Note N°07

mars 2019

L’Orthodoxie comme composante du conflit entre la Russie et l’Ukraine

Dominique Arel

Le Patriarcat de Constantinople, détenteur d’une autorité historique dans le monde orthodoxe, a annoncé le 11 octobre 2018 qu’il reprenait le contrôle du siège ukrainien de l’Église orthodoxe des mains de l’Église orthodoxe russe, première étape d’une démarche menant à l’autocéphalie de l’Église orthodoxe ukrainienne[1]« Announcement (11/10/2018) », Ecumenical Patriarchate, [URL: https://bit.ly/2yfRR2q].. L’Église orthodoxe russe a réagi vivement, annonçant dès le 15 octobre qu’elle rompait toutes relations avec le siège de Constantinople[2]La rupture est pour l’instant totale. Les prêtres de l’Église russe ne peuvent plus prendre part à une concélébration, ou même à une commission ecclésiastique, si des prêtres du … Continue reading. Un concile d’unification des Églises orthodoxes s’est tenu à Kiev le 15 décembre afin de créer une nouvelle Église, dès lors connue sous le nom d’Église orthodoxe d’Ukraine. Bartholomée, le Patriarche de Constantinople, a remis au leader de cette nouvelle Église le métropolite Epiphanie, un décret canonique d’autocéphalie [tomos], lors d’une cérémonie à Istanbul le 6 janvier 2019, jour de l’Épiphanie. L’Église d’Ukraine devient ainsi indépendante pour la première fois de son histoire, après avoir relevé de Constantinople depuis la propagation du christianisme au Xe siècle, et de Moscou depuis le XVIIe siècle[3]Le terme politique d’indépendance est employé ici à des fins de compréhension générale. Le terme religieux d’autocéphalie renvoie à une obligation envers une maison-mère. Puisque … Continue reading.

Par cette décision audacieuse, le Patriarcat œcuménique de Constantinople intervient directement dans un conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine, un conflit militaire depuis 2014, mais ancré dans un différend identitaire qui remonte à l’essor des nationalismes à la fin du XIXe siècle. Un récit historique dominant en Russie véhicule l’idée de l’Ukraine comme partie intégrante de son monde culturel, reposant sur une histoire, une langue et une religion communes. Cette représentation découle sur la revendication d’une destinée politique commune. Ce récit a historiquement eu ses adeptes en Ukraine, mais en compétition avec un récit alternatif s’appuyant sur une identité ukrainienne distincte et une souveraineté politique autonome. L’appel à une Église orthodoxe ukrainienne autocéphale, distincte de l’Église orthodoxe russe, s’inscrit dans cette vision de deux nations aux destinées dissemblables.

Un conflit identitaire repose sur la négation de la représentation que l’Autre se fait de soi-même. En termes sociologiques, des acteurs, dans le cadre ou non d’institutions étatiques, rejettent comme illégitime une représentation identitaire qui ne cadre pas avec la leur. Dans le cas présent, le récit russe considère la vision d’une identité ukrainienne distincte – en d’autres termes, celle du nationalisme ukrainien – comme un projet « artificiel » cherchant à affaiblir la Russie. En contrepartie, le récit ukrainien considère les Ukrainiens réceptifs au récit russe comme agissant à l’encontre de leurs propres intérêts. Inéluctablement, le conflit acquiert une dimension géopolitique, puisque la notion d’identité artificielle repose sur la croyance qu’elle est le produit d’influences extérieures. Le nationalisme ukrainien a ainsi été présenté tour à tour comme une création polonaise, autrichienne, et américaine. Dans le conflit religieux, Constantinople joue ce rôle d’agent externe. Cette représentation implique que les acteurs faisant la promotion d’une identité distincte n’ont pas la capacité d’agir de façon autonome, et sont manipulés par des forces externes. Dans cette optique, un conflit interne (à un pays ou à une zone d’influence) devient nécessairement externe. C’est la première dimension géopolitique du conflit russo-ukrainien.

La deuxième dimension est propre au monde orthodoxe. L’Église orthodoxe est née du schisme de 1054 dans un monde culturel grec. Avec la propagation du christianisme en Europe de l’Est, la grande majorité des fidèles s’est retrouvée dans le monde slave et Moscou s’est imposée comme un rival à Constantinople pour la primauté orthodoxe. Cette rivalité a eu comme corolaire l’absence de règles canoniques consensuelles. Dans le conflit actuel, le Patriarcat de Moscou voit le tomos comme une tentative d’affaiblir son influence dans le monde orthodoxe slave, mais remet aussi en question la légitimité de Constantinople d’intervenir dans ce qu’elle considère être sa zone d’influence religieuse. Plus largement, Moscou contredit la prétention de Constantinople d’être le primus inter pares des Églises orthodoxes. Le Patriarcat de Moscou a l’avantage démographique (le nombre de paroisses) et politique (l’appui d’une puissance mondiale). Constantinople, en revanche, a l’atout symbolique d’être le berceau de l’Église orthodoxe.

En procédant à l’analyse du conflit religieux de 2018-2019, cette note souligne notamment trois points. Le premier porte sur la relation entre Orthodoxe et État. Avec le démantèlement graduel de l’Empire ottoman et la création d’États nationaux, une tendance historique nette s’est instaurée selon laquelle un État à majorité orthodoxe « nationalisait » – bien que parfois après un long délai – son Église, c’est-à-dire obtenait une Église orthodoxe autocéphale. Ce fut le cas de la Grèce, de la Serbie, de la Roumanie, et de la Bulgarie. L’autocéphalie de l’Église d’Ukraine s’inscrit dans cette pratique historique. L’objection de Moscou est double : elle ne reconnaît ni l’autorité de Constantinople d’accorder ou non l’autocéphalie à l’Ukraine, ni le principe selon lequel l’Ukraine, en tant qu’État indépendant à majorité orthodoxe, a le droit d’obtenir une Église orthodoxe autocéphale[4]Dans les territoires autrefois soviétiques, la seule Église orthodoxe ayant obtenu son autocéphalie est celle de la Géorgie en 1990..

Le deuxième point concerne la topographie religieuse en Ukraine. L’Ukraine est divisée régionalement par la langue – selon celle que la population préfère parler – et après la chute abrupte du gouvernement de Viktor Yanoukovitch durant la révolution de Maïdan en février 2014, la Russie croyait que l’Ukraine allait se scinder en deux selon un axe Est/Ouest, les Russophones se rangeant au “Monde russe” (Russkii mir). Cela ne s’est pas produit et le conflit militaire est resté limité aux provinces avec une forte concentration de Russes ethniques (Donbas, Crimée). Le conflit religieux laisse aussi place à un discours de division interne à l’Ukraine. Il est vrai que l’Église orthodoxe russe d’Ukraine est largement dominante dans les provinces de l’Est, mais il reste que plus des deux-tiers de ses paroisses sont situées dans la partie Ouest de l’Ukraine massivement ukrainienne, ukrainophone, et en faveur de Maïdan et d’un rattachement à l’Union européenne et de l’OTAN. Il est difficile de concevoir qu’une Église orthodoxe refusant l’autocéphalie puisse garder une position dominante dans ces territoires à moyen et long terme.

