Focus

décembre 2022

Iran 2022 : l’institution religieuse au défi de l’hypermodernité

Stéphane Dudoignon

À la mi-novembre 2022, la presse iranienne officielle s’est mise à publier des anecdotes prêtées à l’ayatollah Ruhollah Khomeyni, figure fondatrice de la République islamique, sur l’impopularité du clergé chiite. Khomeyni aurait raconté par exemple que, dans les années 1930, un ouléma de Qom l’ayant prié de venir depuis Arak, dans l’ouest du pays, il avait essayé de prendre une voiture de location. Le chauffeur, cependant, lui avait rétorqué : « Nous ici, on a tous fait serment de refuser à bord deux types de client : les révérends et les cocottes[1]Anecdote non sourcée, datée du 21 avril 1979 ; citée par le site d’information www.www.khabaronline.ir le 13 novembre 2022.. »

Rarement citées, on l’imagine, dans les media d’État, ces histoires tirées de la naphtaline devaient remplir, en novembre 2022, une fonction précise. Le but de leur publication, en effet, était de suggérer l’ancienneté de l’anticléricalisme en Iran et, donc, de le relativiser — à un moment où un nombre sans cesse croissant de religieux se faisaient molester en pleine rue, sur l’arrière-plan des soulèvements consécutifs à la mort violente de la jeune Zhina (Mahsa) Amini, le 16 septembre à Téhéran, dans un commissariat de la police de la moralité[2]Pour une chronologie du début des protestations, voir par ex. Pierre Ramond, « 10 points sur l’embrasement iranien », [en ligne] https://legrandcontinent.eu (consulté le 22 septembre 2022)..

« Sautage de turban » (en persan : ‘ammâme parâni) : l’expression vient des réseaux sociaux issus de la protestation partie, le 18 septembre, de la mort de Zhina. Elle désigne le jeu consistant à faire sauter, sans se faire pincer, le couvre-chef de membres du bas clergé chiite, identifiés avec le régime. Plus d’un mollah agressé dans la rue s’est vu contraint de protester qu’il n’était pas un « religieux godillot[3]Âkhond-e hokumati ; quant au « sautage de turban », il avait déjà, le 9 novembre, sa fiche Wikipédia en persan, alimentée quotidiennement dans les semaines qui ont suivi. Une fédération … Continue reading ». Aux plus âgés, ces provocations rappelaient le geste des jeunes révolutionnaires décoiffant, en 1979, les clercs accusés de soutenir le chah.

Ludique, l’activité reflète la créativité de la jeunesse qui s’est trouvée au cœur des manifestations de l’automne ; elle contraste avec le discours compassé d’un pouvoir devenu noyau sec d’une utopie politique vidée de sens[4]Âkhond-e hokumati ; quant au « sautage de turban », il avait déjà, le 9 novembre, sa fiche Wikipédia en persan, alimentée quotidiennement dans les semaines qui ont suivi. Une fédération … Continue reading. Alimentant un sentiment désormais partagé d’insécurité culturelle, cette désaffection de l’utopie a aiguisé la polarisation de la société. Elle y a également attisé, chez certains religieux, l’exigence de débat public « dans un contexte où toutes les autorités sont ébranlées[5]Éléments de réflexion comparative dans Philippe Portier & Jean-Paul Willaime, Le christianisme et la modernité européenne, 2 : Comprendre le retour de l’institution religieuse, Paris, … Continue reading » — contexte favorable à l’instabilité plus qu’au changement.

Car ce n’est pas que le clergé « godillot » mais tout l’establishment religieux qui a senti le vent du boulet — son prestige amoindri par de jeunes influenceuses présentes depuis des années dans le mouvement social, et désormais identifiées par le pouvoir (et ses snipers) comme leaders d’opinion. À ce défi, les clercs ont réagi en ordre dispersé, entre coups de semonce, séduction ponctuelle à coups de subventions surprises, et exigence du changement ici et maintenant. Avec une caractéristique : une grande diversité de situations et de propos.

Depuis 2009 : un crescendo discursif

Au sein des mosquées et des madrasas iraniennes (chiites majoritaires ou sunnites minoritaires), ce que l’on observe d’abord est une fixité des clivages politiques, depuis le mouvement Vert de 2009 contre la réélection frauduleuse de Mahmud Ahmadinejad à la présidence de la République islamique. Cette fixité se conjugue toutefois, depuis les mouvements sociaux des hivers 2017–18 et 2019–20, à une montée en régime voire à une radicalisation du discours public des protagonistes, accélérées par les protestations et soulèvements de l’automne 2022[6]Voir notamment l’essai de typologie par Farhad Khosrokhavar, « L’Iran, des mouvements sociaux démocratiques aux mouvements régressifs », Confluences Méditerranée, 113, 2020, pp. 103–116..

