Focus

février 2024

Les transformations de l’islam en Afrique de l’ouest

Marc-Antoine Pérouse de Montclos

Introduction

La question du terrorisme djihadiste obsède tant et si bien qu’elle a fini par occulter les profondes transformations de l’islam en Afrique de l’Ouest depuis la période des indépendances. Aujourd’hui, de nombreux chercheurs tablent ainsi sur une radicalisation et une politisation des musulmans de la région, un constat pour le moins contestable sur le plan historique[1]Pour une discussion à ce sujet, voir Marc-Antoine Pérouse de Montclos, L’islam d’Afrique : au-delà du djihad, Paris, Vendémiaire, 2021.. Dans la durée, pourtant, les changements à l’œuvre s’apprécient plutôt à travers l’urbanisation, la modernisation, la globalisation et, possiblement, une féminisation des pratiques islamiques. Il s’agit là de tendances de fond qui sont certes moins bruyantes et moins directement visibles dans les médias que les attaques à main armée de groupes se revendiquant de la tradition prophétique.

L’urbanisation des musulmans

L’exode rural et la sédentarisation des communautés pastorales ont eu fort un impact sur les musulmans d’Afrique de l’Ouest. D’Abidjan jusqu’à Lagos, les grandes métropoles de la côte du Golfe de Guinée, en particulier, affichent désormais un caractère multiconfessionnel marqué, avec des mosquées qui côtoient des temples protestants et des églises catholiques dans une cacophonie plus ou moins joyeuse. Plus au nord dans les grandes villes de l’hinterland comme Bouaké, Kumasi ou Kano, il est par ailleurs fréquent de voir des musulmans scolariser leurs enfants dans des écoles privées chrétiennes qui sont réputées avoir un meilleur niveau que dans le public. D’une manière générale, les brassages de populations et l’arrivée de nombreux Sahéliens dans les agglomérations côtières du sud ont amené les religions du Livre à se mélanger. À force de se côtoyer, musulmans et chrétiens ont ainsi fini par s’influencer les uns les autres. Les musulmans yorouba du sud-ouest du Nigeria, par exemple, organisent des veillées nocturnes et des campagnes de prosélytisme qui s’inspirent directement du succès des croisades des Églises pentecôtistes[2]John David Yeadon Peel, Christianity, Islam, and Orisa-Religion: Three Traditions in Comparison and Interaction, Oakland, University of California Press, 2015..

À l’épreuve de la modernité et de la multitude, les religions du Livre ont également dû composer avec les changements en cours dans des villes globales et ouvertes sur le reste du monde. Des musulmans libéraux ou « honoraires » se sont progressivement laïcisés, un phénomène qu’il est difficile d’appréhender et, encore plus, de quantifier tant les regards sont braqués sur les questions de radicalisation et d’extrémisme religieux. En dépit du poids des traditions patriarcales, on a aussi observé une certaine féminisation de l’islam par le biais de croyantes qui, sans contester la hiérarchie des genres, sont davantage sorties de chez elles, ont occupé des fonctions publiques, ont investi le secteur associatif et ont parfois fini par s’imposer comme guides spirituelles dans des espaces autrefois réservés exclusivement aux hommes[3]Jean Schmitz, Abdel Wedoud Ould Cheikh & Cedric Jourde (dir.), Le Sahel musulman entre soufisme et salafisme : subalternité, luttes de classement et transnationalisme, Paris, IISMM-Karthala, … Continue reading.

En principe, le rite malékite, dominant en Afrique de l’Ouest, n’autorise pas les femmes à diriger la prière des musulmans. Mais le Coran ne l’interdit pas expressément. Ainsi, les jurisconsultes hanafites, chaféites et hanbalites ont permis aux musulmanes d’être l’imam de croyantes de leur sexe, une position également adoptée par les clercs asharites du royaume chérifien au Maghreb[4]En 2013, l’institut Mohammed VI, qui est supervisé par le ministère marocain des affaires religieuses, a par exemple commencé à former des imams de sexe féminin, les morchidates (« … Continue reading. Historiquement, qui plus est, les femmes ont joué un rôle majeur dans la diffusion de la tradition prophétique en Afrique de l’Ouest. Au Nigeria, la fille du fondateur du califat de Sokoto, Nana Asmau (1793-1864), a par exemple écrit des prêches et des poèmes qui ont circulé dans toute la région[5]Jean Boyd & Beverley Mack, Collected Works of Nana Asmau, daughter of Usman dan Fodio, East Lansing, Michigan State University Press, 1997.. Au Sénégal, la mère du fondateur de la confrérie des Mourides, Maam Jaara Buso, est quant à elle devenue un modèle de piété féminine avant sa mort en 1866. Son tombeau fait désormais l’objet d’un pèlerinage et son nom est vénéré jusque dans la diaspora outre-Atlantique. Au Sénégal, un « club de prière » (dahira) exclusivement réservé aux femmes a par ailleurs été baptisé en son honneur[6]Cheikh Anta Babou, The Muridiyya on the Move: Islam, Migration, and Place Making, Athens, Ohio University Press, 2022, p.19; Eva Evers Rosander, “Mame Diarra Bousso: La bonne mère de Porokhane, … Continue reading.