Le troisième point a trait à la rivalité historique entre Moscou et Constantinople. Le contentieux porte sur l’interprétation d’un document de 1686 donnant le pouvoir à l’Église de Moscou de nommer le métropolite de Kiev. Bien qu’exprimé dans un vocabulaire ecclésiastique, Constantinople dit essentiellement que l’Église de Kiev avait été prêtée à Moscou et qu’elle a l’autorité de la reprendre, alors que Moscou considère cette cession comme éternelle. Puisque Moscou ne reconnaît pas l’autorité de Constantinople à interpréter le droit canonique orthodoxe – et vice versa – la reconnaissance de l’Église orthodoxe d’Ukraine reposera sur un jeu de coalition entre Églises orthodoxes. Il est difficile de prédire le dénouement de cette lutte intra-orthodoxe, mais il est clair qu’une Église orthodoxe d’Ukraine qui rallierait éventuellement une majorité de croyants changerait le rapport de forces dans le monde orthodoxe, l’Église d’Ukraine devenait potentiellement la deuxième Église orthodoxe la plus importante, après la Russie. Les Églises de la diaspora ukrainienne, dont les prélats ont joué un rôle crucial dans la mise en œuvre du tomos, constituent un élément important à considérer.

État, religion et légitimité politique

La religion a longtemps été et reste un facteur de légitimation politique dans le monde orthodoxe. Elle explique, en particulier, comment des régimes politiques émanant de Russie ont instrumentalisé l’Église orthodoxe. Dans la Russie impériale, l’Église était intégrée à une administration sous la gouverne d’un laïc nommé par l’État. Après la Révolution d’Octobre de 1917, le régime bolchévique, voyant l’Église comme un obstacle à son projet socialiste, l’a persécuté, dans une escalade de violence qui l’a pratiquement détruite dans les années 1930, en dépit du fait qu’une majorité de la population se disait toujours croyant[5]Les autorités soviétiques avaient inséré une question sur la foi (« Êtes-vous croyant ») dans le recensement de 1937 afin de démontrer les succès de leur campagne pour l’athéisme. Les … Continue reading. L’invasion allemande a cependant fait réaliser au pouvoir soviétique qu’il devait se reposer sur cette majorité de croyants pour sauver la mère-patrie. L’Église orthodoxe russe a pu ainsi se réorganiser et élire un patriarche, avant de subir une nouvelle vague de persécution sous Nikita Khrouchtchev, Premier secrétaire de l’Ukraine soviétique à la fin des années 1950.

Avec la fin du communisme, une toute nouvelle donne est apparue en Russie. Le communisme comme projet idéologique étant maintenant devenu marginal dans la vie politique, le régime s’est rapproché de l’Église. Ce retour de balancier – le slogan de la Russie impériale « Orthodoxie. Autocratie. Nationalité » décrit assez bien le régime actuel – s’inscrit aussi en continuité avec le récit soviétique sous Leonid Brejnev, Premier secrétaire de l’Ukraine soviétique de 1964 à 1982. Si la Révolution d’Octobre a longtemps symbolisé le régime soviétique, l’élan révolutionnaire a été supplanté à partir des années 1960 par la victoire contre l’invasion fasciste comme source de légitimation du régime[6]Nina Turmakin, « The Great Patriotic War as Myth and Memory », European Review, vol. 11, 2003, pp. 595-611.. La mémoire de la guerre est restée centrale en Russie post-communiste, mais depuis une dizaine d’années, le discours russe met aussi l’accent sur l’invasion idéologique des valeurs occidentales présentées comme étant en opposition aux valeurs nationales russes. Les questions soulevées sont similaires à celles brandies par d’autres régimes autoritaires – statut de la femme et des personnes appartenant à la communauté LGBT, avortement ou encore danger d‘une immigration incontrôlée[7]Victoria Hudson, « The Ukrainian Orthodox Church of the Moscow Patriarchate as a Potential ‘Tool’ of Russian Soft Power in the Wake of Ukraine’s 2013 Euromaidan », Europe-Asia Studies, vol. … Continue reading. Ce discours invoque la faiblesse du modèle libéral et le déclin des sociétés occidentales, et s’appuie sur la frange conservatrice de l’Église orthodoxe russe[8]Owen Matthews, « Revealed: Putin’s Covert War on Western Decadence », The Spectator, 1er octobre 2016, [URL: https://bit.ly/2rIa5G7].. Le régime russe fait ainsi la promotion d’un « Monde russe », fondée sur des valeurs communes véhiculées par la langue et la religion, et dont l’Ukraine est partie intégrante[9]Moritz Pieper, « Russkiy Mir: The Geopolitics of Russian Compatriots Abroad », Geopolitics, mai 2018.. Nationalisme russe et Église orthodoxe sont ainsi imbriqués.

L’Ukraine est le territoire principal où les visions des nationalismes russe et ukrainien s’entrechoquent. Bien que la Russie, à l’instar de l’URSS, reconnaît officiellement les Ukrainiens comme une « nationalité » distincte (au sens d’appartenance ethnique et non de citoyenneté), le discours public met l’accent sur une identité supra-territoriale, commune avec la Russie, autrefois appelée impériale ou soviétique, et maintenant rattachée à ce « Monde russe »[10]Cette vision est souvent condescendante, les Ukrainiens étant perçus comme des provinciaux, parlant un dialecte rural. À l’époque soviétique, la langue ukrainienne était présentée comme … Continue reading. En revanche, la conception d’une histoire ukrainienne distincte de l’histoire russes rejette cette représentation véhiculée par certains Ukrainiens comme le vestige d’une mentalité de colonisés, de « petits-russes » [Malorossy]. La guerre des Églises ne peut se comprendre qu’à l’intérieur de ce paradigme de projections identitaires asymétriques. Du point de vue russe, les nationalistes ukrainiens ne sont que des « séparatistes », et leurs aspirations religieuses, « schismatiques ». Selon le prisme ukrainien, les nationalistes russes sont des impérialistes, niant la capacité des Ukrainiens à s’auto-gouverner, et un État ukrainien indépendant débouche nécessairement sur une Église orthodoxe distincte de Moscou. Les vicissitudes de l’histoire ont cependant créé une topographie religieuse assez unique, puisque pas moins de quatre Églises se partagent l’héritage orthodoxe en Ukraine. Le projet d’autocéphalisation ne se limite pas à chercher à transformer une Église russe d’Ukraine en une Église ukrainienne.

Les deux points d’achoppement de l’histoire ukrainienne

Le contexte historique de l’émergence de chacune de ces quatre Églises est important. Le point de départ est la propagation de la chrétienté dans l’État de la Rus’ de Kiev au Xe siècle. Moscou n’a vu le jour que deux siècles plus tard. Le discours historique russe présente Rus’ comme un proto-État russe et Kiev comme la mère de toutes les cités russes. D’ailleurs, le monastère de la Laure des Grottes et la Cathédrale de Sainte-Sophie, sites du patrimoine mondial situés à Kiev, datent de cette époque. L’attachement spirituel et émotionnel russe envers l’Ukraine, et un héritage religieux originaire d’Ukraine, est ainsi très profond. Depuis le tournant du XXe siècle, cependant, le discours historique ukrainien présente Rus’ comme un proto-État ukrainien dont le développement fut entièrement autonome de celui de la Moscovie, devenue plus tard la Russie[11]Ce récit est l’œuvre du père de l’historiographie ukrainienne, Mykhailo Hrushrevsky. Voir « The Traditional Scheme of ‘Russian’ History and the Problem of Rational Organization of the … Continue reading. Peu importe qu’ils soient anachroniques, dans la mesure où la conscience nationale est un phénomène moderne, ces mythes d’origines ont une incidence importante dans le comportement des acteurs contemporains.