Un premier pas était franchi, dans le sillage de 2009, avec les philippiques de l’administration Ahmadinejad, telles les accusations de corruption contre un religieux de rang alors intermédiaire mais qui n’était pas le premier venu : Seyyed Hasan Khomeyni. Petits-fils de l’ayatollah du même nom, Hasan était alors gardien de son tombeau au sud de Téhéran. En juin 2009, il avait pris parti contre la fraude électorale, se rapprochant de Mir-Hoseyn Musavi, le candidat malheureux des Réformistes, en exigeant l’annulation du scrutin[7]Ex. Ali Reza Eshraghi, « Khamenei vs. Khomeini », The new republic (edition du 20 août 2009)..

La décennie suivante a accusé le clivage, sur fond d’intervention militaire en Syrie et de procès politiques endémiques. Omniprésente, la police de la moralité se substituait aux minbars dans « l’appel au bien et la prévention du mal », système d’autorégulation et moyen de sanction dont seul le second terme était retenu[8]J. L. Esposito, éd., The Oxford dictionary of Islam. Le pouvoir, lui, se resserrait sur un noyau d’anciens Gardiens de la révolution, dont le corps du Basij-e mostaz‘afin (« Mobilisation des déshérités »), chargé du contrôle social, se ré-idéologisait autour du martyrologe de l’imam Hoseyn[9]Cf. Saeid Golkar, « Taking back the neighborhood : the IRGC Provincial Guard’s mission to re-Islamize Iran », Policy notes (The Washington Institute for Near East Policy), 81, juin 2020, pp. … Continue reading.

Incapable et de lâcher du lest (car ce n’est pas elle qui contrôle le Basij) et d’acheter la paix sociale (du fait de l’effondrement des revenus du brut et d’une suite de sanctions internationales), l’administration Rohani (2013–21) se voyait confrontée à une contestation endémique, vite radicalisée. Parmi les cibles de cette dernière, dès l’hiver 2017–18 : les sanctuaires chiites associés au clergé officiel (comme celui de l’Imam Reza à Machhad, siège de la plus riche fondation pieuse du pays) et les postes du Basij, attaqués au cocktail Molotov ou incendiés.

C’est dire si les manifestations de l’automne 2022 ne sont pas inédites, contrairement à ce qu’affirment les médias occidentaux. Leur principale nouveauté est la place prise, dans le sillage de la mort de Zhina, par de jeunes influenceuses et activistes parfois adolescentes — certaines célébrées pour avoir payé leur audace de leur vie, selon un martyrologe qui s’ingénie à reprendre, en les inversant, les codes de celui, très masculin, du Basij et des Gardiens. En même temps le slogan « Femme, vie, liberté » gagnait toutes les strates de la société iranienne.

Autre innovation : la virulence initiale des condamnations de la répression, jusque chez de grands notables du régime. Dès le Vendredi noir du 30 septembre à Zahedan, au Sistan–Baloutchistan, le shaykh al-islam des sunnites de la région, Mowlavi ‘Abd al-Hamid Esma‘ilzayi, exigeait un procès des auteurs des massacres. Un peu plus tard l’ayatollah Seyyed Kazem Nurmofidi, plus ancien imam chiite en poste en Iran, houspillait le conseiller présidentiel aux questions ethniques, un clerc kurde sunnite, pour la brutalité de la répression au Kurdistan[10]Voir mes articles du Grand Continent (27 octobre) et du Monde diplomatique (numéro de décembre)..

Troisième particularité des événements de l’automne 2022 : loin de s’apaiser, comme lors des années précédentes, à mesure que le régime déroulait son habituelle combinaison de concessions et de coercition, ces réactions ne firent que prendre de l’ampleur, tandis que des fissures commençaient d’apparaître dans les cercles du pouvoir. Au point qu’autour du 20 novembre un nouveau thème, brandi par le shaykh al-islam, était repris par l’establishment religieux kurde sunnite : celui d’un référendum sur les institutions, sous contrôle international[11]Voir la proclamation du 21 novembre des imams de la région de Sanandaj, « au nom de la nation iranienne », en appui à Mowlavi ‘Abd al-Hamid (reprise notamment sur … Continue reading.