Dans des pays de tradition soufie, les femmes ne peuvent certes pas se prévaloir de la chaîne de transmission spirituelle (silsila) qui assoit la légitimité des cheikhs de sexe masculin. Des musulmanes sénégalaises n’en ont pas moins acquis le statut de représentantes (muqaddamas) de la branche niassène de la confrérie Tidjaniyya[7]Joseph Hill, Wrapping Authority: Women Islamic Leaders in a Sufi Movement in Dakar, Senegal, Toronto, Toronto University Press, 2018.. De façon significative, ces dernières ont essentiellement été choisies du fait de leur piété et non parce qu’elles étaient les descendantes ou les épouses de cheikhs déjà établis et reconnus. À défaut de bénéficier de la transmission héréditaire des titres religieux de leurs homologues masculins, les muqaddamas sénégalaises ont ainsi joué un rôle spirituel qui est allé grandissant. Leur influence s’est ressentie jusque dans la diaspora outre-mer du fait de la place que les femmes occupent traditionnellement dans les réseaux commerciaux de la côte ouest-africaine[8]Barbara Callaway & Lucy Creevey, The Heritage of Islam: Women, Religion and Politics in West Africa, Boulder, Lynne Rienner, 1994 ; Beth Ann Buggenhagen, Muslim Families in Global Senegal, … Continue reading.

L’augmentation des effectifs féminins des écoles coraniques de la région a également témoigné des changements en cours. D’après les statistiques disponibles, les filles seraient désormais majoritaires dans les établissements d’enseignement islamique de pays comme le Nigeria et le Sénégal, où le ratio des sexes y serait moins déséquilibré que dans les secteurs éducatifs public et privé[9]Leur proportion atteint jusqu’à 59% au Sénégal et 64% au Nigeria. Cf. Rohen d’Aiglepierre & Arthur Bauer, « Quantifier et qualifier le choix de l’enseignement arabo-islamique en Afrique … Continue reading. Un tel phénomène, il est vrai, ne s’explique pas seulement par un regain de ferveur religieuse, ou bien encore par l’activisme de salafistes réformistes qui cherchent à promouvoir la formation islamique des jeunes femmes avant et après le mariage. En pratique, il doit aussi beaucoup à la crise économique et aux défaillances d’États incapables de pourvoir aux besoins éducatifs de la population.

Les bouleversements de la période post-guerre froide

De fait, on ne saurait comprendre les transformations de l’islam sans les mettre en relation avec les bouleversements qu’ont connu les pays d’Afrique de l’Ouest depuis la période des indépendances. Dans des contextes d’urbanisation très rapide, l’émancipation des musulmanes, par exemple, s’explique très largement par les progrès de la monogamie, l’accès à une éducation moderne, le retard de l’âge au mariage, l’érosion des patriarcats traditionnels et l’amoindrissement des pesanteurs sociales de la vie au village. D’une manière générale, les transitions démocratiques, un libéralisme triomphant et la diffusion de modèles d’inspiration occidentale ont obligé les croyants à s’adapter aux évolutions en cours au sortir de la guerre froide et des régimes de partis uniques. Les musulmans d’Afrique de l’Ouest se sont notamment saisis des opportunités de la globalisation pour affirmer leur capacité, non seulement à moderniser et à produire des enseignements religieux de qualité, mais aussi à tenir leur rang pour diffuser leurs idées et participer aux débats publics à l’échelle mondiale.

Tant les clercs salafistes que soufis ont ainsi profité de la libéralisation des médias pour monter des radios et des chaînes de télévisions islamiques. Dans le même ordre d’idées, les musulmans ont établi des ONG qui ont formalisé leurs revendications religieuses dans un cadre plus institutionnel, avec des canaux de dialogue et de médiation susceptibles d’offrir des alternatives à la lutte armée ou au jeu de la compétition électorale[10]Marc-Antoine Pérouse de Montclos, « Les ONG humanitaires islamiques en Afrique : une menace ou un bienfait ? » Sécurité globale, 16, 2011, pp.9-19.. Ceci leur a aussi permis de combler leur retard par rapport aux chrétiens, qui étaient traditionnellement beaucoup plus présents dans les activités de développement financées par des bailleurs internationaux[11]Dans un pays musulman comme le Mali, par exemple, on ne recensait que 200 ONG islamiques parmi les 18 720 associations déclarées en 2008, peu avant la crise de 2012. Cf. Danielle Jonckers, … Continue reading. La multiplication d’universités islamiques privées en a également témoigné à sa manière[12]Mbaye Lo & Muhammed Haron (dir.), Muslim Institutions of Higher Education in Postcolonial Africa, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2015.. En effet, elle a conforté le positionnement global de lettrés qui se réclamaient d’une civilisation construite par opposition aux terres sauvages de la barbarie, de la mécréance, du paganisme et de l’ignorance[13]Voir, par exemple, Stéphanie Zehnle, A Geography of Jihad: Sokoto Jihadism and the Islamic Frontier in West Africa, Berlin, De Gruyter, 2020..

Ce sentiment de supériorité et d’antériorité, en l’occurrence, n’est pas nouveau. Historiquement, la vocation universelle de la religion musulmane a favorisé le commerce de longue distance et promu la circulation des idées à travers le voyage d’étude (riḥla), le pèlerinage (ḥajj) à La Mecque et la prédication itinérante des maîtres coraniques (les marabouts). En Afrique de l’Ouest comme au Moyen Orient, l’islam a donc été très tôt assimilé à un processus de civilisation, d’urbanisation et de modernisation qui, en Egypte au XIXe siècle, a été appelé tamaddun (« transformation ») en référence aux notions de raffinement, d’entrée dans la cité et de développement des droits des citoyens[14]Armando Salvatore, The Sociology of Islam: Knowledge, Power and Civility, Chichester (UK), John Wiley, 2016.. Au Sahel, par exemple, les musulmans étaient tant et si bien convaincus de la supériorité des enseignements de la tradition prophétique qu’au moment de l’arrivée des Britanniques, l’aristocratie haoussa-peule du nord du Nigeria devait ostensiblement bouder l’école du colonisateur, préférant y envoyer les pauvres, les fils d’esclaves et les enfants de la roture.

