Bulletin N°38

juillet 2022

Rites funéraires : peut-on se passer des religions ? L’épidémie de la Covid-19 en France, une expérimentation du deuil sans rituels

Marie-Frédérique Bacqué

Préambule[1]Marie-Frédérique Bacqué remercie toute l’équipe de Covideuil-France dirigée par Pr. Marie-Frédérique Bacqué : Livia Sani, assistante principale de la recherche (Post-Doc), Yasmine Chemrouk, … Continue reading

La pandémie de SARS-CoV-2 a modifié le monde en profondeur. L’humanité entière a été confrontée à une épidémie relativement sévère et aujourd’hui, en juillet 2022, toujours hors de contrôle. Présentons-nous tout d’abord, afin de préciser les facteurs contre-transférentiels sous-jacents aux hypothèses de recherche, ou, formulé différemment, les projections du chercheur sur sa thématique de recherche. Je suis psychologue clinicienne active dans un cabinet. Je suis également professeure de psychopathologie à l’université de Strasbourg. J’ai donc été confrontée à la pandémie à plusieurs niveaux. Comme praticienne, j’ai reçu durant cette période de plus en plus de demandes de consultation, aussi bien de la part de parents qui consultaient pour leurs enfants anxieux que d’adultes angoissés pour leur vie et celle de leurs proches. Des endeuillés interdits de voyages ou de visites vers leur famille malade me sollicitaient également ; enfin, dans un cadre volontaire, je rencontrais des chefs d’entreprise en liquidation financière en raison de l’arrêt de leur activité commerciale dû aux confinements. En tant qu’universitaire j’ai demandé à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) le financement d’une recherche : Covideuil a étudié les effets de la restriction des rituels funéraires dès le début de leur empêchement puis lors de leur restriction une année plus tard, en avril 2021.

Les prémisses d’une recherche

Ce qui a entraîné mon questionnement était en fait en gestation depuis une trentaine d’années. J’ai réalisé ma thèse sur la psychopathologie du deuil en France et me suis nourrie des travaux de thanatologues comme Louis-Vincent Thomas et Luce des Aulniers, de sociologues comme Edgar Morin, Patrick Baudry, Jean-Yves Déchaux ; d’historiens comme Philippe Ariès, Michel Vovelle et de tous les contemporains des études sur la mort. J’y ai moi-même pris une part conséquente, en succédant à Michel Hanus à la présidence de la société de Thanatologie qui commençait à développer la dimension psychopathologique du deuil. En 1995, je dirigeais la revue française Études sur La Mort qui publie encore aujourd’hui des numéros thématiques diversifiés sur la thanatologie.

Depuis les années 90, la mort et le deuil font partie des représentations sociales les plus stables des Français[2]Michel Vovelle, La Mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Paris, Gallimard, 1ère éd ; 1983, 2de édition 2000.. Cependant, la diminution des croyances religieuses, la professionnalisation du traitement du corps mort et enfin la médicalisation du mourir et du deuil ont largement modifié les rites funéraires. Une pandémie comme celle de la Covid a tout simplement permis d’expérimenter ce que seraient la mort et le deuil sans rites. La recherche que nous avons mise en place (Covideuil) démontre, après la prise en considération de tous les biais inhérents à la population étudiée, qu’en effet la mort et le deuil sans les traditions d’accompagnement ont de graves conséquences sur la santé globale des endeuillés[3]Cyrille Kossigan Kokou-Kpolou, Charlemagne S. Moukouta, Livia Sani, Sara-Emilie McIntee, Jude Mary Ce´nat, Atiyihwe` Awesso, Marie-Frédérique Bacqué, « A Mixed Methods Approach of End-of-life … Continue reading.

Les traditions d’accompagnement des morts sont relativement constantes dans toutes les sociétés, qu’elles soient animistes ou religieuses. Bien qu’il soit difficile de regrouper toutes les traditions, nous pouvons retrouver les séquences décrites par Arnold Van Gennep : rites de séparation conduisant à la désagrégation du mort du groupe des vivants, passage dans les zones intermédiaires grâce aux rites de marge puis réagrégation au groupe des morts[4]Arnold Van Gennep, Les rites de passage, Paris, Picard, 1981 (1re édition en 1909). . Victor Turner va rebaptiser les étapes d’Arnold Van Gennep de préliminaires, liminaires et de postliminaires[5]Victor Turner V, “Variations on a theme of liminality”, dans Sally F. Moore & Barabara G. Myerhoff (dir.) Secular Ritual, Amsterdam, Van Gorcum, pp. 36-52, 1977.. Le limen désigne le seuil et surtout l’absence de statut lorsque l’individu se trouve en transition entre deux étapes. C’est pourquoi les sociétés humaines soignent particulièrement les passages. Ainsi, le mourant n’est pas laissé seul, lorsqu’il est mort. Il fait l’objet de rites d’oblation (ce terme désigne le fait que l’on donne tout ce dont a besoin le défunt alors qu’il se trouve particulièrement démuni), on procède à une toilette rituelle pour ôter les « souillures » du combat de l’agonie et rendre le défunt apte à affronter son parcours. Un habillage ou un enveloppement par des linges ou un suaire permet les visites de la famille ou des proches pour un dernier hommage. Les rites de séparation comprennent plusieurs moments cruciaux : le moment où le mort « quitte » son lit d’hôpital pour rejoindre le service ou la maison mortuaire. Le moment où le cercueil est fermé et même vissé est particulièrement émouvant puisque les endeuillés ne reverront plus jamais la personne. Enfin au cours d’une déambulation passant par les lieux familiers du défunt, un dernier regroupement aura lieu auprès de l’ultime refuge (tombeau, place définitive dans une grotte ou parfois dans les arbres) ; le mort sera alors livré à la solitude ou aux retrouvailles avec les morts familiers dont les restes reposent aussi dans cet endroit. Lors d’une quatrième étape, plus tardive, sera célébrée une nouvelle cérémonie. La distance temporelle permet une moindre idéalisation du mort. Quant à l’anniversaire du décès, il permettra de mesurer le chemin affectif parcouru sans le mort. Le jour des morts qui suit la Toussaint est, pour les catholiques, le moment de la commémoration de tous les fidèles défunts. Par extension, il est devenu en France et dans toute l’Europe chrétienne le moment de la visite et de l’entretien des tombes. Ce faisant, il permet aux endeuillés qui se rendent au cimetière de constater que le mort figure dans sa nouvelle confrérie, celle des morts. L’acceptation par ce nouveau groupe déculpabilise la famille qui constate que le défunt n’erre pas seul, mais au contraire siège parmi les siens. Cette solidarité des morts allège un peu la douleur des proches.

