Bulletin N°39

septembre 2022

Du « Monde russe » à la guerre de la Russie : les trajectoires de la diplomatie orthodoxe de Moscou en Ukraine – version française

Yulia Kurnyshova

Introduction

L'Ukraine a déclaré son indépendance de l'Union soviétique il y a environ trente ans et a connu depuis lors des périodes de révolutions, de soulèvements et de réformes. Selon nombre d’indicateurs, le processus d'accession à la souveraineté n’a pas été équitable et demeure toujours en cours. Les projections de soft power et de hard power de la Russie ont entravé le développement de l'Ukraine en tant qu'État indépendant, mais la guerre actuelle a clairement montré que l'Ukraine n'acceptera plus désormais sa soumission aux politiques russes.

L'utilisation du terme « soft power » à l'égard de la Russie doit être conditionnée par quelques précisions. En tant qu'État autoritaire et répressif doté d'une économie innovante relativement faible, la Russie peut difficilement être attrayante pour les autres États, et ne correspond donc pas à la définition que les auteurs du concept de « soft power » ont initialement donnée. Qu'est-ce qui est ainsi au cœur du « soft power » russe ? Le président Poutine a répondu à cette question dès 2013 : « Nous savons qu'il y a de plus en plus de gens dans le monde qui soutiennent notre position quant à la défense des valeurs traditionnelles qui constituent le fondement spirituel et moral de la civilisation dans chaque nation depuis des milliers d'années : les valeurs des familles traditionnelles, la véritable vie humaine, y compris la vie religieuse, non simplement l'existence matérielle mais aussi la spiritualité, les valeurs de l'humanisme et la diversité mondiale[1]Discours présidentiel devant l'Assemblée fédérale. [En ligne] http://www.kremlin.ru/events/president/news/19825. ». Dans ce propos, la référence aux valeurs religieuses et traditionnelles ressort nettement. Ce discours n'est qu'un exemple parmi une myriade d'autres qui attestent à l’évidence de la détermination de la Russie à devenir une puissance normative de premier plan dans la préservation des valeurs traditionnelles et conservatrices à l'échelle mondiale.

Comme je l'expliquerai plus loin, en agissant ainsi, la Russie cherche à retrouver son statut de grande puissance et poursuit le modèle impérial de son identité politique et civilisationnelle. L'Église orthodoxe russe est « complice de ces destructions », car ses ambitions vont jusqu'à la domination du monde orthodoxe, tandis que l'instrumentalisation de la composante spirituelle du christianisme orthodoxe sert les objectifs de l'expansion néocoloniale russe dans ce qu'on appelle « l'étranger proche ».

L'Ukraine, objet de la guerre hybride russe

Bien avant l'invasion à grande échelle déclenchée par la Russie en février 2022, la société ukrainienne a été la cible d'une guerre psychologique « préparatoire » dans plusieurs domaines : médias, religion et mémoire collective. L'objectif de ces actions était double : entretenir la fidélité d’une opinion publique loyale parmi les groupes de la société ukrainienne qui étaient favorables aux attitudes pro-russes, et créer des ruptures et des clivages parmi ceux qui adoptaient une position opposée. L’Église orthodoxe russe est devenue un élément indispensable de la guerre hybride et un moyen de promouvoir la doctrine du « monde russe », élément central de la projection du soft power russe.

La proportion de croyants parmi les citoyens adultes d'Ukraine est en moyenne de 70 %, dont la majorité s'identifie à l'orthodoxie (62 % en 2020). Dans le même temps, l'identité religieuse elle-même a beaucoup moins de poids pour les Ukrainiens que l'identité civique ou régionale. À la question « À quelle communauté sociale vous identifiez-vous en premier lieu ? », 68 % des personnes interrogées ont répondu « citoyens de l'Ukraine », 16 % - « habitants de ma ville (village) », 8 % - « habitants de ma région », et seulement 3 % - « personnes de la même confession que moi »[2]Les principales caractéristiques de l'autodétermination religieuse des citoyens de l'Ukraine : tendances 2000-2021. Source, [en ligne] https://razumkov.org.ua/uploads/article/2021_Religiya.pdf.. Bien que l’Ukraine soit une nation majoritairement croyante, il n'y a pas d’Église dominante dans la société, ce qui est dû à la division historique du territoire de l'Ukraine entre différentes entités étatiques et à la forte politisation des relations entre l'Église et l'État. Jusque récemment, trois Églises orthodoxes (sans compter les autres congrégations) fonctionnaient en Ukraine : l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev, l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou et l'Église orthodoxe autocéphale ukrainienne.