L’Église de la Rus’ de Kiev constituait originellement une « métropole » relevant du Patriarcat de Constantinople[12]Le sens politique moderne – signifiant centre colonial ou économique – est ainsi à l’inverse du sens orthodoxe, où une métropole se rapporte à une maison-mère.. À la suite des invasions mongoles, la Rus’ disparaît de la carte et ses terres sont absorbées par la Pologne. Ce territoire correspond à la partie nord-ouest de l’Ukraine d’aujourd’hui. Les provinces à l’est du fleuve Dnipro [Dniepr], qui traverse Kiev, ont par la suite été connues comme celles de la Rive Droite, en opposition à la Rive Gauche[13]L’usage français a conservé une translitération russe de la topographie ukrainienne. Cette note utilise une version ukrainienne (Dnipro plutôt que Dniepr, Donbas et Odesa avec un seul « s »), … Continue reading. Ces distinctions géographiques sont cruciales dans la suite de l’histoire. En 1458, l’Église de Russie obtient son autocéphalie. En 1596, par l’Union de Brest, la Pologne catholique, méfiante de la loyauté de ses sujets orthodoxes, place l’Église orthodoxe de la métropole de Kiev sous la juridiction de Rome, tout en conservant ses rites orientaux. Cette nouvelle Église gréco-catholique [Uniate] ne s’implantera avec le temps que dans les provinces plus à l’ouest de Galicie et Volhynie. Le plan polonais se retournera contre lui puisque l’Église uniate, trois siècles après, deviendra le symbole de la nation ukrainienne de Galicie.

Une cinquantaine d’années plus tard, les Cosaques, protecteurs des marches du sud, mènent une rébellion contre le pouvoir polonais et demandent la protection du Tsar de la Moscovie. Ce sera l’Union de Pereiaslav de 1654 qui fait basculer Kiev et sa Rive Gauche sous contrôle moscovite. Deuxième point d’achoppement dans les récits historiques modernes : la Russie voit cette Union comme une « réunification » de territoires qui lui appartenaient (puisqu’elle considère la Rus’ kiévienne comme le berceau de son État), alors que l’historiographie ukrainienne la voit comme une alliance qui a mal tourné[14]Serhii Plokhy, Ukraine and Russia: Representations of the Past, Toronto, University of Toronto Press, 2008.. En conséquence directe de cette Union, en 1686, le Patriarcat de Moscou obtient du Primat de Constantinople, le pouvoir de consacrer le métropolite de Kiev. En pratique, et pendant les siècles qui vont suivre, Kiev ne relève plus de Constantinople, mais de Moscou. Les racines du contentieux actuel entre Moscou, Constantinople et Kiev remontent à cet acte. À la suite des partages de la Pologne à la fin du XVIIIe siècle, la Russie étend son contrôle sur la Rive Droite, sauf en Galicie, rattachée à l’Autriche.

Les trois tentatives d’autocéphalie ukrainienne

Au cours du XXe siècle, des mouvements politiques se réclamant du nationalisme ukrainien proclament l’indépendance de l’Ukraine à trois reprises, chacune concordant avec la perte de contrôle de Moscou sur ces territoires, et avec la proclamation d’une Église orthodoxe ukrainienne autocéphale. En 1918, à la suite de la Révolution d’octobre et de l’effondrement de l’Empire russe, le parlement ukrainien proclame une « République populaire ukrainienne ». Les Bolchéviques remportent la Guerre civile, créent une République soviétique d’Ukraine, mais permettent l’établissement d’une Église orthodoxe autocéphale afin d’affaiblir l’autorité de l’Église orthodoxe russe, perçue comme une institution hostile. Aucun évêque ne participe toutefois au concile fondateur et elle n’est reconnue ni par le Patriarcat de Moscou, ni par Constantinople[15]Nicholas E. Denysenko, The Orthodox Church in Ukraine: A Century of Separation, DeKalb, Northern Illinois University Press, 2018, p. 36, 40..

Bien que son statut non-canonique constitue un handicap sérieux, sa création reste néanmoins un événement majeur dans l’orthodoxie ukrainienne, et ce pour deux raisons. La première est l’établissement d’une Église nationale, et non provinciale, selon le précédent établi dans les Balkans. La deuxième est la langue. L’expression publique de la langue ukrainienne était bannie sous l’Empire russe, y compris au cours des services religieux célébrés en vieux-slave, une langue non-vernaculaire (comme le latin dans les églises catholiques de l’époque). L’Église russe s’y opposait justement de crainte que l’usage de l’ukrainien ne mène à des aspirations d’autocéphalies – alors que le régime impérial craignait que son usage dans les écoles mène à des visées séparatistes. La liturgie de cette nouvelle église ukrainienne autocéphale se fait donc en ukrainien.

L’expérience de l’Église orthodoxe autocéphale ukrainienne non-canonique se termine brutalement en 1930 lorsqu’elle est liquidée dans le cadre d’une attaque systématique du pouvoir soviétique contre les institutions culturelles ukrainiennes. Une très grande partie de l’intelligentsia est arrêtée, un grand nombre périt, et la politique d’indigénisation [korenizatsiia], visant à promouvoir l’usage de l’ukrainien dans les institutions gouvernementales, est résiliée. Dans un retournement complet de la situation du début des années 1920, Staline se méfie de la loyauté des Ukrainiens, et même de sa paysannerie, accusée de saboter la collectivisation, une politique qui mènera à la Grande Famine [Holodomor], dont l’intensité meurtrière est deux à trois fois supérieure à celle qui prévaudra dans la Russie soviétique[16]Oleh Wolowyna et al., « Regional Variations of 1932–34 Famine Losses in Ukraine », Canadian Studies in Population, vol. 43, 2016, p. 175-202.. La dimension politique de la question religieuse est explicite: beaucoup d’Ukrainiens voit dans l’Église autocéphale un symbole d’affirmation nationale, et l’URSS en vient à la considérer comme un symbole de séparation de la Russie. La répression suit.

L’invasion allemande donne un deuxième souffle au désir d’autocéphalisation de l’orthodoxie ukrainienne. Les Allemands occupent la totalité du territoire actuel ukrainien, à l’exception des provinces du sud, dont Odessa, qu’ils cèdent en sous-traitance à l’armée roumaine[17]La Galicie est rattachée à la zone polonaise occupée (Generalgouvernement), alors que le reste est en zone d’occupation ukrainienne (Reichkommissariat Ukraine).. Une deuxième Église orthodoxe autocéphale ukrainienne voit le jour. Alors que la première, en 1921, avait été créée dans la Kiev soviétique, celle-ci provient d’un territoire, la Volhynie, rattaché à la Pologne dans l’entre-deux-guerres et dont les croyants orthodoxes se sont vu accorder une Église de Pologne en 1923 par Constantinople[18]Une nuance importante : il ne s’agissait pas d’une Église orthodoxe ukrainienne de Pologne, mais d’une Église orthodoxe de Pologne, dont la majorité des fidèles étaient ukrainiens.. En 1941, quelques jours après l’invasion allemande de l’Union soviétique, l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) déclare l’indépendance de l’Ukraine. Le pouvoir allemand réprime l’OUN, mais permet toutefois la création d’une Église autocéphale par des évêques ukrainiens de cette Église de Pologne. L’Église ukrainienne orthodoxe autocéphale survit dans la diaspora jusqu’au retour de son métropolite à Kiev en 1990. Elle a en principe accepté d’être intégrée par cette nouvelle Église orthodoxe d’Ukraine instaurée le 15 décembre 2018[19]Les deux églises autocéphales ont été traitées de « pétliouristes » par le régime soviétique, du nom de Simon Petlioura, leader de la république populaire d’Ukraine après la Révolution … Continue reading.