Encore aujourd’hui, de nombreux croyants estiment qu’ils disposaient déjà d’un système d’éducation fort sophistiqué avant l’arrivée des écoles de missions chrétiennes[15]Les Haoussa de l’Afrique de l’Ouest, par exemple, progressaient suivant des grades qui partaient de l’enfant en maternelle (kotso en haoussa) pour aller vers l’apprenti au cours élémentaire … Continue reading. À les croire, c’est la colonisation qui aurait freiné le développement de leurs médersas, et non le déclin des civilisations issues des grands djihads sahéliens du XIXe siècle. Non sans illusions, certains auteurs ont ainsi soutenu que, dans le nord du Nigeria, les sultanats de Sokoto et du Borno étaient comparables à des États qui avaient l’habitude de former, habiliter, certifier et recruter les maîtres coraniques[16]Ahmad Yahya, “Tsangaya: The Traditional Islamic Education System in Hausaland”, Jurnal Pendidikan Islam, 4 (1), 2018, pp. 1-14.. Ce système d’éducation est ensuite tombé en déshérence avec l’arrivée des Européens et la concurrence des écoles de missions chrétiennes.

La multiplication d’universités islamiques

Au sortir de la guerre froide, la multiplication d’universités islamiques privées a ainsi témoigné des efforts de la oumma (« la communauté globale des musulmans ») en vue de se moderniser, de rattraper le temps perdu et de se positionner dans la bataille des idées au niveau mondial. En Afrique de l’Ouest, les expériences menées ont en l’occurrence été fort diverses. En effet, ces universités autoproclamées ont alternativement été créées par des notables du cru, des ONG islamiques ou des organisations internationales, qui en province, qui dans les capitales. Attestant de leur double dimension locale et globale, beaucoup d’entre elles ont notamment été initiées par des salafistes africains qui avaient été formés dans le monde arabe, en particulier dans les pays du Golfe.

Au Sénégal, un cheikh diplômé de l’Université de Médine, Ahmed Muhammad Lo, a ainsi suivi le modèle saoudien pour fonder une faculté africaine d’études islamiques (al-Kulliyyat al-ifrîqiyya li d-dirâsât al-islâmiyya) à Dakar en 2001. En dépit de l’opposition des clercs soufis, il a également obtenu des pouvoirs publics une concession à Diamniadio, ville nouvelle des environs de la capitale, afin d’y construire une université islamique qui avait l’ambition d’accueillir jusqu’à 20 000 étudiants par an et dont la première pierre a été posée début 2022 en présence du ministre de l’Enseignement supérieur. De même en Mauritanie, pays voisin du Sénégal, c’est un cheikh salafiste formé en Arabie Saoudite, Muhammad al-Hasan al-Dedew, qui a établi à Nouakchott un séminaire d’oulémas (Markaz Takwin al-‘Ulama) en 2007 puis une université privée (‘Abd Allah bin Yasin) en 2010[17]Hamidou Ould Mohamed Baba Dia & Mohamed Salem Ould Maouloud (dir.), Education Arabo-Islamique au Sahel : rapport Mauritanie, Bamako, Plateforme d’Analyse du Suivi et d’Apprentissage au Sahel … Continue reading. Au Mali, encore, le fameux imam Mahmoud Dicko a d’abord séjourné deux ans à Médine avant de revenir dans son pays assumer une fonction de tribunicien et inaugurer en 2010 le transfert vers Bamako, dans le quartier de Sotuba, d’un campus de 3 000 étudiants pour une « université » qui s’était d’abord établie à Touba près de Banamba dans la région rurale de Koulikoro.

En Afrique subsaharienne, les universités islamiques de Say au Niger en 1987 et de Mbale en Ouganda en 1988 sont en fait les seules à avoir été directement créées par une institution internationale dans un cadre multilatéral, en l’occurrence sous l’égide de l’Arabie Saoudite et de l’OCI (Organisation de la coopération islamique). Celles-ont d’ailleurs une vocation régionale et accueille des étudiants venus de différent pays. Bien souvent, cependant, les établissements d’enseignement supérieur à destination d’un public musulman ont plutôt été créés par l’intermédiaire de structures caritatives du Golfe qui les ont financés avec plus ou moins de bonheur. Au Burkina Faso, par exemple, c’est un diplômé de Médine devenu directeur de l’ONG koweitienne AMA (African Muslim Agency), Boubakary Doukouré, qui, avec des financements saoudiens, a inauguré à Ouagadougou en 2004 une université franco-arabe (Markaz al-jâmi'î li t-takhassusât almuta'addida) et un collège de science islamique (Ma‘had al-‘Ilmî) destiné à jouer un rôle d’école normale pour former les futurs responsables de medersas. Parallèlement, il a ouvert un département d’études islamiques (Qism ad-dirâsât al-islâmiyya) à la faculté de sciences de l’éducation (Kulliyyyat al-'ulûm at-tarbiyya) du Centre Universitaire Polyvalent du Burkina (Qism al-lughat al-'arabiyya), qui était dirigé par un autre diplômé de Médine, Haroun Sidibé. Au Nigeria, encore, l’université Al-Hikma a été créée par un philanthrope de la ville d’Ilorin, Alhaji Abdulraheem Oladimeji, avec l’aide de l’Assemblée mondiale de la jeunesse musulmane, une organisation saoudienne plus connue sous son acronyme anglais de WAMY (World Assembly of Muslim Youth).