Des données épidémiologiques sur la mort en France

Avant l’épidémie de SARS-CoV-2, le nombre de morts en France était finalement peu connu. Les réactions de nos concitoyens à l’égrènement des morts quotidiens en France tous les soirs à l’heure du repas devant la télévision en ont été la preuve. Les journalistes qui portaient cette interrogation ignoraient eux-mêmes ces données[6]Marie-Frédérique Bacqué, « La mort réduite à une donnée. L’épidémie de SARS-Cov-2 peut-elle modifier les représentations de la mort en France », dans Emmanuel Hirsch, Pandémies, … Continue reading. Le nombre de morts quotidiens avant la pandémie était de 1620 morts/jour en 2019 (la population française augmentant, ce nombre augmentait régulièrement lui aussi).

Quelques chiffres vont nous donner une idée des variations du nombre de morts en France :

  • En 2019, avant les premiers défunts de la Covid, 613 500 morts sont comptabilisés.
  • En 2020, 667 400 décès ont lieu en France, soit 53 900 morts de plus qu’en 2019. Santé Publique France fait donc état de 9% d’augmentation des décès en 2020.

Le nombre de morts de la Covid reste cependant limité par rapport au nombre de décès global (d’autant que les confinements successifs ont sauvé aussi les vies de ceux qui auraient pu avoir des accidents en se déplaçant ou en travaillant dans les conditions habituelles).

  • Enfin, en 2021, 657 000 personnes sont décédées. Certes les défunts sont 12 000 de moins qu’en 2020. Cependant, le solde est de 44 000 morts de plus qu’en 2019 (INSEE[7]Insee, « Bilan démographique 2021. La fécondité se maintient malgré la pandémie de Covid-19 », Insee Première, n°1889, Janvier 2022.).

Ainsi, en France, 149 000 personnes sont mortes du coronavirus ; cette hausse des décès est totalement inédite en France depuis 70 ans. Au total, ce sont au minimum deux millions de Français dont le deuil a été « empêché » depuis 2020.

Dans les faits, tous les mourants et tous les morts, depuis mars 2020, ont fait l’objet d’une restriction de visite et d’obsèques. Mais, si l’on se livre à une extrapolation à partir du nombre de morts depuis mars 2020, ce sont environ 1 000 000 de familles qui ont été affectées par un deuil dans la période Covid-19 (que nous limitons artificiellement à une année et demie, dans l’état actuel des connaissances). Si nous élargissons le nombre de personnes touchées par un deuil, à deux par défunt, nous obtenons 2 000 000 de personnes à risque de deuils difficiles, en raison des limitations d’accompagnement et d’obsèques pendant la période Covid-19 (revenues à la normale après cette période).

L’importance du nombre de familles touchées par l’épidémie donne une idée du nombre de deuils à risque en France. En effet, les travaux de la communauté scientifique, de même que les nôtres, montrent que les conditions de la mort forment un facteur de risque de complication du deuil[8]Le deuil compliqué a été défini par Holly G. Prigerson, une psychiatre américaine. Il consiste dans le fait, six mois après la mort de ne toujours pas accepter le décès, de continuer à … Continue reading, en particulier, les conditions de mort collective comme la guerre, les catastrophes humaines et naturelles ainsi que les épidémies, mais aussi l’absence d’hommage collectif[9]Voir notamment Marie-Frédérique Bacqué, « Comment le deuil est passé de la culture à la psychiatrie », Soins Psychiatrie, 745, 2022 (sous presse) ; Cyrille Kossigan Kokou-Kpolou, Jude Mary … Continue reading.

La recherche Covideuil

Covideuil étudie les conséquences du deuil « sous » Covid-19. Elle est financée par l’Agence Nationale de la Recherche Française. Dans cette recherche longitudinale en trois temps, nous analysons comment les conditions de la mort pendant l’épidémie ont produit une dynamique sociale douloureuse, voire morbide, pour une grande partie de la population endeuillée. Notre hypothèse était la suivante : la difficulté des adieux et parfois l’empêchement de pratiquer les rites funéraires pendant l’épidémie de SARS-CoV-2 ont-ils entraîné ou aggravé une véritable psychopathologie du deuil[10]La psychopathologie du deuil correspond à la plainte excessive d’un endeuillé, au-delà du socialement admis et du supportable subjectivement. Soit sa souffrance est insupportable et il demande … Continue reading ? Nous étudions également les moyens individuels et collectifs mis en place pour pallier l’absence d’adieux aux défunts. La temporalité du deuil a-t-elle été modifiée dans ces conditions ? Le questionnement sur les dernières paroles, les dernières images et les derniers rites, illustre les liens sociaux et anthropologiques avec les défunts. L’expérience subjective des endeuillés reconstitue le phénomène exceptionnel de la mort « sous » Covid-19 et de ses conséquences globales sur le sujet et son groupe.