Poussée par un personnel religieux minoritaire (la part de la population “sunnite” du pays est estimée, selon l’origine des statistiques, entre 11% et 15% du total, groupés historiquement dans les anciennes marches impériales de l’Iran), la suggestion mettait en cause deux fondements mutuellement liés de la constitution de 1979, rejetés par les sunnites dès l’origine de cette dernière. Le premier n’est autre que la dominance politique du chiisme duodécimain ; l’autre, la « régence absolue du légiste » (velâyat-e motlaq-e faqih), héritée de l’ayatollah Khomeyni.

L’establishment confessionnel : un renouveau de l’imamat ?

Au cœur de la critique des clercs, sunnites ou chiites : la gouvernance de la République islamique. Si cette critique porte, c’est qu’elle est mue par des leaders religieux jouissant d’une légitimité voire de ressources propres, donc d’une grande autonomie vis-à-vis de l’actuel Guide suprême ‘Ali Khamenei (en poste depuis 1989). Parmi eux : l’ayatollah Seyyed Kazem Nurmofidi (né en 1940), qui reprochait le 24 octobre au Guide le recours à la violence contre la rue, l’accusant de trahir le modèle de bienveillance du prophète de l’islam vis-à-vis de sa communauté[12]Discours diffusé par le site d’information générale www.khabaronline.ir (consulté le 24 octobre 2022)..

L’imam chiite de la ville de Gorgan, sur le littoral de la Caspienne, est le seul Légat du Guide proche politiquement des Réformistes. Plus ancien imam en chaire d’Iran, il tient sa nomination de son maître Seyyed Ruhollah Khomeyni. Seyyed Kazem peut en outre se réclamer d’une triple légitimité généalogique, puisque descendant comme Khomeyni et Khamenei du prophète Muhammad, beau-fils d’un marja‘-e taqlid (modèle d’émulation spirituelle, dans le chiisme duodécimain), tandis que l’un de ses trois fils est beau-frère de Seyyed Hasan Khomeyni.

À ce pédigrée s’ajoutent les liens étroits que Nurmofidi a entretenus pendant la guerre Iran–Iraq de 1980–88 avec la 25e Division « Karbala » des Gardiens de la révolution, formée en partie d’hommes de la région de Gorgan. Membre de l’Assemblée des experts, à laquelle Hasan Khomeyni a échoué à se faire élire, il doit participer à l’élection du futur Guide. Entretemps, il a joué le vote catcher lors des présidentielles, tout en dénonçant avec Hasan Khomeyni la dérive répressive du régime : n’a-t-il pas appelé à la « coexistence de gens de toutes orientations[13]Confessionnelles s’entend. Voir les interventions de Nurmofidi en faveur du dialogue national et de l’entente des confessions sur son site www.noormodifi.ir (23 octobre et 14 novembre) ; dans … Continue reading » ?

Ce discours de modération de figures du régime inattaquables car pourvues, outre un ancrage local solide, d’une impeccable généalogie musulmane chiite et révolutionnaire, les ont fait poser clairement en possibles recours. Ce faisant, un Seyyed Kazem ou un Hasan Khomeyni chez les chiites, un Mowlavi ‘Abd al-Hamid chez les sunnites entendaient ne pas se laisser dépasser par d’autres — par d’anciens chefs des Gardiens de la révolution de la génération baby-boomers, entre autres, tentés eux aussi, plus que jamais, de jouer une carte personnelle[14]Sur l’itinéraire d’un Hoseyn ‘Alayi (1956–), fondateur de la Marine des Gardiens et ancien chef d’état-major de ces derniers, voir mon livre Les Gardiens de la révolution islamique … Continue reading.

Imams et gardiens de sanctuaire ont aussi pris la mesure du danger que font peser non seulement la rue mais aussi la controffensive tous azimuts du pouvoir. Car non contents de militariser la répression, le Guide et son régime ont tenté de reprendre l’initiative en exploitant les rivalités qui partagent l’institution religieuse. Au Baloutchistan par exemple, on les a vu tenter de saper l’autorité de Mowlavi ‘Abd al-Hamid, en soutenant contre lui certains imams locaux et celles des chefferies tribales mécontentes du pouvoir acquis par le shaykh al-islam[15]Sur la mise en œuvre de cette stratégie depuis le tournant du xxie siècle, voir mon ouvrage, The Baluch, Sunnism and the state in Iran : from tribal to global, Londres, Hurst & New York, … Continue reading.