En 2019, l'union de l'Église orthodoxe du Patriarcat de Kiev et l’Église orthodoxe autocéphale ukrainienne a conduit à la création de l'Église orthodoxe d'Ukraine ; cependant, peu après, son patriarche honoraire Filaret a annoncé la restauration du Patriarcat de Kiev, qui a été soutenue par des évêques individuels et des groupes de fidèles au sein de l'Église orthodoxe du Patriarcat de Kiev. En conséquence, sous les deux Églises orthodoxes légalement reconnues – l'Église orthodoxe d’Ukraine et l’Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou, il existe de facto trois Églises, dont celle du Patriarcat de Kiev. Contrairement à la Russie, où l'Eglise orthodoxe est devenue le principal partenaire religieux de l'État et a, dans une large mesure, fusionné avec lui, un autre type de relations État-Église s'est formé en Ukraine, où la pluralité des organisations religieuses a été complétée par leur séparation formelle de l'État.

L'Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou, fidèle à la Russie, opère depuis longtemps sur le territoire de l'Ukraine. Elle disposait du plus vaste réseau de paroisses en Ukraine (environ 12 000, contre 7 000 pour l'Église orthodoxe d’Ukraine). Elle a sous sa juridiction des paroisses en Crimée, à Donetsk et à Luhansk. Au contraire, en Crimée occupée, l'Église orthodoxe du Patriarcat de Kiev a fait l'objet de persécutions massives et est progressivement poussée hors de cette péninsule. Sur les 45 paroisses de cette Église orthodoxe qui existaient en 2014, seules sept restent opérationnelles aujourd'hui. Cela permet au Kremlin d'utiliser le facteur religieux pour promouvoir les idées du « Monde russe » parmi les Ukrainiens. L’Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou, en tant que composante de l'Église orthodoxe russe, adhère à l'idéologie du métropolite moscovite qui, pendant la guerre russo-ukrainienne, s'est indirectement et parfois ouvertement rangé du côté de l'agresseur.

Pour l'Église orthodoxe russe, ses multiples paroisses en Ukraine sont un indicateur quantitatif qui fait du patriarcat de Moscou la plus grande Église orthodoxe du monde et justifie formellement les revendications de primauté parmi les autres Églises orthodoxes – non par tradition, mais « de fait ». En outre, l'influence de cette Église en Ukraine est ce qui en fait un instrument politique particulièrement précieux aux yeux du Kremlin.

Les fondements idéologiques russes de l'expansion

La trousse à outils doctrinale russe repose sur l'affirmation de la domination exclusive de la Russie dans un espace eurasien organisé autour de Moscou, sur le missionnisme historique et, finalement, sur la justification de l'agression contre l'Ukraine. Les élites dirigeantes russes soulignent que la Russie est une civilisation unique (qui se décline en deux versions – l'orthodoxie russe et l'eurasisme), dotée d'une culture distincte et de réalisations historiques telles que la victoire durant la Seconde Guerre mondiale. Le Kremlin a également souligné à plusieurs reprises son attachement aux valeurs traditionnelles russes, qui sont présentées comme un élément essentiel de l'identité civilisationnelle. Les nombreux appels au « berceau commun des peuples slaves » ont été soutenus et gratifiés par l’Église orthodoxe russe, une institution qui a de facto fusionné avec l'État et est devenue un outil politique plutôt qu'une source d'orientation spirituelle. Les valeurs traditionnelles (principalement religieuses) devenant de plus en plus un thème dominant du discours public russe, l’Église orthodoxe russe s'est vu confier le rôle de l'institution la plus importante de Russie, fournisseur de contenu et gardien de la légitimation des notions stratégiques de traditionalisme et de conservatisme.