S’il a été nécessaire, pour les autorités sanitaires, de prendre des mesures de prévention de la contamination de la population, éthiquement cependant, la décision de restreindre à l’extrême les visites des défunts n’a pas pris en compte les conséquences à court, moyen et long terme chez les endeuillés. Il en a été ainsi dans les quinze premiers jours du confinement (avis du Haut Conseil de la santé publique relatif à la prise en charge d’un patient cas probable ou confirmé Covid-19 du 24 mars 2020), puis le Gouvernement français est revenu sur sa position de ne pas laisser revoir les défunts en autorisant à nouveau les derniers hommages (mais à une distance minimale d’un mètre et sans aucun contact, de plus, avec une jauge dans les lieux cérémoniels). Cependant, certaines familles n’auront irréversiblement pas revu leur mort, qu’il soit décédé ou non de la Covid.

À partir du 11 mai 2020, les cimetières et les lieux de recueillement ont été ré-ouverts au public ; cependant, les obsèques ont continué de se dérouler avec vingt personnes au maximum jusqu’au 1er juin 2022, tandis que les inhumations avaient lieu avec un public restreint à dix personnes et les crémations à cinq personnes. Aujourd’hui (juillet 2022), le nombre de participants à une cérémonie funéraire est libre. Cependant, pour les défunts du coronavirus, le corps doit toujours être placé dans une housse hermétique, qui ne pourra plus être ouverte. Le cercueil est également fermé au plus vite. Les toilettes rituelles confessionnelles ne sont toujours pas autorisées, ni les soins de thanatopraxie.

Qui sont les morts ? Qui sont les endeuillés touchés par la Covid-19 ?

Les morts du coronavirus sont plutôt des personnes âgées de plus de 70 ans, de sexe masculin et fragilisées (diabète, affections cardiovasculaires, obésité). Les endeuillé(e)s sont alors plutôt des femmes, âgées, leur conjointe, mais aussi les filles et les fils de ces personnes. Les femmes sont plus sensibles aux aspects psychotraumatiques, elles risquent donc d’être plus nombreuses à présenter des troubles, comme dans les traumatismes collectifs. Les complications du deuil, et spécialement le deuil prolongé, seront alors plus fréquentes.

Le deuil en situation d’épidémie est mal connu. Malgré les nombreux écrits historiques et littéraires au sujet des épidémies de peste, de choléra et de grippe, la psychopathologie du deuil a plus été développée en période normale, de guerre ou de catastrophe. Ainsi, elle fait l’objet d’un intérêt grandissant depuis les travaux de Karl Abraham[11]Karl Abraham, « Préliminaires à l’investigation et au traitement psychanalytique de la folie maniaco-dépressive et des états voisins », Œuvres complètes, Paris, Payot, 1975 (1re édition … Continue reading puis de Sigmund Freud[12]Sigmund Freud, « Deuil et mélancolie », Œuvres complètes, Paris, Presses universitaires de France, 1988, XIII, pp. 259-279. en 1911 et 1915. La Seconde Guerre mondiale a vu se développer les recherches à grande échelle, en particulier sur les enfants qui avaient perdu leurs parents[13]Maria H. Nagy, « The child’s view of death », dans Herman Feifel, The meaning of death, New-York, Mac Graw Hill Cy. 1959..

En outre, l’influence des réseaux sociaux pousse à de nouvelles formes de pratiques rituelles et symboliques qui émergent dans l’expression et la quête de sens du deuil (se réunir virtuellement pour célébrer le mort, réserver un espace spécifique dans un cimetière virtuel, plus rarement, reconstruire la voix et l’image du défunt à l’aide de procédés numériques[14]À propos des « deadbots », voir l’Avis N°3 « Agents conversationnels (chatbots) » du Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN), pp.14-16 ; [en ligne] … Continue reading).

Un deuil sans rites religieux ?

Le deuil, à partir du XXsiècle et en Occident, semble amenuiser ses pratiques rituelles. En France, la crémation prend une part croissante des traitements du corps mort et ceci sur tous les territoires alors qu’elle était plutôt choisie par les groupes protestants ou sans croyance au début du vingtième siècle. Les funérailles sont plus courtes, moins riches en décorum. Les discours surtout, émaillent les cérémonies. La part religieuse se réduit souvent au récit de la vie du défunt, qu’il ait été pratiquant ou non. Les visites religieuses à la famille en deuil sont rares, les messes anniversaire se réduisent, selon nos observations et celles des professions funéraires.

Dans le cas de la pandémie à SARS-CoV2, nous analysons de façon prospective dans Covideuil comment les endeuillés ont trouvé de nouvelles ressources comme le soutien d’un groupe ou, au contraire, présenté des symptômes de dégradation de leur santé physique et psychique. Les conséquences d’une perte « non socialisée » sont (hélas) bien connues dans l’espèce humaine, lors des épidémies, des guerres et des génocides[15]Manik J. Djelantik, Geert E. Smid, Anna Mroz, Rolf J. Kleber, Paul A. Boelen, « The prevalence of prolonged grief disorder in bereaved individuals following unnatural losses: Systematic review and … Continue reading. Les ressources et les mécanismes de résilience déployés par les personnes endeuillées pour surmonter la perte seront analysés.