En visite dans le port de Tchabahar à la mi-novembre, le président du Conseil politique des imams en chaire d’Iran[16]Shurâ-ye siyâsatgodhâri-e a’emme-ye jom‘e, instance créée en 1993 par ‘Ali Khamenei pour remplacer un Conseil central des imams en chaire. Composé d’une dizaine de religieux proches du … Continue reading, Hajj-‘Ali-Akbari (un ancien aumônier des Gardiens pendant la guerre Iran–Iraq) rappelait « l’amour du Guide pour la région ». À l’imam sunnite de la ville côtière de Zarabad, il promettait un hôpital, évoquant une meilleure représentation de la population baloutche dans la fonction publique. (Problème : il parlait à des auditoires dans lesquels des Baloutches, on en voyait peu car composés de religieux chiites et d’officiers des Gardiens[17]« Hajj-‘Ali-Akbari : toutes les difficultés du Baloutchistan seront reportées au Guide suprême », www.irna.ir (18 novembre, en persan ; repris par de nombreux médias en ligne)..)

Jouant de la fissibilité de l’institution cléricale et de la dépendance de nombre de ses notables locaux aux subventions publiques, le pouvoir peut par ailleurs tabler sur les contradictions qu’affichent certains. Ainsi à la mi-novembre, les visiteurs du site web du Dar al-‘Ulum de Zahedan, la grande madrasa sunnite présidée par Mowlavi ‘Abd al-Hamid, pouvaient y voir voisiner les appels de celui-ci au dialogue national et le compte rendu élogieux d’une biographie de Mulla Muhammad-‘Umar (c. 1962–2013), fondateur et leader historique des Taliban afghans[18]Cf. http://sunnionline.us/farsi/category/news/page/2 (consulté le 22 novembre 2022). Le compte rendu figure, ce jour-là, dans la colonne des pages les plus visitées du site..

Pas sûr que cette référence soit du goût des féministes en tête de la contestation actuelle. Tablant sur l’hétérogénéité de ce qu’il nomme « opposition » (mokhalefat), le pouvoir a parfois beau jeu de jouer la « modération » contre le tribun de Zahedan. Les imams kurdes qui ont approuvé l’idée de référendum semblent l’avoir compris, qui prennent la précaution d’intervenir collégialement, en associant à leurs proclamations les leaders régionaux des Voies soufies — des traditions spirituelles ritualisées, aux antipodes du radicalisme comme de ce que le sociologue Farhad Khosrokhavar appelait la « martyropathie » de la République islamique[19]Voir par ex. « Chiisme mortifère : les nouveau combattants de la foi », L’homme et la société, 107–108, 1993, pp. 93–108..

À défaut de conclusion

Comme lors des mouvements de protestations des hivers 2017–18 et 2019–20, l’heure est à la contrinsurrection. Violente, celle-ci pourrait avoir des effets paradoxaux pour le pouvoir. Car en s’attaquant, par exemple, à l’autorité d’un Mowlavi ‘Abd al-Hamid[20]Comme le suggère un message de ‘Ali Khamenei lui-même, recommandant non de jeter au cachot l’imam de Zahedan mais d’essayer de le discréditer. Repris dans un courrier interne de la chaîne … Continue reading, elle fragilise l’important réseau de madrasas dirigé par celui-ci — dans une région, le Sistan–Baloutchistan, frontalière du Pakistan, où ce réseau constitue historiquement, depuis la période monarchique, un obstacle à la propagation de l’influence saoudienne en général, du salafisme en particulier[21]Stéphane Dudoignon, The Baluch, Sunnism and the state, op. cit. pp. 161–2..

Par ailleurs, la fermeture au dialogue du pouvoir, sa fuite en avant dans l’option répressive conduit certains à adopter des contremesures préventives amenées à raffermir certaine assises. Ainsi, n’a-t-on pas vu Seyyed Kazem Nurmofidi, qui se sait plus que jamais dans le collimateur du Guide, cultiver les siennes — dans ce qui a ressemblé, par certains traits, à une tournée de popotes — dans le Basij et, plus largement, chez les Gardiens de la révolution de sa région de Gorgan, dont il est proche, en fait, depuis les tous débuts de la République islamique[22]Voir par exemple la chronique du 25 novembre 2022 sur son site officiel https://noormofidi.ir — le jour d’une rencontre avec le Basij, et au lendemain de la réception par l’imam de Gorgan … Continue reading ?