D’un pays à l’autre, les dynamiques confessionnelles de privatisation de l’enseignement supérieur ont ainsi révélé toute la complexité d’initiatives qui se sont inscrites dans une double dimension locale et globale. Au Mali, un imam diplômé de Médine, Ibrahim Kantao, a par exemple monté une association caritative, Al-Farouk, qui était initialement une succursale de l’ONG internationale al-Muntada al-Islamiyya avant de présider en 2012 à la création d’une université du Sahel (Jâmi’at as-Sâhil) dans le quartier neuf d’ACI 2000 à Bamako. Parrainé par l'Arabie saoudite, cet établissement, qui prétendait accueillir quelques 500 étudiants par an, a ensuite ouvert des antennes en 2016-2017 à Kenedougou dans la province de Sikasso près de la frontière du Burkina Faso. Dans ce dernier pays, la fondation Abdallah Ben Masoud (du nom d’un des premiers compagnons du prophète) et l’association Al-Furqân (en référence à la sourate du Coran sur le « discernement ») ont, quant à elles, établi une université islamique à Ouagadougou, al-Houda (Jâmi'at al-Hudâ), et une faculté d’études et d’éducation islamiques (Kulliyyat al-Furqân li d-dirâsât al-islâmiyya wa t-tarbawiyya) à Bobo-Dioulasso, respectivement en 2006 et en 2009.

Des collectifs de notables d’obédience salafiste ont également participé au montage d’universités telles que An-Nahda à Ouagadougou en 2019 ou Elhaj Mahmoud Kaatt et Attadamoun à Niamey en 2015. Mais les initiatives en la matière n’ont pas toujours été portées par des fondamentalistes, en particulier dans le sud-ouest du Nigeria. A Abéokuta, par exemple, l’université islamique du Crescent a été fondée par Alhaji Abdul-Jabar Bola Ajibola (1934-2023), un ancien juge de la Cour Internationale de Justice à La Haye. À Oshogbo en 2007 et à Offa en 2015, les universités Fountain et Summit ont quant à elle été créées par des organisations musulmanes basées à Lagos et réputées libérales, à savoir Nasrul-Lahi Fathi (NASFAT) et la société Ansar-ud-Deen, qui datent respectivement de 1995 et 1926.

L’islam à l’épreuve de la globalisation

Pour impressionnante qu’elle soit, la prolifération d’établissements islamiques d’enseignement supérieur ne doit pas tromper. Certains ont été légalisés et officiellement enregistrés par les ministères de l’Éducation des États concernés, à l’instar de l’université al-Houda à Ouagadougou en 2008. Mais la plupart d’entre eux se sont prévalus de titres pompeux sans jamais chercher ou parvenir à être reconnus par les autorités. À Bamako, par exemple, l’université du Sahel s’est dotée de deux facultés, une pour l’informatique, l’autre pour les sciences islamiques et la langue arabe. Son cursus n’a toutefois pas été validé par l’État. À Nouakchott, encore, le séminaire d’oulémas (Markaz Takwin al-‘Ulama) et l’université Abd Allah bin Yasin ont été suspectés d’être des foyers de l’opposition islamiste et le gouvernement a décidé de retirer leurs licences fin 2018.

Bien souvent, qui plus est, les établissements islamiques d’enseignement supérieur se sont focalisés sur la jurisprudence de la charia, l’exégèse des textes sacrés, l’apprentissage de l’arabe et l’étude de la biographie du prophète. À l’occasion, certains se sont certes ouverts à des matières profanes telles que l’informatique et la comptabilité. Au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, c’est par exemple le cas des universités Al-Hikma à Ilorin, Al-Qalam à Katsina, Crescent à Abéokuta et Al-Istiqama à Sumaila près de Kano, qui ont toutes été fondées en 2005. La plupart du temps, cependant, ces établissements n’ont pas réussi à atteindre un niveau suffisant pour offrir de véritables débouchés professionnels sur le marché du travail. En Afrique, ils n’ont donc pas été en mesure de soutenir la comparaison avec les universités privées chrétiennes ou laïques, ceci sans même parler des institutions d’enseignement supérieur des pays développés, qui sont restées très attractives pour les milieux ayant encore les moyens de financer les études de leurs enfants à l’étranger.