Les rites funéraires sont principalement religieux en France et dans le monde[16]Damien Le Guay, Qu’avons-nous perdu en perdant la mort ?, Paris, Le Cerf, 2003.. La sécularisation de la société française qui souhaitait ôter toute influence politique à l’Église catholique. Selon Isabelle Safa, « C’est la Troisième République qui consacre la laïcité, d’abord en enlevant progressivement l’enseignement à l’Église, ensuite par la loi de séparation de l’Église et de l’État (9 décembre 1905)[17]Isabelle Safa, « Comprendre les valeurs républicaines », Les Cahiers de l’Orient, 118 (2), 2015, pp. 91 – 96. ». Depuis la Révolution française, les religions relèvent du domaine privé, puisqu’elles ne définissent plus la France comme collectivité religieuse (« fille aînée de l’Église »). Cependant, si l’appartenance à une communauté religieuse se définit par le baptême, la circoncision ou d’autres célébrations qui concernent une personne dépendant matériellement de ses parents, les funérailles sont aussi le plus souvent religieuses pour des raisons anthropologiques. Sans l’appui des religions, les représentations collectives de la mort sont ressenties comme une fracture par les proches qui vivent brutalement le passage du défunt d’un ordre à un autre. En termes de représentations sociales, la cérémonie religieuse relève de la croyance ou de l’agnosticisme. « Je crois à la résurrection et en ce cas, je mets tout à ma disposition pour ressusciter un jour. Je ne sais pas ce qui existe après la mort, mais, dans le doute, je prépare cette possibilité ». La mort ne fait plus l’objet d’un dialogue intime. Elle a été extériorisée de soi et renvoyée à autrui. Les cérémonies funéraires consacrant la mort « domestique » sont moins visibles que jadis parce que la pompe funèbre ne fait plus recette ; en revanche les images, les documentaires sur la mort spectaculaire fleurissent quotidiennement sur les écrans.

Les religions ont prescrit depuis des millénaires les rites d’accompagnement des défunts. On y retrouve de grandes constantes comme l’hommage au défunt devant le groupe, la réunion collective auprès du défunt pour marquer le contraste entre celui qui part et ceux qui restent, la séparation des vivants et des morts, la réunion symbolique du défunt avec les autres morts, le retour annuel des morts pour réclamer la remémoration, la commémoration des morts, qui prennent au fur et à mesure des générations, le statut d’ancêtres bienveillants.

Avec un nombre infini de variantes, l’Occident a développé des rites funéraires rappelant le statut des défunts, leurs fonctions et leur pouvoir hérité par leur famille. En contraste, l’absence de rites marquait le fait qu’on ne souhaitait pas se rappeler des défunts (tombes des esclaves inexistantes, morts-nés cachés sous le seuil des maisons, soldats morts non rendus, shoah avec la disparition de millions de personnes mais aussi de millions de défunts).

Sur le plan des individus

Les religions rendaient tabou le phénomène du passage d’un stade à un autre. Elles s’imposaient, maîtresses du mystère de la transformation du nouveau-né en membre de la communauté, de l’adolescente nubile à l’épousée, du cadavre à l’ancêtre. En rendant obligatoires les rites de passage, les religions ont donné du travail, des privilèges à leurs élites, elles ont prélevé l’impôt et bâti des empires. La « maturité de l’humanité » les a le plus souvent reléguées, depuis le vingtième siècle, au début et à la fin de l’existence. L’accueil par la communauté religieuse sur Terre et par la communauté des défunts dans l’au-delà s’est largement substituée à l’ensemble des rites de passage. Selon Van Gennep, chaque individu vivait en moyenne 19 passages rituels[18]Arnold Van Gennep, Le folklore français, Paris, Robert Laffont, 1998.. Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore conscients de notre arrivée dans la communauté et ne sommes plus conscients des rites lors de notre mort. Nous ne vivons pleinement que les rites d’union.

Sur le plan anthropologique

Les religions ont été, à leur origine, une source de cohésion des familles puis des sociétés. En donnant un ordre et un sens à la vie, elles combattaient l’anomie. Les rites et les cérémonies permettaient aux humains de partager des actions et des pensées. François Flahault fait l’hypothèse d’un humain « plutôt “hybride biologico-culturel” : ses facultés, sa conscience se développent via ses échanges avec autrui. Une place centrale est ainsi accordée au phénomène de “l’attention conjointe” : deux individus s’intéressent au même objet, et, dans la mesure où le regard de l’autre est pris en considération, un monde commun émerge…[19]François Flahault, L'Homme, une espèce déboussolée. Anthropologie générale à l'âge de l'écologie, Paris, Fayard, 2018, p. 235.». Les religions répondent au besoin humain de contrôle de la nature. Elles proposent une issue à sa recherche de la vie éternelle. Enfin l’idée des retrouvailles après-mort constitue une croyance importante pour certains. L’espoir de se revoir est immense chez les endeuillés dans les mois qui suivent la perte. C’est pourquoi, encore aujourd’hui, les rites funéraires religieux sont appliqués : entourer le mort, se relier autour du mort, partager la croyance de se revoir plus tard[20]Jean-Hugues Déchaud, Le souvenir des morts. Essai sur le lien de filiation, Paris, Presses universitaires de France, 1997..

