Bulletin N°07

avril 2017

Bouddhisme et violence en Asie : lecture d’un ouvrage de référence

Observatoire International du Religieux

Dans le bulletin n°5 du mois de février 2017, nous attirions l’attention de nos lecteurs vers la collection d’ouvrages en anglais, spécialisés dans les rapports entre religion et politique, édités chez Palgrave.
En complément de ces références majeures, le sujet du dossier d’avril, sur les rapports entre religion et violence en Asie, nous invite à signaler une autre série de livres importants, publiés cette fois chez Routledge. Un titre se situe particulièrement au coeur de nos préoccupations :

TIKHONOV, Vladimir, BREKKE, Torkel, Buddhism and Violence. Militarism and Buddhism in Modern Asia, New York, Routledge, 2013, 264 pages.

Il s’agit là, chronologiquement, du dix-neuvième opus de la série, qui en compte désormais une cinquantaine. Les thèmes abordés dans cette collection vont de la philosophie aux relations internationales, en passant par l’histoire, l’anthropologie et l’économie .

Pour l’ouvrage qui nous intéresse ici, les deux auteurs principaux, qui ont dirigé l’effort collectif, sont affiliés dans un établissement norvégien : l’université d’Oslo (UiO).
Ils viennent en outre de publier conjointement un livre sur une comparaison des aumôneries militaires dans un contexte de pluralisme religieux (Inde, Slovénie, Israël, Japon…).
Leurs profils et compétences paraissent très complémentaires, puisque l’un est avant-tout historien spécialiste de la Corée, quand l’autre produit des ouvrages sur des sujets d’actualité et s’implique dans la vie de la cité.

En effet, Vladimir Tikhonov est né en Russie, il a obtenu son doctorat à Saint Pétersbourg puis a enseigné trois ans en Corée du Sud, avant d’occuper à UiO une chaire dans un département d’études orientale depuis l’an 2000.

Quant à Torkel Brekke, il est directeur adjoint de PRIO, un centre de recherche en science politique spécialisé sur la paix entre Etats et au sein des sociétés. Il a publié sur le fondamentalisme religieux et semble également actif au sein d’un think tank dénommé CIVITA.

Une violence contre-intuitive

Dans leur ouvrage de 2013, Tikhonov & Brekke proposent de dépasser l’appréhension ordinaire du bouddhisme, avec son image traditionnellement pacifique, pour étudier les situations concrètes où des individus et des groupes justifient ou rejettent la violence armée à partir de la doctrine religieuse.

Conçu à partir d’une colloque tenu à Oslo en 2009, l’ouvrage mobilise dix contributeurs, venus de sept pays : Etats-Unis, Norvège, Royaume-Uni, Thaïlande, Corée, Japon et Chine.
On voit là le dynamisme des travaux spécialisés sur les religions en Asie, et plus largement sur les terrains éloignés, menés chez certains de nos voisins européens.

La problématique centrale de cet ouvrage porte sur le rapport qu’entretiennent les bouddhistes avec les armes et les interventions militaires. La démarche permet d’interroger, plus largement, le rôle du religieux dans des phénomènes qui s’avèrent centraux pour notre observatoire, tels que le nationalisme, les dynamiques insurrectionnelles et la guerre. De ce fait, à l’instar des autres monothéismes, comme le christianisme ou l’islam, le bouddhisme est une source dans laquelle puisent les individus et les groupes politiques pour accroître leur légitimité ou sacraliser l’autorité de l’Etat. Elle peut aussi avoir des usages symbolique dans l’affirmation des identités nationales. Et enfin, elle est mobilisée dans le cadre des aumôneries militaires en Asie.

Le tout s’organise en trois parties :

  • nationalisme et militarisme
  • les moines et la chose militaire
  • justifications de la guerre et de la paix

Les chapitres abordent ainsi des cas diversifiés et localisés dans six pays : Sri Lanka, Laos, Chine, Corée, Japon et Thaïlande. Les études portent sur des mouvements sociaux (nationalisme, pacifisme), des temples et des ordres religieux, des pratiques d’aumôneries militaires et différents conflits armés (guerre russo-japonaise et guerre du Pacifique)

A rebours des idées reçues

Les auteurs, dont certains disent pratiquer le bouddhisme, concluent en affirmant que cette religion n’est pas différente des autres. Ils considèrent donc, in fine, qu’elle n’est pas intrinsèquement plus ou moins violente que l’islam. Plus encore, ils mettent en gardent contre toute généralisation abusive : il faut analyser des situations précises, plutôt que de chercher des principes simplificateurs.

Pour citer ce document :
Observatoire International du Religieux, "Bouddhisme et violence en Asie : lecture d’un ouvrage de référence". Bulletin de l'Observatoire international du religieux N°07 [en ligne], avril 2017. https://obsreligion.cnrs.fr/bulletin/bouddhisme-et-violence-en-asie-lecture-dun-ouvrage-de-reference/
Bulletin
Numéro : 07
avril 2017

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