La fin du communisme bouleverse une fois de plus la carte religieuse. L’Ukraine devient indépendante le 1er décembre 1991, un État pour la première fois reconnu par les grandes puissances et par la Russie. En 1992, le gouvernement tente de créer une Église orthodoxe ukrainienne. Plusieurs évêques, emmenés par Philarète (né Mykhailo Denysenko), métropolite de Kiev depuis 1968, quittent l’Église orthodoxe russe pour créer l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev avec Philarète comme Patriarche. L’Ukraine compte ainsi quatre Églises de tradition orthodoxe, selon la confession ou le rite : l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou, l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev, l’Église orthodoxe ukrainienne autocéphale rentrée d’émigration, et l’Église gréco-catholique (Uniate), relevant de Rome, mais dont les rites sont orientaux (orthodoxes)[20]Après l’effondrement de l’Union soviétique, l’Église orthodoxe russe en Ukraine a été renommée Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou, avec un statut d’autonomie … Continue reading.

Il est important de souligner qu’aucune de ces trois Église autocéphales – celles des années 1920, 1940 et 1990 – n’a été reconnue par Moscou ou par Constantinople. Mais il est tout autant significatif de constater que la déclaration d’une Église ukrainienne autocéphale a toujours suivi la déclaration d’un État ukrainien indépendant. Cette adéquation entre nationalisme, État et autocéphalie se rattache au précédent de l’établissement d’Églises orthodoxes autocéphales dans les Balkans à la suite de la création d’États nationaux.

La vulnérabilité de l’Église orthodoxe russe en territoire ukrainien

Seuls deux évêques de l’Église orthodoxe russe d’Ukraine ont participé au Concile d’unification du 15 décembre 2018, soit beaucoup moins que prévu[21]Lors d’une résolution du parlement d’Ukraine d’avril 2018, une dizaine d’évêques de l’Église orthodoxe russe avaient semble-t-il signé une lettre favorable à la création d’une … Continue reading. Le Concile a donc été en pratique un acte d’unification des deux églises ukrainiennes non-canoniques (l’Église du Patriarcat de Kiev et l’Église autocéphale des années 1940). À moyen et long terme, cependant, il est difficile d’imaginer que l’Église russe parvienne à garder sa position dominante. Trois facteurs agissent contre elle. Le premier, et sans doute le plus inexorable, relève de la géographie et de la démographie. L’Ukraine se découpe historiquement en cinq régions principales. Alors que la Rive Gauche, la Rive Droite et l’Ouest (Galicie et Volhynie) remontent à l’ère médiévale, le Sud et l’Est n’ont commencé à se peupler qu’au XIXe siècle, à quelques exceptions près, après la défaite des Tatars et les débuts de l’industrialisation dans le Donbas[22]Les provinces de l’Ouest comprennent aussi la Transcarpatie et la Boukovine..

Avant Maïdan, les clivages ethniques et linguistiques suivaient largement cette frontière nord-sud. Le nord-ouest (les deux rives et l’Ouest) était massivement ukrainien, alors que la minorité russe était concentrée principalement dans le sud-est (et surtout en Crimée et dans le Donbas), bien que plus des deux-tiers de la population se déclaraient de nationalité ukrainienne, au sens ethnique du terme. Le clivage linguistique, cependant, suivait de plus près la ligne de partage géographique. Concernant la langue que la population préfère parler (et non celle qu’elle identifie comme langue maternelle dans le recensement), le sud-est est principalement russophone, alors que le nord-ouest est surtout ukrainophone. Cette polarisation géographique de la langue parlée a une incidence sur le politique. Lorsque le candidat pro-occidental Viktor Iouchtchenko défait le candidat pro-russe Viktor Ianoukovitch au terme de la Révolution Orange de 2004, il remporte des majorités considérables dans les provinces ukrainophones du nord-ouest, alors que les soutiens massifs de son opposant proviennent des provinces russophones du sud-est[23]Pour une analyse du facteur régional en Ukraine et de la saillance du critère linguistique, voir Dominique Arel, « La face cachée de la Révolution orange: l’Ukraine et le déni de son … Continue reading.

L’annexion de la Crimée et la guerre du Donbas change la donne. Le Président russe Vladimir Poutine avait calculé que l’orientation généralement pro-russe des Russophones allait se traduire par une loyauté envers l’État russe en situation de crise. Or, c’est le contraire qui se produit puisqu’en majorité les Russophones se déclarent favorable à l’Ukraine. L’insurrection se cantonne aux grandes villes du Donbas, foyer de la plus grande concentration de Russes ethniques de l’Ukraine si on exclut la Crimée. Ironiquement, du point de vue de l’idéologie du « Monde russe », qui confond russe et russophone, la guerre se déroule en grande partie en russe, des Russophones se battant contre l’Ukraine et des Russophones se battant pour l’Ukraine.

Cette corrélation entre critères identitaires (nationalité, langue) et régions (sud-est versus nord-ouest) pourrait laisser penser que cette querelle d’affiliation des Églises orthodoxes (Kiev versus Moscou) se déroule aussi selon une ligne de partage géographique, mais c’est loin d’être le cas. Puisqu’il n’est pas possible d’obtenir des données sur le nombre de fidèles, en raison de la grande variation dans le niveau de pratique, le meilleur indicateur du poids relatif des Églises est celui de l’existence de paroisses « actives », et donc de lieux de culte. Le ministère de la Culture d’Ukraine publie annuellement des données complètes et les dernières disponibles datent du 1er janvier 2017[24]Source: «ЗВІТ про мережу релігійних організацій в Україні станом станом на 1 січня 2017 року », Ministerstvo Kul’tury Ukraïny, 29 … Continue reading. Les chiffres globaux ont été largement diffusés dans la presse : l’Église du Patriarcat de Moscou possède les deux-tiers des paroisses orthodoxes d’Ukraine (12 079 ou 67 %), contre un quart pour celle du Patriarcat de Kiev (4 790 ou 27 %), et un bien plus petit nombre pour l’Église autocéphale (1 131 ou 6 %). Vingt-cinq ans après l’indépendance, la position de l’Église du Patriarcat de Moscou reste donc très dominante, bien qu’elle ait perdu près de 5 000 paroisses en Galicie après 1990.

La distribution régionale des paroisses de l’Église du patriarcat de Moscou est toutefois contre-intuitive. Plus des deux-tiers (69%) d’entre elles se trouvent en Rive Gauche, Rive Droite ou à l’Ouest, soit dans des territoires où la grande majorité des gens préfèrent parler ukrainien et où l’écrasante majorité se déclarent de nationalité ukrainienne. L’électorat de ces territoires a voté massivement contre les candidats du Parti des régions avant Maïdan et, en contraste avec le sud-est, se prononce massivement en faveur d’un rapprochement avec l’Union européenne et l’OTAN depuis Maïdan[25]Grigore Pop-Eleches and Graeme Robertson, « Ukraine Isn't Unified Yet. These 4 Charts Explain », Monkey Cage Blog, Washington Post, 13 novembre 2015,  [URL: http://wapo.st/2uHbtb7].. En d’autres termes, l’Église du patriarcat de Moscou est surtout implantée dans des zones qui étaient déjà très peu pro-russes dans leur orientation électorale avant Maïdan, et qui sont devenus résolument hostiles à la politique russe après la révolution.