Lorsqu’on regarde les statistiques françaises, on constate que les pratiques religieuses se sont recomposées socialement ; les croyances tendent à diminuer : si la croyance en Dieu se situe à 49% en France (enquête Ifop, août 2021[21]IFOP, « Le rapport des Français à la religion », Enquête d’août 2021. [En ligne] https://www.ifop.com/publication/le-rapport-des-francais-a-la-religion/ (consulté le 25 juillet 2022).) contre 66% en décembre 1947, les pratiques ont, elles, considérablement diminué (6,6% des Français se disent catholiques pratiquants en 2021). Au total, les religieux pratiquants, dont 38% des musulmans, (qui assistent à un service religieux au moins une fois par mois) seraient en France 12%[22]Pierre Bréchon, Frédéric Gonthier & Sandrine Astor, La France des valeurs. Quarante ans d'évolutions, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2019.. L’élévation du niveau de diplôme et l’accès à l’autonomie des femmes sont deux des principaux moteurs de ces transformations. L’accès aux connaissances par le diplôme et la moindre dépendance des femmes sont des critères qui varient en sens inverse de la peur de la mort. La mort est une issue considérée comme « naturelle » par la plupart. Bien que non désirable, elle reste la seule possibilité reconnue comme obligatoire et parfois délivrance d’un vieillissement difficile. Dans notre enquête une majorité écrasante de répondants sont des femmes (83,52%). Leur histoire par rapport à la religion est complexe, leur prise de parole encore rare.

Toutes les religions ont un « discours » sur la mort mais cette narration, si elle est rappelée par les endeuillés lors des cérémonies funéraires, est sans doute une croyance aidante dans un premier temps, puis une « histoire » que l’on abandonne petit à petit pour affronter la réalité de la perte, du vide et du manque[23]Marie-Frédérique Bacqué, op. cit., 2022.. La psychologie de la mort traite de ces deux thématiques : le psychotraumatisme qui touche ceux qui ont échappé à la mort et la psychologie de la perte à l’origine de toutes les associations d’endeuillés.

Pendant la Covid, l’absence d’une communauté autour des morts a touché les endeuillés religieux et non religieux

Nous avons analysé 274 entretiens avec des endeuillés d’avril 2021 à aujourd’hui (juillet 2022). Nous avons procédé par enquête accompagnée[24]Il s’agit, dans le contexte délicat du deuil, de proposer en visio-conférence, un entretien avec un chercheur psychologue. Après chaque série de questions, une phrase propose de faire une pause … Continue reading. Un webquestionnaire[25]Un webquestionnaire est accessible sur le web. Il permet une relative flexibilité (pauses, remise à plus tard) mais aussi un accompagnement en cas de difficultés. En dehors de ces difficultés, le … Continue reading était adressé à une série de Français contactés par Facebook ou directement dans les hôpitaux où travaillaient nos chercheurs. Le webquestionnaire était rempli en visioconférence en présence d’un psychologue clinicien aguerri. Une véritable relation était entamée par ce psychologue avec son enquêté, puisqu’il serait amené à le revoir deux autres fois. Notre étude est en effet longitudinale et en trois temps (à partir d’avril 2021, six mois plus tard, puis six mois plus tard).

Qu’ils soient morts du Coronavirus ou non, tous les défunts ont été touchés par les restrictions de rites funéraires. Ceci nous donne deux groupes, les morts du coronavirus et les autres. Quant aux endeuillés, ils se sont retrouvés dans une solitude très difficile (dix personnes autorisées aux inhumations en mars 2020) et n’ont pas pu inviter l’ensemble de la parentèle ou des amis et relations autour du défunt et pendant son dernier voyage.

Bien que nous n’ayons pas pu demander directement aux endeuillés leur religion, nous avons obtenu plusieurs données sur leurs pratiques (accord du Comité d’Éthique de la Recherche de l’université de Strasbourg). 23% des défunts auraient eu une pratique religieuse selon leurs proches interviewés. 56% auraient précisé les rites funéraires souhaités, mais 43,42% des défunts n’auraient pas eu leurs vœux réalisés (ou moins que souhaités).

Nos questions commençaient par des informations socio-démographiques (âge, genre, vie en milieu rural ou urbain, niveau de diplôme, nombre d’enfants). Suivaient des informations plus privées, telles que :

  • Avez-vous une pratique religieuse? (Fréquentation du lieu de culte au moins une fois par mois)
  • Sur une échelle de 0 à 100, (0 étant l’indicateur le plus faible et 100 l’indicateur le plus élevé) dans quelle mesure vous considérez-vous comme religieux? dans quelle mesure la spiritualité est-elle importante pour vous?

Des questions sur la nature de la cause de la mort du défunt étaient ensuite soulevées :

  • La personne décédée avait-elle une pratique religieuse? (Fréquentation d’un lieu de culte au moins une fois par mois)

Enfin, suivaient des questions sur les rites funéraires :

  • La personne défunte avait-elle précisé (par écrit ou oralement) les rites funéraires qu’elle souhaitait, y compris pour sa fin de vie?
  • Est-ce que ses vœux ont pu être réalisés? (aucun, moins que souhaité, autant que souhaité)
  • Décrivez dans quelle mesure ce sont les restrictions sanitaires qui sont la cause de cet écart entre les rites funéraires souhaités par la personne défunte et ceux qui ont été réalisés
  • Quels rites funéraires souhaités par le défunt n’ont pas été respectés en raison de la Covid?
  • Pouvez-vous nous indiquer l'origine des rites suivis ? (par exemple, catholique, juif, musulman, animiste - issu des anciennes traditions de croyance qu’un esprit anime les êtres vivants comme les éléments naturels-, etc.)
  • Quels sont les rites qui ont finalement été réalisés?
  • Avez-vous l’intention de mettre en place une forme de rite plus tard pour cette personne comme par exemple lors de l’anniversaire de sa naissance, l’anniversaire de sa mort ou la Toussaint ou toute autre fête dédiée aux défunts?