Les enjeux régionaux de la contestation et de la contrinsurrection échappent à bien des observateurs lointains des mouvements sociaux et politiques iraniens de la décennie écoulée. On peut se demander cependant si ce n’est pas là que se joue la pérennité de la République islamique, au-delà d’alternances aussi illusoires que brutales entre “conservateurs” et “réformistes”. Sur fond d’accusation des clivages sociaux et de discrédit du discours officiel, quantité de notables (pers. mo‘tamedin : litt. « ceux à qui l’on peut se fier ») y ont acquis une position médiane.

Parmi ceux-ci, les imams comptent bien défendre ces acquis sinon tirer profit, pour obtenir des concessions ponctuelles, de l’effritement de l’autorité d’un Guide suprême vieillissant face à un éventail de tribuns régionaux indépendants de lui et qui le contestent dans des termes de moins en moins amènes. Pour cela, l’imamat sait pouvoir tirer profit d’un islam (chiite majoritaire comme sunnite minoritaire) resté vecteur de sens dans une société déboussolée et apprécié, aussi, comme « incubateur d’actions solidaires[23]Philipe Portier & Jean-Paul Willaime, op. cit., p. 30. » dans un contexte de sauve-qui-peut.

Inversement, cette sociologie religieuse particulière, favorable à l’entretien de l’instabilité plus qu’à la préparation du changement, ménage au pouvoir l’importante ressource consistant à s’appuyer moins sur un appareil idéologique centralisé et homogène que sur des relations demeurées, à ce jour, transactionnelles avec des creusets d’idées voire de culture politique divers[24]Comme on a pu l’observer en 2020 pendant les premiers mois de la pandémie : voir mon analyse dans « Iran : vers un après-COVID-19 ? », Moyen-Orient, 58, 2020, pp. 72-77.. Pour ce faire, le Bureau du Guide et dépendances se doivent cependant de cultiver un degré de polarisation des élites, condition nécessaire à la flexibilité du choix politique et un éventail de sources de soutien, dans un environnement stratégique changeant[25]Éléments de comparaison dans Juliette Faure, Conservatisme modernisateur russe (1960–2022) : la reconstruction intellectuelle et sociale d’une alternative à la modernité libérale … Continue reading.

 