De fait, la concurrence est rude, sachant que le secteur public continue de proposer des formations religieuses à moindre coût. Dans le nord du Nigeria, par exemple, les universités fédérales de Zaria et Kano disposent de leurs propres départements d’études islamiques. Les Églises pentecôtistes, qui plus est, ont beaucoup investi dans le domaine de l’enseignement supérieur[18]Afe Adogame (dir.), Who is afraid of the Holy Ghost? Pentecostalism and globalization in Africa and Beyond, Trenton (NJ), Africa World Press, 2011.. Le décalage est flagrant dans un pays comme le Nigeria, qui est habité à peu près pour moitié par des musulmans et des chrétiens. En effet, les universités de confession chrétienne y représentaient 12 des 24 établissements privés officiellement enregistrés et habilités à délivrer des diplômes d’enseignement supérieur en 2006. Les musulmans, eux, n’en avaient que 3, essentiellement dans le sud-ouest yorouba[19]Yusuf Maigida Abdulrahman, “Contemporary Islamic Education in Nigeria from the Rear View Mirror”, American Journal of Educational Research, 6 (4), 2018, pp.329-343.. Or le niveau d’éducation de cette région était déjà bien supérieur à celui du nord sahélien où se concentrait la très grande majorité des musulmans du pays. Autrement dit, la création d’universités islamiques n’a nullement permis de rattraper le retard pris sur les chrétiens de la côte du golfe de Guinée, un différentiel de développement qui déstabilise le Nigeria depuis, au moins, la période coloniale[20]Marc Antoine Pérouse de Montclos & Camille Noûs, « Unité nationale et inégalités régionales d’accès à l’éducation dans le nord du Nigeria : une source de conflits », Cahiers de la … Continue reading.

Dans la grande bataille des idées au niveau global, le rôle des établissements islamiques d’enseignement supérieur s’est plutôt limité à proposer des alternatives à l’hégémonie des puissances occidentales. L’Afrique de l’Ouest n’a cependant pas été un simple récipiendaire de modèles en provenance du monde arabe en général et des pays du Golfe en particulier. La Mauritanie, par exemple, a exporté ses cheikhs les plus réputés pour, entre autres, enseigner le droit islamique à Médine. Né en 1935 et lié à la confrérie Chadhiliyya, Abdallah ben Bayyah s’est ainsi installé à Djeddah en 1981 puis à Abou Dhabi en 2014, où il est devenu célèbre en revendiquant ses racines soufies, en se démarquant du wahabisme et en promouvant un islam du « juste milieu » (wasaṭiyya)[21]Louis Blin, La Ligue Islamique mondiale : Le renouveau musulman ? Paris, Maisonneuve & Larose, 2022, pp.20-4 ; David Warren, Rivals in the Gulf. Yusuf al-Qaradawi, Abdullah Bin Bayyah, and the … Continue reading. Bientôt soutenu par les autorités pour contrer les idéologies djihadistes, il a aussi été invité en 2014 à présider une initiative émiratie, le Forum pour la promotion de la paix dans les sociétés musulmanes, qui a tenu un important congrès à Marrakech début 2016. En 2018, enfin, Abdallah ben Bayyah a été nommé à la tête du Conseil de la fatwa des Emirat Arabes Unis, ce qui en a fait le plus grand mufti du pays.

En Mauritanie même, les écoles coraniques (mahadir, sg. mahadra) dites « du désert » ont par ailleurs accueilli des étudiants étrangers venus, pour l’essentiel, des pays voisins et attirés par un mode de vie frugal qui rappelait l’austérité des premiers temps de la pérégrination prophétique[22]Chanfi Ahmed, “Salafism and African Contributions”, The Journal of African History, 58 (2), 2015, pp.372-373.. De leur côté, les salafistes du Nigeria appelés Izala ont essaimé dans toute l’Afrique de l’Ouest, du Tchad jusqu’au Sénégal. De façon significative, aucun des fondateurs de leur « Société pour l’éradication des innovations maléfiques et le rétablissement de l’orthodoxie » (Jamā‘at izālat al-bid‘a wa iqāmat al-sunna), établie en 1978, n’avait été formé en Arabie Saoudite, qu’il s’agisse de Musa Mai Gandu à Kaduna ou d’Ismaila Idriss et de son successeur Sani Yahya Jingir à Jos[23]Ranzi Ben Amara, The Izala Movement in Nigeria: Genesis, Fragmentation and Revival, Göttingen, Göttingen University Press, 2020.. Quant aux salafistes partis poursuivre leurs études religieuses à Médine, ils sont souvent revenus au Nigeria avec un regard très critique sur leur organisation d’origine, en particulier à Kano, où ils ont reproché au sectarisme izala de diviser la oumma[24]Alex Thurston, « Nigeria’s Ahlussunnah: A Preaching Network from Kano to Medina and Back », dans Masooda & Keiko Sakurai (dir.), Shaping Global Islamic Discourses: The Role of Al-Azhar, … Continue reading.

De ce point de vue, il s’avère que le wahhabisme n’a pas eu en Afrique de l’Ouest l’influence qu’on lui prête trop souvent[25]Marc-Antoine Pérouse de Montclos, “Saudi Wahhabis and Jihadi Terrorism in Africa: Between fairy tales and conspiracy theories”, dans Usman Tar (dir.), The Routledge Handbook of Counterterrorism … Continue reading. En effet, les Saoud ne descendaient pas de la lignée des Quraysh du prophète Mahomet à La Mecque. Ils ne pouvaient donc prétendre au titre de calife qui leur aurait permis de rayonner sur l’ensemble du monde musulman. Historiquement, le wahhabisme est resté cantonné aux hinterlands désertiques des bédouins de la péninsule arabique et n’a pas réussi à s’étendre au-delà du Qatar, pays dont la politique extérieure s’oppose d’ailleurs à celle de Riyadh aujourd’hui. Du temps de la guerre froide, qui plus est, la diffusion de la doctrine wahhabite n’a pas tant visé à promouvoir un modèle religieux qu’à défendre l’intérêt national de la monarchie en diffusant un contre-modèle conservateur pour essayer d’endiguer l’idéologie panarabe et socialiste de l’Egypte nassérienne[26]James Piscatori, “Islamic Values and National Interest: The Foreign Policy of Saudi Arabia”, dans Adeed Dawisha (ed.), Islam in Foreign Policy, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, p.51..

