail de mélanges symboliques et d'interactions avec d'autres formes d'appartenance. En outre, elle met en mouvement un capital symbolique utile pour repenser les représentations et les pratiques d'appartenance collective, tout en établissant sa présence à travers des expressions profondément ancrées dans la centralité du rituel, dans l'expérience de la communauté et dans la continuité de la tradition. Elle tend à se confier la tâche d'articuler une mémoire partagée, qui se veut historiquement adressée non seulement aux fidèles et aux pratiquants, mais à tout un « peuple orthodoxe » idéalement en communion avec le corps de l'Église. Comme nous tenterons de le montrer, dans ce processus de reconstruction sur une base religieuse d'un tissu social, les facteurs gouvernementaux et géopolitiques ne sont que quelques-uns des angles d’analyse possibles de ce peuple.

L’orthodoxie vécue : à l'intérieur de la fabrication religieuse des espaces collectifs.

Les moments de polarisation géopolitique accrue, comme celui que nous vivons actuellement, tout en exerçant une pression sur les positions de compromis de la Métropole de Moldavie, semblent dans certains cas favoriser la possibilité de la part de l'Église orthodoxe minoritaire de se saisir de ces tensions. Un exemple en est le cas récent de la paroisse d'un petit village de la municipalité bessarabienne de Rezina, à quelques kilomètres du pôle sidérurgique de Ribnita, en Transnistrie. Grâce à une collecte de signatures et au soutien du maire local (du parti libéral pro-européen), des villageois ont révoqué le curé actuel et décidé de transférer la paroisse sous la juridiction de l’Église orthodoxe de Bessarabie. Cette dernière a envoyé ici un nouveau jeune prêtre roumain (ou, comme le maire l'appelle, « roumain d'au-delà du Prout »). Même dans ce petit site rural, le positionnement conflictuel sur la situation politique et militaire ukrainienne, en plus de la question ecclésiastique, s'est inscrit dans un enjeu territorial d'une grande complexité. .

Le curé licencié, critiqué pour son manque de présence, avait également refusé de dire des prières en solidarité avec la cause ukrainienne, et de ne pas mentionner le patriarche Kirill dans la liturgie (comme il est d'usage pour toutes les entités appartenant au Patriarcat russe)[14]La mention du patriarche dans la liturgie est d'usage pour toutes les juridictions orthodoxes.. Aux journalistes, les partisans de la collecte de signatures se sont plaints que le curé n'avait pas été respectueux des besoins et des souhaits de ceux qui ont financé et soutenu la reconstruction de la paroisse. Ils ont ajouté qu'il avait utilisé les rituels comme des occasions de propagande, se prononçant en faveur de l'intervention militaire russe en Ukraine et affirmant que le rapprochement de la Moldavie avec l'Europe conduirait à ce que le pays soit rempli de parades homosexuelles. Les fidèles qui ont pris la défense du curé expulsé, en revanche, se sont plaints qu'une telle décision aurait nécessité la adunarea generală de l’ensemble du village, et ont donc été accusés par les pétitionnaires d'être des exemples d'homo sovieticus.

Les jours mêmes de l'installation du nouveau prêtre roumain dans le Raion de Rezina, il était également occupé à assister, dans la paroisse d'un village voisin, à la bénédiction d'un monument de cimetière , dédié aux héros militaires roumains de juillet 1941. La construction a en effet été promue par des associations patriotiques pro-roumaines, par l'association des vétérans ayant combattu lors de la guerre civile moldave de 1991, et grâce à un don substantiel d'un groupe de fidèles de la diaspora moldave en Italie. Devant le prêtre roumain et d'autres prêtres locaux de l’Église orthodoxe de Bessarabie, les louanges des exploits du maréchal Antonescu se sont mêlées aux applaudissements des écoliers locaux, tous vêtus de vêtements traditionnels. Cependant, l'église où a été béni le monument aux soldats d'Antonescu est sous la direction d'un autre curé, appartenant à l'autre Métropole. Lui aussi est présent à l'événement et concélèbre avec ses collègues. Conformément à une pratique typiquement soviétique, le président des anciens combattants lui remet une médaille de distinction et un diplôme pour le soutien moral et matériel apporté.