Notes

Notes
1 Anecdote non sourcée, datée du 21 avril 1979 ; citée par le site d’information www.www.khabaronline.ir le 13 novembre 2022.
2 Pour une chronologie du début des protestations, voir par ex. Pierre Ramond, « 10 points sur l’embrasement iranien », [en ligne] https://legrandcontinent.eu (consulté le 22 septembre 2022).
3 Âkhond-e hokumati ; quant au « sautage de turban », il avait déjà, le 9 novembre, sa fiche Wikipédia en persan, alimentée quotidiennement dans les semaines qui ont suivi. Une fédération Twitter de sautage de turban, promu au statut de sport, revendiquait à la même date 39 000 membres.
4 Âkhond-e hokumati ; quant au « sautage de turban », il avait déjà, le 9 novembre, sa fiche Wikipédia en persan, alimentée quotidiennement dans les semaines qui ont suivi. Une fédération Twitter de sautage de turban, promu au statut de sport, revendiquait à la même date 39 000 membres.
5 Éléments de réflexion comparative dans Philippe Portier & Jean-Paul Willaime, Le christianisme et la modernité européenne, 2 : Comprendre le retour de l’institution religieuse, Paris, Fondation pour l’innovation politique, 2018, pp. 23 – 25 ; sur l’Iran de 2022, voir l’analyse du politologue Kian Tajbakhsh, « The culture war behind Iran’s protests », The Wall Street journal (édition du 11 novembre 2022).
6 Voir notamment l’essai de typologie par Farhad Khosrokhavar, « L’Iran, des mouvements sociaux démocratiques aux mouvements régressifs », Confluences Méditerranée, 113, 2020, pp. 103–116.
7 Ex. Ali Reza Eshraghi, « Khamenei vs. Khomeini », The new republic (edition du 20 août 2009).
8 J. L. Esposito, éd., The Oxford dictionary of Islam
9 Cf. Saeid Golkar, « Taking back the neighborhood : the IRGC Provincial Guard’s mission to re-Islamize Iran », Policy notes (The Washington Institute for Near East Policy), 81, juin 2020, pp. 22–23.
10 Voir mes articles du Grand Continent (27 octobre) et du Monde diplomatique (numéro de décembre).
11 Voir la proclamation du 21 novembre des imams de la région de Sanandaj, « au nom de la nation iranienne », en appui à Mowlavi ‘Abd al-Hamid (reprise notamment sur https://twitter.com/SamRasoulpour/status/1594671512568713217).
12 Discours diffusé par le site d’information générale www.khabaronline.ir (consulté le 24 octobre 2022).
13 Confessionnelles s’entend. Voir les interventions de Nurmofidi en faveur du dialogue national et de l’entente des confessions sur son site www.noormodifi.ir (23 octobre et 14 novembre) ; dans un texte publié le 3 octobre sur www.jamaran.news, puis relayé par plusieurs portails d’information générale, Hasan Khomeyni dénonçait une dérive de la République islamique vers une « gouvernance extrémiste » (hâkemiyat-e efrâtigari).
14 Sur l’itinéraire d’un Hoseyn ‘Alayi (1956–), fondateur de la Marine des Gardiens et ancien chef d’état-major de ces derniers, voir mon livre Les Gardiens de la révolution islamique d’Iran : sociologie politique d’une milice d’État, Paris, CNRS Éditions, 2022, en part. pp. 113–14 ; et mon article du 27 octobre dans Grand Continent.
15 Sur la mise en œuvre de cette stratégie depuis le tournant du xxie siècle, voir mon ouvrage, The Baluch, Sunnism and the state in Iran : from tribal to global, Londres, Hurst & New York, Oxford University Press, 2017, pp. 252–3.
16 Shurâ-ye siyâsatgodhâri-e a’emme-ye jom‘e, instance créée en 1993 par ‘Ali Khamenei pour remplacer un Conseil central des imams en chaire. Composé d’une dizaine de religieux proches du Guide suprême, renouvelé à intervalles réguliers, le Conseil s’emploie notamment à mobiliser les mosquées.
17 « Hajj-‘Ali-Akbari : toutes les difficultés du Baloutchistan seront reportées au Guide suprême », www.irna.ir (18 novembre, en persan ; repris par de nombreux médias en ligne).
18 Cf. http://sunnionline.us/farsi/category/news/page/2 (consulté le 22 novembre 2022). Le compte rendu figure, ce jour-là, dans la colonne des pages les plus visitées du site.
19 Voir par ex. « Chiisme mortifère : les nouveau combattants de la foi », L’homme et la société, 107–108, 1993, pp. 93–108.
20 Comme le suggère un message de ‘Ali Khamenei lui-même, recommandant non de jeter au cachot l’imam de Zahedan mais d’essayer de le discréditer. Repris dans un courrier interne de la chaîne d’information officielle Fars News, très proche du Guide suprême, le message a été piraté par le groupe de hackers iraniens Black Reward et relayé par le programme persan de Radio Free Europe/Radio Liberty www.radiofarda.com, le 30 novembre 2022.
21 Stéphane Dudoignon, The Baluch, Sunnism and the state, op. cit. pp. 161–2.
22 Voir par exemple la chronique du 25 novembre 2022 sur son site officiel https://noormofidi.ir — le jour d’une rencontre avec le Basij, et au lendemain de la réception par l’imam de Gorgan d’une délégation du Croissant rouge, organisme d’État notoirement proche des Réformistes.
23 Philipe Portier & Jean-Paul Willaime, op. cit., p. 30.
24 Comme on a pu l’observer en 2020 pendant les premiers mois de la pandémie : voir mon analyse dans « Iran : vers un après-COVID-19 ? », Moyen-Orient, 58, 2020, pp. 72-77.
25 Éléments de comparaison dans Juliette Faure, Conservatisme modernisateur russe (1960–2022) : la reconstruction intellectuelle et sociale d’une alternative à la modernité libérale occidentale en Russie, thèse inédite de science politique, Paris, Sciences Po, 2022
Pour citer ce document :
Stéphane Dudoignon, "Iran 2022 : l’institution religieuse au défi de l’hypermodernité". Focus de l'Observatoire international du religieux [en ligne], décembre 2022. https://obsreligion.cnrs.fr/focus/iran-2022-linstitution-religieuse-au-defi-de-lhypermodernite/
Auteur.e.s

Stéphane Dudoignon, Directeur de recherche au CNRS (GSRL)

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