Le revirement le plus récent du discours dominant russe s'est produit au début de l'automne 2022, lorsque l'armée ukrainienne a lancé une contre-offensive dans les régions occupées. Le Kremlin a recommandé aux médias étatiques et pro-gouvernementaux d'établir des parallèles entre la guerre en Ukraine, le baptême de l'ancienne Rus et la bataille de la Neva contre les Suédois[3]Le Kremlin a préparé un nouveau manuel sur la façon dont la propagande doit parler de la guerre. [En ligne] … Continue reading. L'invasion de l'Ukraine est justifiée par les actions de « l'Occident collectif », qui attaque la Russie depuis près de mille ans afin de la diviser et de s'emparer des ressources du pays, ainsi que de détruire la foi orthodoxe. L'un des objectifs de l' « opération spéciale » est identifié comme « la lutte contre les athées » qui sont décrits comme « des violeurs, des voleurs et des meurtriers[4]Ibid. ».

En raison de la démoralisation et de la marginalisation sociétale de la décennie difficile qui a suivi l'effondrement de l'Union soviétique (refonte politique majeure, chômage et inflation, dépréciation de l'épargne), une partie importante du peuple ukrainien a été réceptive aux valeurs conservatrices. Jusqu'en 2004, il existait en Ukraine une large base électorale qui votait pour des slogans tels que « La Russie est notre principal partenaire », « L'État est le principal fournisseur de prestations sociales » et « L'orthodoxie est la religion commune des peuples frères slaves[5]Vie religieuse et société civile. [En ligne] https://m.day.kyiv.ua/uk/article/poshta-dnya/religiyne-zhittya-ta-gromadyanske-suspilstvo. ». Sans surprise, la diplomatie religieuse russe a trouvé un large écho dans le pays.

Cette tendance sociétale a été fortement ébranlée par la révolution orange de 2004 et, dix ans plus tard, par la révolution de la Dignité[6]Les deux révolutions étaient étroitement liées au choix géopolitique de l'Ukraine et visaient l'intégration européenne, par opposition à l'orientation vers Moscou.. Une partie importante de la société ukrainienne a progressivement évolué, lentement et sans concerner l'ensemble de la population, mais dans le sens d'une prise de conscience démocratique, ce qui impliquait une distanciation vis-à-vis de la Russie et un rapprochement avec l'ordre normatif européen. Cela a rendu l'Ukraine différente de la Russie, où la nostalgie du passé soviétique et l'autoritarisme sont devenus une tendance sociétale de long terme, ce qui explique pourquoi les deux révolutions ukrainiennes ont considérablement attisé les braises pour une imposition plus intensive du soft power qui a finalement abouti à la guerre.

Après 2004, la Russie a redoublé d'efforts pour exploiter les atavismes de l'ère soviétique et jouer sur le sentiment de frustration permanente des Ukrainiens qui ne parvenaient toujours pas à se retrouver dans la nouvelle réalité de la nation ukrainienne. Moscou a mis l'accent sur le mélange de nostalgie soviétique et orthodoxie. Comme l'a dit avec justesse un observateur, « la foi est désormais concentrée dans le Leader et la Patrie » et l’anniversaire de la victoire de la Seconde Guerre mondiale, « le 9 mai, est devenu une nouvelle Pâque, avec le ruban de Saint-Georges comme substitution symbolique de la croix orthodoxe[7]Schetkina Katerina, “Political Orthodoxy”, Dzerkalo Tyzhdnya, 2015. [En ligne] https://zn.ua/ukr/internal/politichne-pravoslav-ya-_.html. ».  Le concept de « Monde russe » reflète dûment ce type d'endoctrinement visant à réaliser une unité culturelle et politique fondée sur la prolifération de la langue russe, de la religion orthodoxe et des sentiments anti-occidentaux. Pour l'Ukraine, cela signifiait l'érosion de son identité ethnique et civique particulière, et son remplacement par une version russe de l'orthodoxie panslave. L'Église orthodoxe russe a joué un rôle de premier plan dans la promotion de ces récits, en leur ajoutant un contenu sacralisé et en renforçant ses principes d'intégration, y compris les références au baptême de la Rus de Kiev comme une prétendue confirmation du destin historique commun. Lors de la IIIe Assemblée du « Monde russe » en 2009, le chef de l'Église orthodoxe russe a décrit la nécessité de préserver « l'espace civilisationnel orthodoxe commun » dans les catégories géopolitiques de lutte contre la mondialisation, illustrée par l' « Occident », et en particulier par l'Union européenne comme source d'émancipation libérale. En ce sens, dans une certaine mesure, l’Église orthodoxe russe a adopté le discours « réaliste » soviétique de confrontation entre l'Ouest et l'Est. Le concept de « zone canonique », zone de prépondérance exclusive de l'Église orthodoxe russe en tant que principale institution religieuse, apparaît comme une analogie des sphères d'influence et des zones d'intérêts vitaux. Géographiquement, elle coïncide avec le cœur du « monde russe » et comprend, outre la Russie, le Bélarus et l'Ukraine, mais ne s'y limite pas. Dans la vision du monde de l’Église orthodoxe russe, ce noyau imaginaire s’étend à partir de connexions exclusives avec des groupes dispersés de minorités ethniquement russes et russophones, et intègre les partisans et sympathisants de la culture russe dans le monde entier, en particulier sur le territoire de l'ex-URSS. Par conséquent, en revendiquant son monopole sur la soi-disant « patrie », cette Église reproduit la pensée géopolitique soviétique avec sa division entre les blocs « occidental » et « oriental ». L'idéologie du « Monde russe » est ainsi devenue une version russe de la « Doctrine Monroe ».