Une analyse contextuelle du fonctionnement des paroisses confirme encore plus combien une lecture duale de l'orthodoxie locale est limitée. Les exemples susceptibles de clarifier la situation sont nombreux. Les rencontres avec les prêtres et les moines de la région montrent clairement qu'une partie des prêtres du diocèse roumain ne sont pas satisfaits de l'accent excessif mis sur la nature roumaine de leur mission ecclésiale. En outre, malgré l'importance de ce facteur dans les débats théologiques orthodoxes, il existe une très petite minorité de paroisses de l’Église orthodoxe de Bessarabie qui ont adopté le calendrier liturgique propre au Patriarcat roumain, ou qui poussent le culte des saints et les traditions rituelles à « roumaniser » la communauté, malgré l'importance de ces facteurs dans les débats théologiques orthodoxes. Toutes les autres paroisses adoptent plutôt les styles rituels, la musique et la dévotion des saints communs dans la région, bien que cela soit l'héritage d'une histoire d'acculturation religieuse qui diverge en partie de celle de leurs « frères d'au-delà du Prout »[15]Un aspect intéressant concerne le repositionnement de ces questions dans l'importante diaspora moldave d'Europe occidentale. Pour le cas italien, voir Davide N. Carnevale, “La Grande Romania in … Continue reading.

Même dans les rencontres avec les prêtres de la Métropole majoritaire, une Église autonome liée au Patriarcat de Moscou, la variabilité des positions sur l'identité nationale est présente, voire plus importante. Dans leur majorité, ils rejettent l'idée d'être définis comme une « Église russe », soulignant leur autonomie. À des degrés divers, de nombreux prêtres expriment des positions qui mêlent des opinions pro-roumaines à des déclarations sur l'indépendance politique et culturelle nationale. Plusieurs d'entre eux mettent également l'accent sur l'amitié qui lie depuis des décennies le patriarche de Bucarest et le métropolite Vladimir, soulignant que les divisions ne sont « que des affaires politiques ».

La plupart des prêtres locaux, dont la majorité a maintenant entre 40 et 50 ans, sont formés dans une académie de théologie de la capitale, qui diplôme des prêtres des deux Églises. Nous avons interviewé, entre autres, les curés de deux des nombreuses nouvelles paroisses de Chisinau : elles appartiennent à aux deux Métropoles différentes, mais les deux prêtres portent le même nom de famille car ils sont frères. Il est alors important de souligner plus généralement qu'aucun interlocuteur n'a admis l'idée qu'il existe plus d'une Orthodoxie, même face à la variabilité continue d'une tradition vécue qui non seulement abrite différents drapeaux, mais n'a pas eu de problème à repeindre un club ou un gymnase soviétique pour en faire à nouveau un lieu sacré.  Le même cas de la collecte de signatures à l’église près de Rezina nous indique que la question géopolitique ne permet pas à elle seule d’appréhender l’ensemble des enjeux sous-jacents, mettant en lumière la quantité de patronages, de négociations et d'arrangements s’étendant au-delà des milieux des détenteurs officiels du pouvoir. En effet, la majorité des signataires disent qu’ils ont soutenu l'entrée du nouveau prêtre roumain non pas en raison de son affiliation à la Métropole, mais parce qu’il a garanti de venir vivre en permanence dans le village avec sa femme, de garder l’église toujours ouverte, de faire des activités pour les enfants, et de ne pas « imposer de taxes » à quiconque pour les baptêmes, les mariages et les funérailles. Encore une fois, la dimension micro-sociale nous permet de réinsérer la spiritualité orthodoxe dans une trame plus complexe de relations sociales, dans laquelle elle s'affirme comme une ressource sociale redessinant les frontières entre participation civique et appartenance religieuse.

Un examen contextuel des « stratégies de présence » des chefs religieux orthodoxes a permis de montrer que la principale expression de la religiosité orthodoxe dans le contexte moldave semble rester celle de la cérémonie sacrée, mais celle-ci opère bien au-delà de l'espace sacré abrité par l'iconostase[16]Pour une proposition de cadrage anthropologique de la politique de création de lieux dans et au-delà des perspectives centrées sur l'État, voir : Davide N. Carnevale and Thomas M. Wilson, « … Continue reading. Les nouvelles églises offrent aux prêtres et aux fidèles un espace performatif imprégné d'une théologie centrée sur l'expérience immanente du divin, où des postures et des gestes précis ponctuent la pratique liturgique, les festivités et la vie quotidienne, croisant le mystique et le social. L'expérience idéale de la foi orthodoxe, mêlant l'acceptation de l'autorité religieuse à une expérience diffuse et partagée du sacré, se traduit par une manière transformée de participer à la vie quotidienne. Elle établit de nouvelles références sociales, et reconfigure les identités et les relations avec le contexte. Dans le même souffle, les représentants religieux traversent les principaux moments et dispositifs d'agrégation sociale comme acteurs institutionnels, à l'intérieur et au-delà des jeux des partis locaux et des référents géopolitiques les plus disparates. Ils participent aux défilés militaires et aux fêtes, bénissent les nouveaux hôpitaux et les centres commerciaux, ainsi que les voitures et les cadeaux d'anniversaire, communiquent leurs messages à la télévision et dans les campagnes, créent des associations philanthropiques et de diaspora, servent de médiateurs et capitalisent les formes de mutualisme par le bas, adressent des remerciements publics aux médecins, aux enseignants et aux généreux entrepreneurs et constructeurs locaux.