Grâce à l’argent du pétrole, le roi Fahd, qui est arrivé au pouvoir à Riyadh en 1982, a certes multiplié les programmes de coopération, augmenté le nombre de bourses d’études et inondé l’Afrique de versions puritaines du coran suivant une nouvelle édition qu’il a financée pour remplacer celle réalisée par l’université égyptienne d’al-Azhar en 1926[27]Andrew Hammond, “Producing Salafism: From Invented Tradition to State Agitprop”, dans Madawi al-Rasheed (dir.), Salman’s Legacy: The Dilemmas of a New Era, London, Hurst, 2018, p.155.. Mais les Saoudiens étaient peu nombreux sur le plan démographique. Aussi ont-ils toujours dû sous-traiter leurs activités missionnaires en Afrique ou sur leur propre territoire, quitte à en perdre le contrôle au profit de militants radicaux. Jusque dans les années 1990, le personnel enseignant de l’Université de Médine était ainsi composé en majorité d’étrangers, faute de Saoudiens qualifiés. De plus, le rigorisme hanbalite du wahhabisme n’a pas forcément séduit les musulmans sahéliens de rite malékite alors que se diversifiait l’offre éducative islamique grâce à l’ouverture de nouvelles universités internationales au Pakistan et en Iran[28]Inaugurée en 1980, l’université islamique d’Islamabad a démarré ses enseignements avec des Egyptiens venus d’Al-Azhar. Sur les bases d’un simple séminaire créé en 1979 et devenu centre … Continue reading. Les attentats d’al-Qaida et la guerre contre le terrorisme, enfin, ont bientôt obligé les autorités saoudiennes à revoir à la baisse des ambitions prosélytes dont les activités à l’international ont progressivement diminué d’après les statistiques officielles[29]Krithika Varagur, The Call : Inside the Global Saudi Religious Project, New York,  Columbia Global Reports, 2020..

Spécifiquement dédiée aux étudiants étrangers, l’Université islamique de Médine est significative à cet égard[30]Michael Farquhar, Circuits of Faith: Migration, Education and the Wahhabi Mission, Stanford, Stanford University Press, 2017.. Indéniablement, son généreux programme de bourses a pu attirer des musulmans en provenance de pays pauvres en Afrique de l’Ouest. Mais elle a aussi connu un fort taux d’abandon et a plutôt fait figure d’enclave sur le territoire saoudien relativement à ses rivales égyptienne d’Al-Azhar et iranienne d’Al-Mustafa, qui supervisaient aussi des instituts en province et qui étaient davantage intégrées dans les systèmes éducatifs nationaux. L’Université de Médine, en outre, a accueilli un tout petit nombre d’étudiants étrangers au regard des effectifs recensés dans les établissements d’enseignement supérieur des pays occidentaux[31]Marc-Antoine Pérouse de Montclos, « La politique africaine de l’Arabie Saoudite, entre conservatisme et prosélytisme », Questions Internationales 89, 2018, pp.105-111.. La comparaison avec Al-Azhar et Al-Mustafa ne lui est pas non plus favorable (voir la Figure 1). Si les statistiques officielles ne permettent pas toujours d’identifier la nationalité des étudiants étrangers, on sait que Médine a surtout accueilli des Arabes du Moyen Orient et d’Afrique du Nord, bien plus que des Subsahariens.

Figure 1 : Les trois universités islamiques d’Al-Azhar, de Médine et d’Al-Mustafa

Université Date de création Nombre d’étudiants étrangers Orientation religieuse
Al-Azhar (Le Caire, Egypte) 1971 30 000 / an, dont 1 000 boursiers. Couvre toute l’Afrique. Centriste, islam sunnite dit du « juste milieu » ; l’école juridique chiite y a été enseignée jusqu’à la révolution iranienne de 1979
Médine (Arabie Saoudite) 1961 28 000 boursiers (1961-2001), soit une moyenne de 700 / an. Cible le monde arabe. Wahhabite et hanbalite, s’ouvre progressivement aux trois autres écoles juridiques du sunnisme et à quelques matières profanes
Al-Mustafa (Qom, Iran) 2008 12 000 / an, auxquels s’ajoutent quelques 10 000 étudiants dans près de 150 filiales outre-mer. Accueille surtout des chiites d’Afghanistan et du Pakistan. Chiisme, mais on y enseigne aussi des matières profanes et les quatre écoles canoniques du sunnisme afin de promouvoir le dialogue intermusulman et l’unité de la oumma

Source : Massooda Bano & Keiko Sakurai (dir.), Shaping Global Islamic Discourses. Role of al-Azhar, al-Medina and al-Mustafa, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2015.

 

En dépit de tous ses efforts dans le domaine de l’éducation religieuse et du prosélytisme wahhabite, l’Arabie Saoudite n’a en fait jamais réussi à égaler le prestige d’Al-Azhar dans le monde musulman. Sur le continent africain, d’autres universités islamiques telles que la Zitouna à Tunis, Al Quaraouiyine à Fès ou Omdurman à Khartoum ont aussi accueilli une poignée d’étudiants étrangers, pour certains en provenance du Mali, du Sénégal ou du Nigeria[32]En Tunisie, la première medersa de la Zitouna daterait de 737 tandis qu’au Maroc, la construction d’Al Quaraouiyine remonterait à 859. Au Soudan, l’université islamique d’Omdurman et a … Continue reading. Historiquement, cependant, aucune n’a été en mesure de rivaliser avec Al-Azhar, où les pèlerins du Sahel avaient pour habitude de s’arrêter avant de se rendre à La Mecque.