Pour réaliser ces plans de grande envergure, la Russie a investi beaucoup de ressources dans la construction de son soft power, projeté par les médias, les instituts d'enseignement et les centres culturels contrôlés par le Kremlin, et soutenu par l'État et les oligarques russes. Plusieurs organes de coordination ont été créés pour s'occuper de la mise en œuvre des soft powers, notamment la fondation Russkiy Mir (créée en 2007), le fonds Gorchakov et Rossotrudnichestvo – une agence gouvernementale chargée des investissements dans le soft power[8]Pour l’analyse détaillée, voir “Study of institutions of cultural diplomacy of the Russian Federation”, Ukrainian Institute, 2022. [En ligne]  … Continue reading. La Russie a également parfaitement saisi l'importance de la propagande et a investi massivement dans les médias et autres porte-paroles de la propagande, notamment Russia Today, Sputnik International, RIA Novosti, TASS, Russia Insider, Russia Beyond the Headlines. Il est important de noter que, dans ses efforts de soft power, le Kremlin s'est associé à des mouvements conservateurs mondiaux, notamment l'Église catholique romaine, différents mouvements évangélistes aux États-Unis, et des milliers d'ONG traditionalistes pro-vie, pro-famille et anti-avortement dans tout l'Occident. Par exemple, les relations entre la Russie et le Saint-Siège sont restées plutôt cordiales malgré le déclenchement des guerres en Ukraine et en Syrie, Poutine ayant rencontré le pape François à trois reprises entre 2013 et 2019 et la Déclaration commune entre l'Église orthodoxe russe et l'Église catholique ayant été signée (Déclaration de La Havane de 2016).  Parmi les forces conservatrices occidentales qui ont fait l'éloge des dirigeants russes pour leur défense des valeurs traditionnelles, citons l'Association évangélique Billy Graham, qui a qualifié la Russie de « sauveur chrétien du monde », et le Congrès mondial des familles, qui l'a désignée comme « l'espoir du monde actuel ». Là encore, l'Église orthodoxe russe s'est montrée très utile[9]Patriarch Kirill, “Human rights are a heresy, a revolution against God”, 2016, [en ligne] https://www.rosbalt.ru/moscow/2016/03/20/1499460.html.

Le début du réveil ukrainien

La diffusion du soft power russe a donné quelques résultats en Ukraine. À partir de 2004, la vie politique en Ukraine a été marquée par des tentatives de percées démocratiques suivies de périodes de recul. Le Parti des régions était la principale force politique ukrainienne qui soutenait les idées du monde russe, et son leader Viktor Ianoukovitch a reçu la bénédiction du chef de l’Église orthodoxe russe pour prendre ses fonctions de Président de l'Ukraine. Dans sa lutte contre l'opposition politique (les partisans de l'intégration européenne), Yanukovych s'est appuyé sur « l'orthodoxie politique », ce qui signifiait faciliter les activités de l’Église orthodoxe russe et de l’Église ukrainienne du Patriarcat de Moscou et promouvoir l'idée de « l'unité de la Sainte Rus », ce qui, traduit dans une langue séculaire, impliquait de favoriser les relations avec la Russie. Cependant, au cours de la Révolution de la Dignité, la société ukrainienne a fait son choix en faveur d'une association plus étroite avec l'Europe et ses valeurs libérales, faisant fuir Ianoukovitch en Russie à la recherche d'une protection personnelle.