Comment expliquer cette particularité géographique ? Elle tient d’abord au fait que le niveau de religiosité est beaucoup plus élevé en Ukraine occidentale, et dans une moindre mesure au Centre (Rive Droite, Rive Gauche), que dans les régions du Sud-Est. Plus de 90 % des gens à l’Ouest se déclarent croyants, contre 70 % au Centre et autour de 60 % dans le Sud-Est[26]« Особливості релігійного і церковно-релігійного самовизначення українських громадян: тенденції 2010-2018 рр. » … Continue reading. L’intensité des convictions religieuses se traduit par un tissu d’églises beaucoup plus dense à l’Ouest. Près de 40 % des paroisses de confession ou de rite orthodoxe sont à l’Ouest, soit le double de la proportion démographique de ces populations en Ukraine. Le nombre des paroisses est aussi deux fois plus élevé au Centre que dans le Sud-Est. Le caractère plus rural des régions du Centre est certainement un facteur, mais l’impact de la Seconde guerre mondiale est aussi à considérer. L’occupation allemande a eu lieu surtout en Ukraine (et en Biélorussie), alors qu’en Russie seules les régions frontalières situées à l’ouest de Moscou étaient touchées. L’occupation a donné lieu à un renouveau spirituel et à la réouverture d’églises en Ukraine centrale, alors que dans les territoires annexés de l’Ouest, la densité d’institutions religieuses très élevée. Lors de la dernière attaque soviétique contre l’Église orthodoxe, N. Khrouchtchev a peut-être préféré ne pas s’en prendre aux églises de ces régions à l’Ouest de Kiev, donnant paradoxalement aux régions « nationalistes » ukrainiennes un rôle disproportionné dans les structures de l’Église orthodoxe russe.

La Galicie avait été annexée par l’Union soviétique en 1939, à la suite des clauses secrètes du pacte Molotov-Ribbentrop, puis rattachée à la zone polonaise d’occupation allemande pendant la guerre, avant d’être reprise par l”URSS en 1944. L’Église gréco-catholique, associée par le pouvoir soviétique à l’insurrection nationale ukrainienne qui prévaut en Ukraine de l’Ouest, est liquidée en 1946 et l’Église orthodoxe russe saisit l’ensemble de son réseau de paroisses et d’institutions. Les prêtres réfractaires sont persécutés, certains forment une église souterraine, mais l’Église survit dans la diaspora, principalement nord-américaine. La densité d’églises orthodoxes de Galicie, ou d’Ukraine occidentale plus largement, est tellement élevée qu’après 1946 le quart des paroisses de l’Église orthodoxe russe se trouve en Ukraine de l’Ouest. La décision de Mikhaïl Gorbatchev, vers la fin des années 1980, de permettre à l’Église gréco-orthodoxe de se réorganiser, enclenche très rapidement la disparition presque totale de l’Église orthodoxe russe en Galicie[27]En 2018, 198 paroisses des trois provinces de Galicie relevaient du Patriarcat, ou seulement 4 pour cent de l’ensemble des paroisses de confession ou de rite orthodoxe: « ЗВІТ про … Continue reading.

Mais comment alors expliquer le fait que cette Église du patriarcat de Moscou soit parvenue, en dehors de la Galicie, à conserver une position prédominante dans les 27 années ayant suivi la Déclaration d’indépendance de décembre 1991 ? Un argument est que les fidèles font peu de distinction entre les Églises[28]Nicolai N. Petro, « In Ukraine, is Constantinople Rushing in ‘Where Angels Fear to Tread’? », Public Orthodoxy, 25 octobre 2018, [URL: https://bit.ly/2znQgr7].. L’hypothèse qui nous apparaît la plus crédible, cependant, est celle du statut canonique des Églises. L’Église du patriarcat de Kiev n’étant reconnue par aucune autorité ecclésiastique, beaucoup de fidèles sont peut-être hésitants à se joindre à une Église « illégale ». L’aval de Constantinople pourrait donc changer la donne.

Les sondages indiquent déjà que les croyants orthodoxes ont basculé du côté de l’Église du Patriarcat de Kiev. En 2013, avant Maïdan, la proportion de fidèles se disant appartenir aux Églises des patriarcats de Kiev et de Moscou était identique. En 2018, avant le tomos, elle favorisait l’Église du patriarcat de Kiev dans un ratio de 2 pour 1 (41,8% contre 19,0%)[29]« Особливості релігійного ».  Une proportion légèrement inférieure (35% contre 19%) se dit favorable à la création d’une Église ukrainienne autocéphale (41% contre … Continue reading.  Une proportion à l’inverse de la situation qui prévaut sur le terrain où, comme nous l’avons vu, le patriarcat de Moscou domine, en termes de nombre de paroisses, dans une proportion de 2 pour 1 ou plus. Cette dissonance s’inscrit dans un long processus de « nationalisation » depuis l’indépendance, mais elle a connu un choc majeur suite à l’intervention militaire russe dans le Donbas. Le conflit identitaire russo-ukrainien a pour la première fois pris une dimension de sécurité nationale.

Pendant les trois mois du mouvement Euromaïdan, des représentants des trois églises « ukrainiennes » (gréco-catholique, autocéphale et du patriarcat de Kiev) se sont affichés ouvertement avec les protestataires, des prélats apparaissant régulièrement sur la grande scène. Dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2013, le monastère Saint-Michel, situé dans le patriarcat de Kiev, a ouvert ses portes pour recueillir les nombreux blessés d’une agression policière. Deux semaines plus tard, ce même monastère a sonné le carillon au milieu de la nuit, apparemment pour la première fois depuis les invasions mongoles, afin d’alerter la population d’une autre attaque imminente de la police. L’Église du patriarcat de Moscou, quant à elle, était essentiellement absente. Depuis la guerre du Donbas, les églises ukrainiennes prient pour les soldats de l’État ukrainien et relaient le récit d’une guerre d’agression, alors que le Patriarche de l’Église du Patriarcat de Moscou, Onuphre, parle d’une guerre civile[30]« Митрополит Онуфрий: Необходимо прекратить войну и перестать убивать друг друга », Ukraina.ru, 14 juillet 2015, [URL: … Continue reading.

Il est vrai que dans les premiers mois de l’insurrection du Donbas, la Russie n’était que très peu impliquée militairement. En effet, il est pertinent, bien que controversé, d’affirmer que le conflit était à sa source une guerre civile, soit un conflit entre Ukrainiens au sens territorial du terme, en dépit du fait qu’une des parties agitait la bannière russe. Les choses ne changent qu’à l’été 2014, lorsque la Russie se décide à intervenir militairement pour empêcher l’Ukraine de reconquérir le territoire perdu. De civile, la guerre du Donbas s’est ainsi transformée en guerre conventionnelle entre États. Dans le discours public, cependant, le concept de guerre civile est utilisé par la Russie pour nier son implication militaire, ce qui n’apparaît pas crédible. L’Église du patriarcat de Moscou se retrouve dans une situation inconfortable, puisqu’une centaine de ses églises sont situées dans les zones contestées, et qu’elle se défend d’être neutre. Dans le contexte polarisant de la guerre, la neutralité est très difficile à maintenir politiquement, même sur une base strictement humanitaire. En évoquant une guerre civile, le métropolite Onuphre s’associe ainsi publiquement à la position de la Russie[31]Lors d’une cérémonie au Parlement commémorant la victoire de la Deuxième Guerre mondiale, les prélats représentant l’Église du Patriarcat de Moscou ont refusé de se lever à la mémoire … Continue reading. Mais comme la grande majorité de ses fidèles vit dans des régions hostiles au récit russe de la guerre, la position de l’Église du patriarcat de Moscou pourrait évoluer vers une réaffilition de ses paroisses envers la nouvelle Église orthodoxe autocéphale d’Ukraine. Une loi prévoyant le transfert de juridiction à la suite du vote des deux-tiers de fidèles inscrits à une paroisse [hromada] a été adoptée en janvier 2019[32]Oleksiy Sorokin, « As Church of Ukraine sets off, parliament allows parishes to switch allegiance by majority vote », Kyiv Post, 17 janvier 2019, [URL : https://bit.ly/2VBS89f].La législation … Continue reading.