Notre webquestionnaire est encore étoffé par quatre questionnaires quantitatifs d’évaluation du deuil[26]-Traumatic Grief Inventory Self-Report Version (Paul A. Boelen & Geert E. Smid, “The traumatic grief inventory self-report version (TGI-SR): introduction and preliminary psychometric … Continue reading.

Nos participants étaient donc 274, dont 37,2% ont perdu une personne et 22,6% ont perdu deux personnes, 6,6% trois personnes et 2,3 % quatre personnes. 34,71% ont perdu un père ou une mère, 16,2% leur partenaire et 18,6% leurs grands-parents.

Les endeuillés participants sont pour 83,52% des femmes et pour 16,12% des hommes. Leur âge moyen est de 48,5 ans. La majorité vivent en ville (68%).

Lorsque nous avons demandé leur consommation de psychotropes, celle-ci avait doublé après le décès pour les anxiolytiques (de 13,7 à 25%), avait augmenté de façon significative pour les antidépresseurs (de 12,4 à 18,3%). La demande de soutien psychologique était considérablement accrue (de 25,8 à 41,7%). Ces chiffres ne signifient pas que le décès soit l’unique pourvoyeur d’angoisse ou de dépression. La période de la Covid est elle-même fortement anxiogène et déprimante. Le cumul d’une perte affective et d’une période troublée est bien connue pour engendrer des difficultés majeures.

Qui sont les défunts dans notre population ?

40% sont des femmes et 60% des hommes. L’âge moyen des défunts est de 73,70 ans. 33,3% sont morts de la Covid et 66,7% d’autres causes. 50,41% sont morts à l’hôpital, 20% dans des Epahds, 23,55% sont morts à la maison.

Enfin, 23% avaient une pratique religieuse. Ce chiffre est plus élevé que la moyenne donnée en 2019 (12%), mais peut-être est-ce lié à leur âge de presque 74 ans en moyenne. 56% avaient précisé leur demande de funérailles[27]Nous avons inclus les funérailles religieuses dans les demandes plus larges de funérailles demandées par les défunts. Nous avons à chaque fois parlé « des rites funéraires religieux ou … Continue reading. Mais dans notre échantillon, pour 43,42% des proches ces vœux n’ont pas été réalisés ou moins que souhaité. Dans ce cas, 85,72% des proches estiment que c’est en raison des restrictions sanitaires. Enfin, les personnes pour qui certains rites religieux ou prescrits n’ont pas été possibles ont plus de risque d’atteindre le seuil pathologique de certaines échelles comme le TGISFVR, le TRIG, l’échelle de coping, le GHQ et le PTGI.

13,71% des proches ont tenté de mettre en place d’autres rites et parmi ces derniers 5% ont pensé à des rites numériques (cérémonie commémorative par internet, inscription dans un cimetière virtuel, site internet sur le défunt, groupe de partage virtuel). Si des rites supplémentaires ou des rites numériques ont été appliqués, les endeuillés qui les ont mis en place ont un risque plus élevé de complications de leur deuil.

Livrons-nous à une première interprétation de notre étude Covideuil sur 274 endeuillés depuis mars 2020.

Ce que nous pouvons conclure en observant les scores aux questionnaires de deuil compliqué et traumatique est que les morts de la Covid ont entraîné un deuil plus difficile que les autres (alors que la restriction de funérailles concernait toutes les catégories de morts). Les interviews qualitatives ont montré que l’éloignement du malade, son hospitalisation en réanimation, son traitement par des soignants protégés derrière des masques, des visières, des casaques (vocabulaire hospitalier), rendus inaccessibles et parfois invisibles, a eu des répercussions traumatiques sur les proches. D’autre part, la nouveauté de la maladie, l’angoisse d’être contaminé ou de contaminer ses proches, a ajouté une prévention supplémentaire contre le malade de la Covid.

Le fait que les vœux du défunt n’aient pas été respectés a également entraîné plus de complications du deuil.

L’absence de rites funéraires a augmenté significativement les risques pour la santé mentale et physique. Parmi ces résultats, le fait de ne pas être présent pendant l’agonie et de ne pas réunir les proches donne des élévations significatives de toutes les échelles de complications du deuil[28]Les cinq échelles traumatiques ont été précédemment citées. Pour rappel, il s’agit de : Traumatic Grief Inventory Self-Report Version ;Texas Revised Inventory of Grief;  Grief Coping … Continue reading, alors que ne pas revoir le corps, ne pas le toucher ou l’embrasser produit l’élévation d’une seule échelle.