Conclusion

De ce point de vue, il importe de bien prendre en compte les dynamiques locales qui ont pu pousser des intellectuels musulmans de l’Afrique de l’Ouest à se saisir de modèles globaux et salafistes pour se positionner sur la scène politique et religieuse. En l’occurrence, l’un n’empêche pas l’autre, à l’image du Coran, qui se veut universel et holistique tout en livrant d’infimes détails sur de petites tribus juives du temps de la révélation prophétique à Médine. Indéniablement, le religieux a constitué un vecteur d’insertion « par le haut » de l’Afrique dans la mondialisation[33]Aurélie Campana & Cédric Jourde, “Islamism and social movements in North Africa, the Sahel and Beyond: transregional and local perspectives”, Mediterranean Politics, 22 (1), 2016, pp.1-15.. Mais les Subsahariens ont eux-mêmes participé d’une « globalisation par le bas » en réinterprétant les textes sacrés et en allant à leur tour islamiser d’autres pays du Sud. Autrefois victimes des razzias musulmanes, ceci leur a permis de prendre leur revanche sur les impérialismes du monde arabe. Leur trajectoire n’est ainsi pas sans rappeler celle des chrétiens africains qui, d’abord évangélisés par des missionnaires blancs du temps de la colonisation, sont ensuite partis officier sur le continent européen pour prêcher auprès des migrants en banlieue ou remplacer des curés de plus en plus rares dans les campagnes.