Le contentieux Moscou-Constantinople

La querelle doctrinale entre l’Église orthodoxe russe et le Patriarcat œcuménique de Constantinople porte sur l’interprétation de l’acte de 1686 permettant à Moscou de choisir le métropolite de Kiev. La position de l’Église russe est que la métropole de Kiev est sous juridiction canonique de Moscou. La position de Constantinople sur cette question s’est exprimée pour la première fois en 1923 lors de la création de l’Église orthodoxe de Pologne. Le Patriarcat de Moscou considérait déjà cette décision comme une intrusion dans son territoire canonique – la Volhynie, foyer de la majorité des fidèles orthodoxes, avait appartenu à l’Empire russe avant la guerre. Cependant, dans son tomos accordant l’autocéphalie à l’Église de Pologne, Constantinople déclare que l’incorporation de la métropole de Kiev dans l’Église de Moscou n’avait pas été fait selon les règles canoniques.

Près d’un siècle plus tard, dans un long texte de facture académique rendu public en septembre 2018, Constantinople explique de quelle façon Moscou n’a pas suivi les règles. Trois éléments sont avancés. D’abord, Moscou avait reçu la permission, et non le droit, d’ordonner le métropolite de Kiev. Ensuite, Moscou se devait de commémorer à chaque liturgie le patriarche œcuménique « parmi les premiers », une formulation symbolisant sa suprématie religieuse, ce qu’elle n’a jamais fait. Enfin, cet arrangement n’était pas permanent, mais « jusqu’à ce que vienne le jour du jugement divin » et le Patriarche estime qu’il est habilité à exercer ce jugement d’inspiration divine[33]« The Ecumenical Throne and the Church of Ukraine. The Documents Speak », Patriarcat œcuménique, septembre 2018, [URL: https://bit.ly/2C6g0uE]. Le site du Patriarcat a une version française, … Continue reading. En d’autres termes, Kiev n’avait pas été cédé, mais accordé en fiducie [epitropikos], à l’Église de Moscou, et Constantinople estime reprendre les rênes de ce qui n’a jamais cessé lui appartenir[34]Une fiducie signifie que les biens placés sous la responsabilité du fiduciaire, celui qui les reçoit, restent la propriété de celui qui accorde la fiducie.. Le Patriarcat de Moscou a exprimé son vigoureux désaccord, mais n’a pas répondu à ces arguments théologiques[35]Un prélat a commenté que le mot « temporaire » n’apparaissait pas sur le document original, ce qui est techniquement exact: « Fanar falsifitsiruiet istoriiu », Russkaia narodnaia liniia, 28 … Continue reading.

Le refus du Patriarcat de Moscou d’accepter la volte-face de Constantinople sur l’acte de 1686 met en lumière l’absence d’une hiérarchie claire et de règles canoniques consensuelles dans l’Église orthodoxe, en contraste avec la structure très centralisée de l’Église catholique. Constantinople jouit du prestige de l’Église originelle, alors que Moscou peut se prévaloir du poids démographique de son côté. L’Église orthodoxe russe, avec ses antennes en Ukraine, en Biélorussie, au Kazakhstan et en Moldavie, ainsi que dans de plus petits territoires, dispose probablement d’autant de paroisses que toutes les autres églises orthodoxes réunies, les deux-tiers d’entre elles étant concentrées dans le monde slave. La validité des anathèmes et décrets de droit canonique issus de Constantinople ou de Moscou repose en réalité sur le jugement de l’ensemble des Églises orthodoxes reconnues. A ce sujet, les alliances ecclésiastiques suivent un peu l’orientation diplomatique des États. Les Églises de Bulgarie et de Serbie, par exemple, tendent à être proche de Moscou, alors que l’Église de Roumanie, deuxième en nombre de croyants, penche vers Constantinople.

Dans l’absence d’un consensus doctrinal, les commentateurs russes craignent un grand schisme, comparable à celui qui a scindé la chrétienté entre Rome et Byzance au 8e  siècle. Le précédent de l’autocéphalisation de l’Ukraine pourrait aussi mener à une fragmentation du monde orthodoxe, le rendant ainsi plus faible face au catholicisme[36]Daniil Parenkov,  « The Politics of Canons and Borders », Russian International Affairs Council, 29 octobre 2018, [URL: https://bit.ly/2OoFczo].. Cela étant dit, le monde orthodoxe est déjà très divisé. Lors du Concile panorthodoxe de 2016, convoqué par Constantinople en Crète, la Russie a refusé de participer, et les Églises de Bulgarie et Géorgie ont suivi le pas. La tentative de tenir un premier Conseil œcuménique depuis le VIIIe siècle pour clarifier le droit canonique a ainsi échoué, deux ans avant la décision d’octroyer un tomos à l’Église ukrainienne. Bien qu’il ne nous est pas possible de documenter les raisons qui ont poussé Constantinople à prendre cette décision historique, la rebuffade de Moscou en 2016 a probablement été un élément déclencheur.

Un facteur important semble avoir été l’émergence d’une nouvelle génération de prêtres ukrainiens orientés vers le monde ecclésiastique grec plutôt que russe. L’élection d’Epiphanie, un prélat de 39 ans, à la tête de la nouvelle Église ukrainienne autocéphale est à ce titre intéressante, puisqu’il a étudié en Grèce, parle le grec couramment et sera ainsi mieux placé pour comprendre les méandres de la diplomatie de Constantinople. La filière grecque se remarque aussi dans le rôle central joué par deux dignitaires de la diaspora ukrainienne en Amérique du Nord : l’archevêque Daniel aux États-Unis, et l’évêque Hilarion au Canada. Daniel et Hilarion ont été nommés exarches, représentants du Patriache Bartholomée en Ukraine, en septembre 2018 pour piloter le dossier de l’unification de l’Église ukrainienne. Ils sont tous deux originaires de Galicie et ont étudié en Grèce ou dans un séminaire grec nord-américain. Le fait que deux Galiciens se sont vu confier cette mission par Constantinople a, sans nul doute, une portée très symbolique auprès de l’Église du Patriarcat de Moscou. La Galicie, après tout, est cette région où l’Église orthodoxe russe avait saisi toutes les propriétés ecclésiastiques après la liquidation de l’Église gréco-catholique en 1946, pour ensuite toutes les perdre, ou presque, à la fin de l’URSS.