Pour la Russie, les événements de 2013-2014 en Ukraine ont été des étapes importantes en termes de changement de paradigme idéologique et de transition ouverte vers l'expansionnisme impérial russe. Les dirigeants russes ont déclaré qu'ils étaient prêts à protéger les minorités russes, ou les « compatriotes vivant à l'étranger[10]Poutine s'était déjà engagé en 2012 à protéger le christianisme dans le monde. » qui ont été proclamés objets du paternalisme russe et de soins et de protection non sollicités, plutôt que partenaires dans le cadre des relations État – diaspora. Depuis le début de la guerre dans le Donbas en 2014, résultat direct de cette politique, l'Église orthodoxe russe a fait preuve d'une loyauté totale envers le Kremlin, comme en témoignent les nombreuses déclarations du patriarcat de Moscou. À partir de mars 2014, le patriarche Kirill, dans ses appels aux co-croyants russes et ukrainiens, a constamment reproduit et s'est solidarisé avec les interprétations manipulatrices et mythologisées de l'unité des deux peuples slaves comme la prédominance de la Russie sur l'Ukraine. Au plus fort de la guerre par procuration menée dans le Donbas en 2014, le patriarche Kirill a nommé la Russie « l'un des rares pays au monde qui construit sa politique étrangère en accord avec les valeurs morales et le droit international...[11]“Patriarch Kirill set Russia's foreign policy as an example to other states,” Interfax, 18 mars 2014. [En ligne] http://www.interfax-religion.ru/orthodoxy/?act=news&div=54255.». Il a mené une prière spéciale « pour l'unité et la paix en Ukraine », appelant à « prévenir la désunion et l'aveuglement spirituel du peuple qui vit dans le giron de l'orthodoxie depuis plus de mille ans », et contre la destruction des « valeurs éternelles constitutives de l'héritage de la Russie historique », ce qui en Ukraine a été largement perçu comme un slogan cynique.

Les déclarations officielles de l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou contenaient des appels déclaratoires et spéculatifs à la paix, mais ne condamnaient pas l'invasion de la Fédération de Russie sur le territoire de l'Ukraine, préférant qualifier la guerre dans le Donbas de « confrontation fratricide », de « conflit civil », de « discorde et d'inimitié », ou de « choc des intérêts de l'Ouest et de l'Est[12]« La prière pour l'Ukraine », [en ligne] http://www.patriarchia.ru/db/text/3679183.html ; À propos des principaux événements de la vie de l'Église orthodoxe ukrainienne en 2015, se référer … Continue reading ». Au début de la guerre, le représentant de l'Église orthodoxe ukrainienne et les structures religieuses proches de l'Église orthodoxe russe en Ukraine ont envoyé une mission humanitaire dans la zone de démarcation avec les territoires occupés, qui s'accompagnait rhétoriquement du récit propagandiste du monde russe[13]"Union of Orthodox Citizens of Ukraine", "United Motherland" (SPSU), “Union of Orthodox Brotherhoods of Ukraine” (SPBU), “Orthodox Brotherhood of St. Oleksandr Nevsky”, All-Ukrainian Public … Continue reading. Selon des témoins oculaires, les messagers de l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou ont distribué de la littérature conforme aux principaux récits politiques, idéologiques et historiques de la Russie[14]International center for defence and security, “Is Ukraine a fragile mosaic? Society, media, security and prospects”, septembre 2021. [En ligne] … Continue reading. Les unités armées illégales présentes sur le territoire de Donetsk et de Luhansk ont ouvertement déclaré leur engagement envers l'orthodoxie patronnée par Moscou. Comme l'a déclaré l'un des chefs des séparatistes armés de Donetsk à l'été 2014, « l'Église russe nous a bénis pour la guerre que nous menons. C'est une guerre pour le monde russe, pour la Novorossia, pour la liberté face au fascisme[15]“The Russian Church has blessed us for the war we are waging,", Censor, [en ligne] https://censor.net/ru/v289527.».