Notes

Notes
1 Pour une discussion à ce sujet, voir Marc-Antoine Pérouse de Montclos, L’islam d’Afrique : au-delà du djihad, Paris, Vendémiaire, 2021.
2 John David Yeadon Peel, Christianity, Islam, and Orisa-Religion: Three Traditions in Comparison and Interaction, Oakland, University of California Press, 2015.
3 Jean Schmitz, Abdel Wedoud Ould Cheikh & Cedric Jourde (dir.), Le Sahel musulman entre soufisme et salafisme : subalternité, luttes de classement et transnationalisme, Paris, IISMM-Karthala, 2022, p.24 ; Massooda Bano & Hillary Kalmbach (dir.), Women, Leadership, and Mosques: Changes in Contemporary Islamic Authority, Leiden, Brill, 2012.
4 En 2013, l’institut Mohammed VI, qui est supervisé par le ministère marocain des affaires religieuses, a par exemple commencé à former des imams de sexe féminin, les morchidates (« conseillères spirituelles »). Légalisées depuis 2006, celles-ci sont l’équivalent de leurs homologues masculins, les « morchidines ». Mais elles ne sont pas autorisées à diriger la prière des hommes.
5 Jean Boyd & Beverley Mack, Collected Works of Nana Asmau, daughter of Usman dan Fodio, East Lansing, Michigan State University Press, 1997.
6 Cheikh Anta Babou, The Muridiyya on the Move: Islam, Migration, and Place Making, Athens, Ohio University Press, 2022, p.19; Eva Evers Rosander, “Mame Diarra Bousso: La bonne mère de Porokhane, Sénégal,” Africa (Rome), 58 (3-4), 2003, pp.296-317.
7 Joseph Hill, Wrapping Authority: Women Islamic Leaders in a Sufi Movement in Dakar, Senegal, Toronto, Toronto University Press, 2018.
8 Barbara Callaway & Lucy Creevey, The Heritage of Islam: Women, Religion and Politics in West Africa, Boulder, Lynne Rienner, 1994 ; Beth Ann Buggenhagen, Muslim Families in Global Senegal, Bloomington, Indiana University Press, 2012 ; Barbara B.M. Sule & Priscilla E. Starratt, « Islamic Leadership Positions for Women in Contemporary Kano Society », dans Catherine Coles & Berverly Mack (dir.), Hausa Women in the Twentieth Century, Madison, University of Wisconsin Press, 1991, pp.29-49.
9 Leur proportion atteint jusqu’à 59% au Sénégal et 64% au Nigeria. Cf. Rohen d’Aiglepierre & Arthur Bauer, « Quantifier et qualifier le choix de l’enseignement arabo-islamique en Afrique subsaharienne », Afrique contemporaine, 257, 2016, pp.25-40.
10 Marc-Antoine Pérouse de Montclos, « Les ONG humanitaires islamiques en Afrique : une menace ou un bienfait ? » Sécurité globale, 16, 2011, pp.9-19.
11 Dans un pays musulman comme le Mali, par exemple, on ne recensait que 200 ONG islamiques parmi les 18 720 associations déclarées en 2008, peu avant la crise de 2012. Cf. Danielle Jonckers, « Associations islamiques et démocratie participative au Mali », dans Anna Bozzo et Pierre-Jean Luizard (éd.), Les sociétés civiles dans le monde musulman, Paris, La Découverte, 2011, pp.227-248.
12 Mbaye Lo & Muhammed Haron (dir.), Muslim Institutions of Higher Education in Postcolonial Africa, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2015.
13 Voir, par exemple, Stéphanie Zehnle, A Geography of Jihad: Sokoto Jihadism and the Islamic Frontier in West Africa, Berlin, De Gruyter, 2020.
14 Armando Salvatore, The Sociology of Islam: Knowledge, Power and Civility, Chichester (UK), John Wiley, 2016.
15 Les Haoussa de l’Afrique de l’Ouest, par exemple, progressaient suivant des grades qui partaient de l’enfant en maternelle (kotso en haoussa) pour aller vers l’apprenti au cours élémentaire (kolo), l’adolescent au « lycée » (tittibiti), l’étudiant (gardi), le marabout (mallam), le lettré capable de réciter l’intégralité du Coran par cœur (alaramma), l’érudit (gwani) et, enfin, le maître (gangaran). Cf. Mustapha Hashim Kurfi, “Islamic Education in Nigeria”, dans Toyin Falola & Matthew Heaton (dir.), The Oxford handbook of Nigerian history, New York, Oxford University Press, 2022, p.64.
16 Ahmad Yahya, “Tsangaya: The Traditional Islamic Education System in Hausaland”, Jurnal Pendidikan Islam, 4 (1), 2018, pp. 1-14.
17 Hamidou Ould Mohamed Baba Dia & Mohamed Salem Ould Maouloud (dir.), Education Arabo-Islamique au Sahel : rapport Mauritanie, Bamako, Plateforme d’Analyse du Suivi et d’Apprentissage au Sahel (Pasas), 2022.
18 Afe Adogame (dir.), Who is afraid of the Holy Ghost? Pentecostalism and globalization in Africa and Beyond, Trenton (NJ), Africa World Press, 2011.
19 Yusuf Maigida Abdulrahman, “Contemporary Islamic Education in Nigeria from the Rear View Mirror”, American Journal of Educational Research, 6 (4), 2018, pp.329-343.
20 Marc Antoine Pérouse de Montclos & Camille Noûs, « Unité nationale et inégalités régionales d’accès à l’éducation dans le nord du Nigeria : une source de conflits », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 21, 2022, pp.201-19.
21 Louis Blin, La Ligue Islamique mondiale : Le renouveau musulman ? Paris, Maisonneuve & Larose, 2022, pp.20-4 ; David Warren, Rivals in the Gulf. Yusuf al-Qaradawi, Abdullah Bin Bayyah, and the Qatar-UAE Contest Over the Arab Spring and the Gulf Crisis, London, Routledge, 2022.
22 Chanfi Ahmed, “Salafism and African Contributions”, The Journal of African History, 58 (2), 2015, pp.372-373.
23 Ranzi Ben Amara, The Izala Movement in Nigeria: Genesis, Fragmentation and Revival, Göttingen, Göttingen University Press, 2020.
24 Alex Thurston, « Nigeria’s Ahlussunnah: A Preaching Network from Kano to Medina and Back », dans Masooda & Keiko Sakurai (dir.), Shaping Global Islamic Discourses: The Role of Al-Azhar, Al-Medina and Al-Mustafa, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2015, pp.93-116.
25 Marc-Antoine Pérouse de Montclos, “Saudi Wahhabis and Jihadi Terrorism in Africa: Between fairy tales and conspiracy theories”, dans Usman Tar (dir.), The Routledge Handbook of Counterterrorism and Counterinsurgency in Africa, London, Routledge, 2021, pp.74-87.
26 James Piscatori, “Islamic Values and National Interest: The Foreign Policy of Saudi Arabia”, dans Adeed Dawisha (ed.), Islam in Foreign Policy, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, p.51.
27 Andrew Hammond, “Producing Salafism: From Invented Tradition to State Agitprop”, dans Madawi al-Rasheed (dir.), Salman’s Legacy: The Dilemmas of a New Era, London, Hurst, 2018, p.155.
28 Inaugurée en 1980, l’université islamique d’Islamabad a démarré ses enseignements avec des Egyptiens venus d’Al-Azhar. Sur les bases d’un simple séminaire créé en 1979 et devenu centre international d’études islamiques en 1986, l’université iranienne d’Al-Mustafa, elle, a hérité en 2008 d’une organisation pour les séminaires et les écoles outre-mer fondée en 1991. Établie à Qom, le fief du clergé chiite, elle a pris un nom arabe (« l’Élu », un des qualificatifs du prophète) afin d’attirer les musulmans sunnites du monde entier.
29 Krithika Varagur, The Call : Inside the Global Saudi Religious Project, New York,  Columbia Global Reports, 2020.
30 Michael Farquhar, Circuits of Faith: Migration, Education and the Wahhabi Mission, Stanford, Stanford University Press, 2017.
31 Marc-Antoine Pérouse de Montclos, « La politique africaine de l’Arabie Saoudite, entre conservatisme et prosélytisme », Questions Internationales 89, 2018, pp.105-111.
32 En Tunisie, la première medersa de la Zitouna daterait de 737 tandis qu’au Maroc, la construction d’Al Quaraouiyine remonterait à 859. Au Soudan, l’université islamique d’Omdurman et a été créée par le colonisateur britannique en 1913.
33 Aurélie Campana & Cédric Jourde, “Islamism and social movements in North Africa, the Sahel and Beyond: transregional and local perspectives”, Mediterranean Politics, 22 (1), 2016, pp.1-15.
Pour citer ce document :
Marc-Antoine Pérouse de Montclos, "Les transformations de l’islam en Afrique de l’ouest". Focus de l'Observatoire international du religieux [en ligne], février 2024. https://obsreligion.cnrs.fr/focus/les-transformations-de-lislam-en-afrique-de-louest/
Auteur.e.s

Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Institut de recherche pour le développement

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