En intervenant dans le conflit russo-ukrainienne, Constantinople ne s’en est pas tenu à un langage théologique. En septembre 2018, dans une allocation lors d’une assemblée [synaxe] du Patriarcat œcuménique, Bartholomée déclare que l’Église de Russie est « responsable de la douloureuse situation actuelle en Ukraine et est incapable de résoudre le problème », une référence directe à l’état de guerre (bien que non-déclaré) prévalant entre la Russie et l’Ukraine[37]« Archbishop Daniel Participates in Synaxis of Hierarchs of The Ecumenical Patriarchate of Constantinople», Ukrainian Orthodox Church of the USA, septembre 2018, [URL: https://bit.ly/2GdLSS8].. Le 12 octobre 2018, au lendemain de l’annonce de Constantinople sur sa reprise en main de l’Église de Kiev, V. Poutine, convoque son Conseil de sécurité nationale pour discuter de la crise religieuse. La guerre des Églises est une affaire d’État.

Au final, la Russie bute sur la question ukrainienne, parce qu’elle refuse de considérer les Ukrainiens comme une nation vraiment distincte, mais plutôt une nationalité inséparablement liée à la nation russe. C’est ce qui a poussé V. Poutine à déclarer, au sommet de l’OTAN en 2008 où l’adhésion de l’Ukraine était à l’ordre du jour, que « l’Ukraine n’est pas vraiment un État[38]« Так что же сказал Владимир Путин в Бухаресте », Zerkalo nedeli, 18 avril 2017, [URL: https://bit.ly/2Cng9Kq]. ». Dans quelle mesure la douzaine d’Églises autocéphales du monde orthodoxe accepteront l’argument que seul Moscou peut accorder l’autocéphalie à l’Ukraine et n’a aucune intention de le faire ? Plusieurs options semblent envisageables. La position de Constantinople pourrait rester minoritaire, ou elle pourrait rallier un nombre important d’Églises, voire la majorité. Ce jeu de coalition pourrait s’effectuer sur une longue période, parce que le monde ecclésiastique évolue à un rythme différent que celui du politique. Reste cependant que derrière une dispute canonique (Kiev relève-t-il historiquement de Moscou ou de Constantinople ?) se profile un principe politique assez enraciné dans le monde orthodoxe, c’est-à-dire que l’indépendance politique mène éventuellement à l’indépendance ecclésiastique. Cette tradition n’avait pas atteint la Russie, parce qu’elle était au cœur d’un État multi-national jusqu’en 1991.

La tendance qui se dessine est celle d’une Église orthodoxe ukrainienne autocéphale dominante au Centre et à l’Ouest (sauf en Galicie), et se partageant le terrain avec l’Église orthodoxe russe dans le sud-est – hormis dans le Donbas, dont le statut reste, bien entendu, très incertain, et en Crimée, qui est de facto perdue. La progression de l’Église ukrainienne sera-t-elle accélérée par la guerre, ou prendra-t-elle une dizaine d’années, sinon une génération à se consolider, nul ne le sait. Mais elle apparaît inéluctable. Des travaux récents suggèrent que la minorité ethnique russe est en voie de disparition en Ukraine, car de plus en plus de Russes s’identifient maintenant comme Ukrainiens[39]Pour une analyse de cette littérature, voir Dominique Arel, « How Ukraine Has Become More Ukrainian », Post-Soviet Affairs, vol. 34, 2018, p. 186-189.. Un phénomène semblable pourrait bien toucher l’Église, comme les sondages semblent l’indiquer: les fidèles vont continuer d’aller à l’église, utiliser les mêmes rites, et en principe prier pour le patriarche de Constantinople, plutôt que celui de Moscou. Dans une perspective historique orthodoxe, tout ceci semble bien normal. Mais comme le conflit oppose ce qui pourrait potentiellement être les deux grandes Églises du monde orthodoxe, celle de Russie et d’une Ukraine unie, et de surcroît en situation de guerre, les précédents historiques deviennent ici une question de sécurité nationale.