Le tomos, une question de sécurité

La proclamation de l'autonomie de l'Église orthodoxe ukrainienne vis-à-vis du patriarcat de Moscou (connue sous le nom de tomos) en 2019 a créé un nouvel environnement concernant les relations entre l'Église orthodoxe russe et les Églises orthodoxes en Ukraine. Bien que l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou ait conservé le contrôle de la majorité des paroisses, dans le même temps, dans l'esprit des Ukrainiens, elle a subi une importante perte de crédibilité en raison d'associations explicites avec l'intervention russe. Dans ce contexte, l'autocéphalie ukrainienne de 2019 a été, à bien des égards, une réponse indirecte à l'invasion russe. Alors que l'Église ukrainienne du Patriarcat de Kiev recevait la reconnaissance officielle du Patriarcat œcuménique, l'Église orthodoxe russe a rompu ses relations avec ce dernier. L'Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou n'a pas reconnu l'existence de l'Église orthodoxe d’Ukraine, qualifiant les effets de l'autocéphalie de « scission ». Pour l'idée impériale russe, l'émergence d'une Église orthodoxe ukrainienne unifiée et autocéphale constitue une menace géopolitique directe. La formation d'Églises séparées, comme le montre l'expérience des pays d'Europe centrale, contribue à la maturation des États-nations, ce qui est propice à la chute de l'influence russe.

L'apparition de l'Église orthodoxe d’Ukraine autocéphale a créé une situation similaire à celle du début des années 1990, lorsque des transferts massifs d'une juridiction à une autre se sont produits, ainsi que la redistribution des biens. Malgré ces changements, l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou est restée la plus grande institution religieuse d'Ukraine. Cependant, le nombre de paroissiens de cette Église est actuellement en baisse, alors que le nombre de paroissiens de l'Église orthodoxe d’Ukraine, au contraire, est en hausse : en 2021, 58% des personnes interrogées se sont identifiées à l'Église orthodoxe d’Ukraine, alors que seulement 25% se sont associées à l'Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou[16]“Religious self-identification of the population and attitude to the main churches of Ukraine”, rapport de l’institut sociologique de Kiev, juin 2021. [En ligne] … Continue reading. Une telle dynamique reflète l'attitude négative des citoyens à l'égard de la position adoptée par le représentant de l'Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou qui n'a pas condamné l'attaque russe contre la Crimée et le Donbas, n'a pas reconnu la Russie comme auteur de l'attaque et ne s'est pas distancé du Patriarcat de Moscou, créant ainsi des risques d'utilisation de son réseau pour promouvoir l'idéologie du « Monde russe ». Cela explique les multiples initiatives publiques visant à interdire l'idéologie du « Monde russe » comme instrument politique de soumission et d'intimidation de l'Ukraine. À titre indicatif, en décembre 2021, des sondages ont montré qu'environ trois quarts des Ukrainiens percevaient la Russie comme un État hostile[17]Rating Group, “Fifteenth national survey. Ukraine during the war. Employment and income”, 23-24 juin 2022. [En ligne] https://ratinggroup.ua/research/ukraine … Continue reading.

Dans le même temps, tous les Ukrainiens n'applaudissent pas le tomos. De nombreux observateurs ont noté la politisation de toute la question de l'autocéphalie, qui, selon eux, est devenue une composante de la campagne électorale du président de l'époque, Petro Porochenko. De nombreux croyants n'ont pas attaché beaucoup d'importance à ces changements et ont traditionnellement continué à fréquenter les églises qui leur étaient plus familières et plus proches, quelle que soit leur affiliation. Environ 44 % des résidents des macro-régions de l'est et du sud du pays pensaient en 2019 que l'obtention du tomos est une erreur qui divise davantage les Ukrainiens appartenant à différentes congrégations, et seulement 18 % sont d'accord pour dire que c'est une étape nécessaire et importante vers l'indépendance de l'État ukrainien[18]Anton Hrushetskyi, Natalia Ligachova, Halyna Petrenko, Information sources, media literacy and Russian propaganda: results of the all-Ukrainian public opinion survey, Kyiv, detector media, 2019. [En … Continue reading.