Ces espaces et ces moments sont ceux dans lesquels les Églises orthodoxes réapparaissent comme des acteurs majeurs de l’espace public. Ils montrent, en somme, que la compréhension de la religiosité moldave ne peut s’appréhender à partir du seul agenda des États et de leurs politiques étrangères, qui ne peuvent à eux seuls expliquer toute manifestation d'autorité, qu'elle soit religieuse ou gouvernementale. Les acteurs religieux moldaves s'affirment comme une ressource sociale importante, redessinant les clivages entre citoyenneté et appartenance religieuse. En ce sens, l’étude des espaces sacrés orthodoxes moldaves encourage et requiert une lecture de leur politisation capable de mettre en tension les catégories et les termes propres à la théorie politique classique, qu'il s'agisse de lire leur interférence directe dans la sphère institutionnelle et internationale, ou leur émergence au sein de la société civique. Des études plus approfondies des rôles politiques contemporains du christianisme orthodoxe devraient alors se concentrer sur ces interactions sociales, en tant que clés pour comprendre ses capacités génératives, ses ambiguïtés et fragilités, et ses multiples enchevêtrements avec d'autres structures et imaginaires de l'autorité sociale.

 

Notes

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1 Parmi les études qui ont analysé ces enjeux, nous suggérons : Matei Cazacu et Nicolas Trifon, Un État en quête de nation: La République de Moldavie. Paris: Nonlieu 2017; Charles King, The Moldovans. Romania, Russia, and the politics of culture, Stanford, CA: Hoover Institution Press, 2000.
2 A ce sujet, l’histoire des politiques éducatives dans la région est éclairante. Voir le numéro spécial dirigé par Petru Negura et Andrei Cusco, « Public Education in Romania and Moldova, 19-20th Centuries: Modernization, Political Mobilization, and Nation-Building », Plural - History, Culture, Society. 9(1), 2021; Liliana Rotaru et Ion Valer Xenofontov (eds.), O utopie devenită realitate: învăţământul superior în RSS Moldovenească, de la planificare la reproducere, Chisinau: Lexon-Prim, 2020
3 L’accès à ce recensement ainsi qu’à d’autres statistiques du bureau des statistiques moldaves est possible [en ligne] : https://statistica.gov.md.
4 Depuis 2001, l'Institut moldave de politique publique publie deux fois par an un « Baromètre de l'opinion publique », le dernier datant de juin 2021 ; la question « Dans quelle mesure faites-vous confiance à l'institution suivante ? » est constante et confirme l'autorité de l'Église et la méfiance à l'égard du Parlement, du gouvernement, du système judiciaire et du président. Pour une autre enquête axée sur les relations entre l'État et l'Église, voir : Ovidiu Voicu, Jennifer Cash et Victoria Cojocariu, Biserică şi Stat în Republica Moldova, Chisinau, Fondation Soros-Moldavie/Centre d'innovation publique, 2017.
5 Le Patriarcat de Bucarest contrôlait la région bessarabe à l'époque de la Grande Roumanie et avait été établi comme Église autocéphale plus de quatre décennies auparavant, lorsque les territoires de la Moldavie actuelle faisaient partie de l'Empire russe.
6 Un certain nombre d'études historiques approfondies ont traité des répercussions des événements historiques moldaves sur les clercs locaux orthodoxes et les institutions religieuses. Parmi celles-ci, en français, le livre de Panteleimon Iosif Pavlinciuc, La vie monastique en Moldavie pendant la période soviétique : le monastère de Noul-Neamt, Villeneuve d'Ascq, ANRTA, 2010.
7 Parmi la vaste bibliographie sur ces deux aspects, nous suggérons : Orthodox Christianity and Nationalism in Nineteenth-Century Southeastern Europe, dirigé par Lucian Leustean, Fordham University Press 2014. Le cas roumain, plus scruté que celui de la Moldavie, décrit bien l'imbrication de ces deux sujets dans les débats savants ; voir : Lavinia Stan et Lucian Turcescu, « The Romanian Orthodox Church : From Nation-Building Actor to State Partner », Kirchliche Zeitgeschichte, 25 (2) pp. 401-417.