Notes

Notes
1 « Announcement (11/10/2018) », Ecumenical Patriarchate, [URL: https://bit.ly/2yfRR2q].
2 La rupture est pour l’instant totale. Les prêtres de l’Église russe ne peuvent plus prendre part à une concélébration, ou même à une commission ecclésiastique, si des prêtres du Patriarcat de Constantinople y participent.
3 Le terme politique d’indépendance est employé ici à des fins de compréhension générale. Le terme religieux d’autocéphalie renvoie à une obligation envers une maison-mère. Puisque Constantinople prétend reprendre ce qu’elle avait cédé au moment où le siège de Kiev était dirigé par un métropolite, un statut ecclésiastique inférieur à celui de patriarche, Epiphanie a été consacré métropolite, relevant du patriarcat de Constantinople, mains néanmoins à la tête d’une Église autocéphale. Les églises de Grèce et de Chypre ont aussi des métropolites. La connotation du nouveau nom de cette Église est devenue plus clairement territoriale (d’Ukraine, plutôt qu’ukrainienne). Le nom officiel du siège de Constantinople est le Patriarcat œcuménique de Constantinople, ou simplement Patriarcat œcuménique.
4 Dans les territoires autrefois soviétiques, la seule Église orthodoxe ayant obtenu son autocéphalie est celle de la Géorgie en 1990.
5 Les autorités soviétiques avaient inséré une question sur la foi (« Êtes-vous croyant ») dans le recensement de 1937 afin de démontrer les succès de leur campagne pour l’athéisme. Les résultats furent désastreux. Voir Nicolas Werth, L’ivrogne et la marchande de fleurs : Autopsie d’un meurtre de masse 1937-1938, Paris, Tallandier, 2009, pp. 70-71. Puisque le recensement indiquait aussi une baisse de la population, en raison de la famine ukrainienne, ses données restèrent secrètes.
6 Nina Turmakin, « The Great Patriotic War as Myth and Memory », European Review, vol. 11, 2003, pp. 595-611.
7 Victoria Hudson, « The Ukrainian Orthodox Church of the Moscow Patriarchate as a Potential ‘Tool’ of Russian Soft Power in the Wake of Ukraine’s 2013 Euromaidan », Europe-Asia Studies, vol. 70, 2018, pp. 1355-1380.
8 Owen Matthews, « Revealed: Putin’s Covert War on Western Decadence », The Spectator, 1er octobre 2016, [URL: https://bit.ly/2rIa5G7].
9 Moritz Pieper, « Russkiy Mir: The Geopolitics of Russian Compatriots Abroad », Geopolitics, mai 2018.
10 Cette vision est souvent condescendante, les Ukrainiens étant perçus comme des provinciaux, parlant un dialecte rural. À l’époque soviétique, la langue ukrainienne était présentée comme étant « sans perspective » (bezperspektivna).
11 Ce récit est l’œuvre du père de l’historiographie ukrainienne, Mykhailo Hrushrevsky. Voir « The Traditional Scheme of ‘Russian’ History and the Problem of Rational Organization of the History of the Eastern Slavs », in From Kievan Rus' to Modern Ukraine: Formation of the Ukrainian Nation, Ukrainian Studies Fund, Harvard University, 1984.
12 Le sens politique moderne – signifiant centre colonial ou économique – est ainsi à l’inverse du sens orthodoxe, où une métropole se rapporte à une maison-mère.
13 L’usage français a conservé une translitération russe de la topographie ukrainienne. Cette note utilise une version ukrainienne (Dnipro plutôt que Dniepr, Donbas et Odesa avec un seul « s »), à l’exception de Kiev (la prononciation de Kyiv n’étant pas évidente).
14 Serhii Plokhy, Ukraine and Russia: Representations of the Past, Toronto, University of Toronto Press, 2008.
15 Nicholas E. Denysenko, The Orthodox Church in Ukraine: A Century of Separation, DeKalb, Northern Illinois University Press, 2018, p. 36, 40.
16 Oleh Wolowyna et al., « Regional Variations of 1932–34 Famine Losses in Ukraine », Canadian Studies in Population, vol. 43, 2016, p. 175-202.
17 La Galicie est rattachée à la zone polonaise occupée (Generalgouvernement), alors que le reste est en zone d’occupation ukrainienne (Reichkommissariat Ukraine).
18 Une nuance importante : il ne s’agissait pas d’une Église orthodoxe ukrainienne de Pologne, mais d’une Église orthodoxe de Pologne, dont la majorité des fidèles étaient ukrainiens.
19 Les deux églises autocéphales ont été traitées de « pétliouristes » par le régime soviétique, du nom de Simon Petlioura, leader de la république populaire d’Ukraine après la Révolution et ainsi considéré comme « séparatiste » par Moscou. Il a par la suite été assassiné à Paris par un Juif d’Ukraine dont la famille avait péri dans les terribles pogroms de la guerre civile. Le monde étant petit, le métropolite de l’église autocéphale de la Deuxième Guerre mondiale, Mstyslav (né Stepan Skrypnyk), était en fait le neveu de Petlioura. Il restera métropolite jusqu’à sa mort en 1993.
20 Après l’effondrement de l’Union soviétique, l’Église orthodoxe russe en Ukraine a été renommée Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou, avec un statut d’autonomie administrative.
21 Lors d’une résolution du parlement d’Ukraine d’avril 2018, une dizaine d’évêques de l’Église orthodoxe russe avaient semble-t-il signé une lettre favorable à la création d’une Église orthodoxe unie et autocéphale.
22 Les provinces de l’Ouest comprennent aussi la Transcarpatie et la Boukovine.
23 Pour une analyse du facteur régional en Ukraine et de la saillance du critère linguistique, voir Dominique Arel, « La face cachée de la Révolution orange: l’Ukraine et le déni de son problème régional », Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 37, 2006, p. 11-48.
24 Source: «ЗВІТ про мережу релігійних організацій в Україні станом станом на 1 січня 2017 року », Ministerstvo Kul’tury Ukraïny, 29 mars 2017, [URL: https://bit.ly/2S5zvsY].
25 Grigore Pop-Eleches and Graeme Robertson, « Ukraine Isn't Unified Yet. These 4 Charts Explain », Monkey Cage Blog, Washington Post, 13 novembre 2015,  [URL: http://wapo.st/2uHbtb7].
26 « Особливості релігійного і церковно-релігійного самовизначення українських громадян: тенденції 2010-2018 рр. » Razumkov Centre, 2018, [URL: https://bit.ly/2PpNThF].
27 En 2018, 198 paroisses des trois provinces de Galicie relevaient du Patriarcat, ou seulement 4 pour cent de l’ensemble des paroisses de confession ou de rite orthodoxe: « ЗВІТ про мережу релігійних організацій в Україні станом станом на 1 січня 2017 року », Ministerstvo Kul’tury Ukraïny, 29 mars 2017, [URL: https://bit.ly/2S5zvsY]. Ces églises sont probablement fréquentées par la minorité russe. La ré-affiliation des églises de Galicie apporte cependant une surprise. Le tiers des églises décident de rester orthodoxe, plutôt que catholique de rite orthodoxe, et l’Église ukrainienne autocéphale, de retour d’émigration, devient essentiellement un phénomène galicien.
28 Nicolai N. Petro, « In Ukraine, is Constantinople Rushing in ‘Where Angels Fear to Tread’? », Public Orthodoxy, 25 octobre 2018, [URL: https://bit.ly/2znQgr7].
29 « Особливості релігійного ».  Une proportion légèrement inférieure (35% contre 19%) se dit favorable à la création d’une Église ukrainienne autocéphale (41% contre 15% au Centre, 61% contre 12% à l’Ouest):  « Ставлення громадян України до створення помісної автокефальної[ православної церкви », Razumkov Centre, 6 septembre 2018, [URL: https://bit.ly/2PPS5mL].
30 « Митрополит Онуфрий: Необходимо прекратить войну и перестать убивать друг друга », Ukraina.ru, 14 juillet 2015, [URL: https://bit.ly/2EhGriE].
31 Lors d’une cérémonie au Parlement commémorant la victoire de la Deuxième Guerre mondiale, les prélats représentant l’Église du Patriarcat de Moscou ont refusé de se lever à la mémoire de soldats ukrainiens ayant péri au front, un geste largement interprété comme un affront à une Ukraine en guerre. Voir George Soroka, « A House Divided. Orthodoxy in post-Maidan Ukraine », New Eastern Europe, 26 avril 2018, [URL: https://bit.ly/2QpSHEN].
32 Oleksiy Sorokin, « As Church of Ukraine sets off, parliament allows parishes to switch allegiance by majority vote », Kyiv Post, 17 janvier 2019, [URL : https://bit.ly/2VBS89f].La législation ukrainienne indique que les propriétés ecclésiastiques appartiennent à l’État dont l’usage est accordé à des communautés religieuses appartenant à des organisations religieuses reconnues.
33 « The Ecumenical Throne and the Church of Ukraine. The Documents Speak », Patriarcat œcuménique, septembre 2018, [URL: https://bit.ly/2C6g0uE]. Le site du Patriarcat a une version française, mais le document n’est disponible qu’en anglais et en grec.
34 Une fiducie signifie que les biens placés sous la responsabilité du fiduciaire, celui qui les reçoit, restent la propriété de celui qui accorde la fiducie.
35 Un prélat a commenté que le mot « temporaire » n’apparaissait pas sur le document original, ce qui est techniquement exact: « Fanar falsifitsiruiet istoriiu », Russkaia narodnaia liniia, 28 septembre 2018, [URL: https://bit.ly/2CnR6Ha].
36 Daniil Parenkov,  « The Politics of Canons and Borders », Russian International Affairs Council, 29 octobre 2018, [URL: https://bit.ly/2OoFczo].
37 « Archbishop Daniel Participates in Synaxis of Hierarchs of The Ecumenical Patriarchate of Constantinople», Ukrainian Orthodox Church of the USA, septembre 2018, [URL: https://bit.ly/2GdLSS8].
38 « Так что же сказал Владимир Путин в Бухаресте », Zerkalo nedeli, 18 avril 2017, [URL: https://bit.ly/2Cng9Kq].
39 Pour une analyse de cette littérature, voir Dominique Arel, « How Ukraine Has Become More Ukrainian », Post-Soviet Affairs, vol. 34, 2018, p. 186-189.
Pour citer ce document :
Dominique Arel, "L’Orthodoxie comme composante du conflit entre la Russie et l’Ukraine". Notes de l'Observatoire international du religieux N°07 [en ligne], mars 2019. https://obsreligion.cnrs.fr/note/lorthodoxie-comme-composante-du-conflit-entre-la-russie-et-lukraine/
Auteur.e.s

Dominique Arel, Titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes, École d’études politiques, Université d’Ottawa

L’auteur remercie Frank E. Sysyn, de l’université d’Alberta, et Serhii Plokhy, de l’université Harvard, co-auteurs de l’ouvrage Religion and Nation in Modern Ukraine (CIUS, Edmonton, 2003), pour des consultations préalables à l’écriture de cette note.

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