Finalement, nous ne pouvons pas conclure si l’absence de pratique religieuse dans les rites est réellement la cause ou non des difficultés majeures de nos endeuillés, même si la religion semble être un cadre qui guide le deuil en période troublée. D’après nos entretiens qualitatifs (non encore totalement dépouillés à ce jour), deux aspects affectent particulièrement nos endeuillés :

  • la frustration de ne pas pouvoir revoir individuellement le mort (ne pas le toucher ou l’embrasser) : ainsi une personne interviewée dit : « Des choses étaient interdites comme embrasser la défunte. Mais je l’ai tout de même fait. Le corps n’a pas pu être béni par les proches dans la chambre funéraire, car nous ne pouvions pas tous toucher le même objet. Les rassemblements étaient interdits, mais nous avons tout de même fait un repas, en respectant strictement le protocole sanitaire, en extérieur, dans le jardin de ma grand-mère ».
  • le manque de réunion familiale autour du mort : le fait d’avoir prévu ses obsèques n’est pas obligatoirement lié à la religion, mais les obsèques religieuses vont réunir famille et amis, d’autant qu’elles constituent l’architecture de la grande majorité des funérailles. Le coronavirus a d’abord empêché ces réunions. « Pas possible de lui dire au-revoir à l’hôpital… Elle a pas pu rentrer chez elle… On a dû attendre pour l’enterrement parce qu’elle était contaminée par le Covid ». « Pour Papa, trop peu de temps avec le corps à mon goût. J’aurais eu besoin qu’on nous le laisse à la maison, j’aurais eu besoin de rester plus longtemps avec lui à la chambre funéraire ». « Rassemblement interdit! »

Ces réunions religieuses ou familiales ont été sanctionnées. Devant l’impossibilité de se retrouver autour des défunts, l’impression d’une dette irréversible a été éprouvée. Les endeuillés répondent qu’ils referont une cérémonie, cependant, notre étude longitudinale montre que cela n’est pas le cas (le dépouillement est encore cours). Des défunts n’auront irréversiblement pas été accompagnés comme ils le souhaitaient et, surtout, comme leurs proches le souhaitaient.

Notes

Notes
1 Marie-Frédérique Bacqué remercie toute l’équipe de Covideuil-France dirigée par Pr. Marie-Frédérique Bacqué : Livia Sani, assistante principale de la recherche (Post-Doc), Yasmine Chemrouk, Cyrille Kokou-Kpolou, Boris Lassagne, Géraldine Canet, Chad Cape, Askar Jumageldinov, Maxime Lallemant, Marie N’Go N’kana, Valentin Insardi et José Merheb.
2 Michel Vovelle, La Mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Paris, Gallimard, 1ère éd ; 1983, 2de édition 2000.
3 Cyrille Kossigan Kokou-Kpolou, Charlemagne S. Moukouta, Livia Sani, Sara-Emilie McIntee, Jude Mary Ce´nat, Atiyihwe` Awesso, Marie-Frédérique Bacqué, « A Mixed Methods Approach of End-of-life Care, Social Rites and Bereavement Outcomes: A Transnational Overview Perspective », Culture, Medicine and Psychiatry, 2020. [En ligne] https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03022783/file/islandora_96855.pdf (consulté le 30 juillet 2022).
4 Arnold Van Gennep, Les rites de passage, Paris, Picard, 1981 (1re édition en 1909).
5 Victor Turner V, “Variations on a theme of liminality”, dans Sally F. Moore & Barabara G. Myerhoff (dir.) Secular Ritual, Amsterdam, Van Gorcum, pp. 36-52, 1977.
6 Marie-Frédérique Bacqué, « La mort réduite à une donnée. L’épidémie de SARS-Cov-2 peut-elle modifier les représentations de la mort en France », dans Emmanuel Hirsch, Pandémies, éthiques, pratiques et société, Paris, éditions du Cerf, 2020, pp. 535-543.
7 Insee, « Bilan démographique 2021. La fécondité se maintient malgré la pandémie de Covid-19 », Insee Première, n°1889, Janvier 2022.
8 Le deuil compliqué a été défini par Holly G. Prigerson, une psychiatre américaine. Il consiste dans le fait, six mois après la mort de ne toujours pas accepter le décès, de continuer à rechercher le disparu dans ses lieux ou comportements habituels, de désirer ardemment retrouver la personne perdue, d’avoir toujours des préoccupations à son sujet, de ne pas vraiment croire à sa disparition définitive et d’être frappé de stupeur par cette nouvelle, enfin la détresse est toujours présente lorsque le défunt est évoqué (Holly G. Prigerson et al., « Complicated grief as a disorder distinct from bereavement-related depression and anxiety: a replication study », American Journal of Psychiatry, 153, 1996, pp. 1484-1486).
9

Voir notamment Marie-Frédérique Bacqué, « Comment le deuil est passé de la culture à la psychiatrie », Soins Psychiatrie, 745, 2022 (sous presse) ; Cyrille Kossigan Kokou-Kpolou, Jude Mary Cénat, Pari-Gole Noorishad, Sunyoung Park, Marie-Frédérique Bacqué, « A comparison of prevalence and risk factor profiles of prolonged grief disorder among French and Togolese bereaved adults », Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, 2020. [En ligne]  https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32047974/#affiliation-1 (consulté le 22 juillet 2022) ; Cyrille Kossigan Kokou-Kpolou, Charlemagne Simplice Moukouta, Joanic Masson, Amal Bernoussi, Jude Mary Cénat, Marie-Frédérique Bacqué, « Correlates of Grief-Related Disorders and Mental Health Outcomes among Adult Refugees Exposed to Trauma and Bereavement: A Systematic Review and Future Research Directions », Journal of Affective Disorders, 267, 2020, pp. 171-184.