8 Une partie importante de la production scientifique sur l'orthodoxie en Moldavie se rejoint sur cet angle d'analyse ; nous citons, entre autres :  Dareg Zabarah, « Le rôle des églises orthodoxes dans la définition de la nation en Moldavie post-soviétique », Sudosteuropa-Zeitschrift Fur Gegenwartforschung 59 (2), 2011, p. 214 ; Grigore, Mihai, 2016, « ‘Orthodox Brothers’: Ecclesiastical Jurisdiction, National Identity, and Conflict between the Romanian and Russian Orthodox Churches in Moldavia », in Christianity and National Identity in Twentieth-Century Europe: Conflict, Community, and the Social Order, dirigé par J. C. Wood, pp. 91-109. Göttingen, Vandenhoeck et Ruprecht; Vitalie Sprinceana, God in the “Border Zones", Russian Politics & Law, 52 (2), 2014, pp. 34-52.
9 D'autres recherches ont évolué vers des observations centrées sur les acteurs religieux moldaves:  Anastasia V. Mitrofanova, “Orthodox actors and equal opportunities policies in the Republic of Moldova in the context of the transformation of post-Soviet societies”,  Approaching Religion, 9 (1-2), 2019, pp. 96-112. L'article se concentre sur les mouvements radicaux et les politiques discriminatoires et se fondent sur une approche de la religion basée sur la théorie du choix rationnel. Toutefois, en raison de cela, Mitrofanova s'attarde avant tout sur les différences entre les deux Églises, comparant une Église européenne "publique" et moderne à l'inertie de la métropole de Chisinau, dominante mais dépassée.
10 A ce propos, voir Davide N. Carnevale, “A Context-Grounded Approach to Religious Freedom: The Case of Orthodoxy in the Moldovan Republic”, Religions, 10 (5), 2019, p. 314.
11 Sur la manière dont l'utilisation des pages Internet peut établir une " sphère publique numérique " qui a assumé des fonctions habituellement remplies par les organes de la société civile (avec des stratifications claires de classe, d'âge et de culture numérique), voir l'exploration du cas russe dans Michael S. Gorhan, Ingunn Lunde and Martin Paulsen (eds), Digital Russia. The language, culture and politics of new media communication, New York, Routledge, 2014.
12 Voir “Maia Sandu: bisericile ortodoxe să fie „solidare cu statul”, când e vorba de siguranța oamenilor’, 21avril 2021 [online] https://moldova.europalibera.org.
13 L’enquête de terrain montre que les récits du passé sont également mobilisés dans la redéfinition contemporaine de l'orthodoxie et de son rôle. En fonction de l'expérience et du sujet évoqués, par exemple, les prêtres interviewés (de deux Eglises) peuvent mélanger des références à la persécution avec des formes de nostalgie pour le passé socialiste.
14 La mention du patriarche dans la liturgie est d'usage pour toutes les juridictions orthodoxes.
15 Un aspect intéressant concerne le repositionnement de ces questions dans l'importante diaspora moldave d'Europe occidentale. Pour le cas italien, voir Davide N. Carnevale, “La Grande Romania in Italia? La diaspora ortodossa moldava, tra romenizzazione e controtendenze”, in M. Guglielmi (ed.), Le Chiese romene in Italia.Percorsi, pratiche e identità, Carocci, Roma, 2022, pp. 57-77.
16 Pour une proposition de cadrage anthropologique de la politique de création de lieux dans et au-delà des perspectives centrées sur l'État, voir : Davide N. Carnevale and Thomas M. Wilson, « Place-making, Politics and Borderscapes in Southeastern Europe », Anthropology of East Europe Review, 37(1), pp. 1-24.
Pour citer ce document :
Davide N. Carnevale, "L’orthodoxie chrétienne en Moldavie : politisation, tensions et rapprochements, au-delà de l’agenda géopolitique international". Bulletin de l'Observatoire international du religieux N°39 [en ligne], septembre 2022. https://obsreligion.cnrs.fr/bulletin/lorthodoxie-chretienne-en-moldavie-tensions-et-rapprochements-au-dela-de-lagenda-geopolitique-international/
Bulletin
Numéro : 39
septembre 2022

Sommaire du n°39

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Auteur.e.s

Davide N. Carnevale, Université de Ferrare, Observatoire du pluralisme religieux de Bologne

Texte traduit par Anne Lancien

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