10 La psychopathologie du deuil correspond à la plainte excessive d’un endeuillé, au-delà du socialement admis et du supportable subjectivement. Soit sa souffrance est insupportable et il demande des traitements pour qu’elle cesse. Soit il développe un syndrome psychiatrique comme une dépression pathologique, un délire ou une tentative de suicide (Bacqué, Hanus, 2020).
11 Karl Abraham, « Préliminaires à l’investigation et au traitement psychanalytique de la folie maniaco-dépressive et des états voisins », Œuvres complètes, Paris, Payot, 1975 (1re édition de 1912).
12 Sigmund Freud, « Deuil et mélancolie », Œuvres complètes, Paris, Presses universitaires de France, 1988, XIII, pp. 259-279.
13 Maria H. Nagy, « The child’s view of death », dans Herman Feifel, The meaning of death, New-York, Mac Graw Hill Cy. 1959.
14 À propos des « deadbots », voir l’Avis N°3 « Agents conversationnels (chatbots) » du Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN), pp.14-16 ; [en ligne] https://www.ccne-ethique.fr/node/464?taxo=56 (consulté le 3 août 2022)
15 Manik J. Djelantik, Geert E. Smid, Anna Mroz, Rolf J. Kleber, Paul A. Boelen, « The prevalence of prolonged grief disorder in bereaved individuals following unnatural losses: Systematic review and meta regression analysis », J. Affective Disord., 265, 2020, pp. 146-56.
16 Damien Le Guay, Qu’avons-nous perdu en perdant la mort ?, Paris, Le Cerf, 2003.
17 Isabelle Safa, « Comprendre les valeurs républicaines », Les Cahiers de l’Orient, 118 (2), 2015, pp. 91 – 96.
18 Arnold Van Gennep, Le folklore français, Paris, Robert Laffont, 1998.
19 François Flahault, L'Homme, une espèce déboussolée. Anthropologie générale à l'âge de l'écologie, Paris, Fayard, 2018, p. 235.
20 Jean-Hugues Déchaud, Le souvenir des morts. Essai sur le lien de filiation, Paris, Presses universitaires de France, 1997.
21 IFOP, « Le rapport des Français à la religion », Enquête d’août 2021. [En ligne] https://www.ifop.com/publication/le-rapport-des-francais-a-la-religion/ (consulté le 25 juillet 2022).
22 Pierre Bréchon, Frédéric Gonthier & Sandrine Astor, La France des valeurs. Quarante ans d'évolutions, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2019.
23 Marie-Frédérique Bacqué, op. cit., 2022.
24 Il s’agit, dans le contexte délicat du deuil, de proposer en visio-conférence, un entretien avec un chercheur psychologue. Après chaque série de questions, une phrase propose de faire une pause ou de différer les réponses : Si vous vous trouvez embarrassé ou attristé par une question, vous pouvez contacter le psychologue qui vous a invité à remplir le questionnaire. Ce psychologue pourra vous adresser vers un collègue connu de lui et formé au soutien psychologique. Vous serez reçu gratuitement dans sa consultation, au téléphone ou en visioconférence.
25 Un webquestionnaire est accessible sur le web. Il permet une relative flexibilité (pauses, remise à plus tard) mais aussi un accompagnement en cas de difficultés. En dehors de ces difficultés, le répondant peut remplir son questionnaire seul.
26

-Traumatic Grief Inventory Self-Report Version (Paul A. Boelen & Geert E. Smid, “The traumatic grief inventory self-report version (TGI-SR): introduction and preliminary psychometric evaluation”, Journal of Loss and Trauma, 22(3), 2017, pp. 196-212)

-Texas Revised Inventory of Grief (Thomas R. Faschingbauer, Richard A. DeVaul, Sydney Zisook, “The Texas revised inventory of grief”, dans Sydney zisook, Biopsychosocial aspects of bereavement, Washington, DC: American Psychiatric Press, 1987, pp. 111-124

-Grief Coping Questionnaire (de Emily Delespaux, Anne-Sophie Ryckebosch-Dayez, Alexandre Heeren, Emmanuelle Zech, « Attachment and Severity of Grief: The Mediating Role of Negative Appraisal and Inflexible Coping”, OMEGA - Journal of Death and Dying, 67(3), 2013, pp. 269–289.

Delespaux et al. 2013) ;

-Posttraumatic Growth Inventory (de Richard G. Tedeschi & Lawrence G. Calhoun, “The posttraumatic growth Inventory: Measuring the positive legacy of trauma”, Journal of Traumatic stress, 9 (3), 1996, pp. 455-471). Tous ces questionnaires dont nous donnons le titre en anglais ont été traduits et validés en français et un questionnaire général de santé (General Health Questionnaire-28 de David Goldberg et al., « A scaled version of the General Health Questionnaire », Psychological medicine, 9(1), 1979, pp. 139-145).

27 Nous avons inclus les funérailles religieuses dans les demandes plus larges de funérailles demandées par les défunts. Nous avons à chaque fois parlé « des rites funéraires religieux ou prescrits »
28 Les cinq échelles traumatiques ont été précédemment citées. Pour rappel, il s’agit de : Traumatic Grief Inventory Self-Report Version ;Texas Revised Inventory of Grief;  Grief Coping Questionnaire; Posttraumatic Growth Inventory ; un questionnaire général de santé (General Health Questionnaire-28).
Pour citer ce document :
Marie-Frédérique Bacqué, "Rites funéraires : peut-on se passer des religions ? L’épidémie de la Covid-19 en France, une expérimentation du deuil sans rituels". Bulletin de l'Observatoire international du religieux N°38 [en ligne], juillet 2022. https://obsreligion.cnrs.fr/bulletin/rites-funeraires-peut-on-se-passer-des-religions-lepidemie-de-la-covid-19-en-france-une-experimentation-du-deuil-sans-rituels/
Bulletin
Numéro : 38
juillet 2022

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Auteur.e.s

Marie-Frédérique Bacqué, professeure de psychopathologie, Université de Strasbourg

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