Au lendemain du 24 février 2022

De 2014 jusqu'au début de l'invasion russe à grande échelle, la branche ukrainienne de l'Église orthodoxe russe a réussi, tant bien que mal, à maintenir le statu quo et à manœuvrer entre son mécène moscovite et les repoussants Ukrainiens, mais après le 24 février 2022, le représentant de l’Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou s'est transformé en un potentiel collaborateur aux yeux de la majorité des Ukrainiens. Bien que son chef le Métropolite Onufry ait condamné les actions de Poutine et appelé à une désescalade des atrocités, il a souligné que la guerre actuelle est un « péché de Caïn », car les deux peuples sont « frères ». En outre, il a rejeté la responsabilité de l'attaque russe sur Petro Porochenko et sur l'Église orthodoxe d’Ukraine qui faisaient du lobbying pour le tomos et qui serait devenu l'une des justifications de l'offensive militaire russe.

La différence entre les valeurs et les idées prêchées par l'Église orthodoxe d’Ukraine et l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou est énorme. La première appelle ses croyants à être des patriotes de l'Ukraine, à exiger de la Russie qu'elle cesse son agression et à démystifier la propagande de Moscou. Pourtant, la seconde n'a jamais appelé la guerre avec la Russie pour ce qu'elle est réellement, se cachant derrière des appels généraux à mettre fin à ce qu'on appelle le « fratricide » et prêchant la « réconciliation », ce que beaucoup considèrent comme une capitulation de facto devant la Russie. La confiance dans la capacité de l'Ukraine à repousser l'offensive de la Russie varie également de manière significative entre les paroissiens des différentes Églises : le pourcentage le plus élevé se trouve chez les fidèles de l'Église orthodoxe d’Ukraine (96%), de l'Église gréco-catholique (85%), avec une confiance nettement moindre chez les paroissiens de l'Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou (68%)[19]“Socio-political matters during the full-scale invasion of the troops of the Russian federation on the territory of Ukraine - the fourth wave of research”, avril 2022. [En ligne] … Continue reading.

Il est à noter que la guerre a donné l'impulsion à de nombreux processus auparavant « dormants » au sein de la société ukrainienne. Par exemple, l'Église en général, ainsi que l'armée et les volontaires, ont traditionnellement bénéficié d'un soutien considérable de la part des Ukrainiens. Toutefois, des enquêtes sociologiques menées pendant la guerre ont montré que le niveau de confiance dans l'Église a considérablement diminué et se situe aujourd'hui à 12 %, soit beaucoup moins que la confiance dans l'armée (71 %), le Président (58 %), les organisations bénévoles (38 %), les médecins (30 %) et la police nationale (20 %)[20]Ibid..

En réaction à la guerre, les attitudes envers tout ce qui est lié à la Russie sont également devenues plus critiques. La perception de l'État russe est assez négative depuis 2014, et depuis février 2022 les chiffres ont augmenté de manière significative pour atteindre presque 100%. La transformation de l'opinion publique sur la Russie et les Russes atteste de nouveaux changements dans l'identité nationale de l'Ukraine. Depuis la reprise de la guerre, les Ukrainiens ont revu leur interprétation de l'histoire et de la culture communes, s'éloignant davantage du courant dominant russe. Parmi les changements les plus notables, citons le déclassement de la fête du 9 mai de l'époque soviétique       – aujourd'hui, seul un petit nombre d'Ukrainiens la considère comme le « jour de la Victoire », s'éloignant ainsi intentionnellement du récit historique russe. Les tentatives du gouvernement de remplacer le jour de la Victoire du 9 mai de l'ère soviétique par le 8 mai européen, entreprises depuis 2014, se heurtent généralement à une opposition massive au sein de la société, mais depuis février 2022, ce qui était considéré comme un récit imposé par le gouvernement s'est transformé en une approche presque universellement acceptée, la majorité des Ukrainiens s'éloignant volontairement de la vision soviétique/russe de la Seconde Guerre mondiale.

Des changements similaires se sont produits au niveau de l'appartenance linguistique : selon les sondages, le nombre de russophones est passé de 26% en 2021 à 15% à la fin du printemps 2022[21]Rating Group, “The tenth national survey: ideological markers of the war”, 27 avril 2022, [en ligne] … Continue reading. De nombreux Ukrainiens russophones sont passés à l'ukrainien dans leur vie quotidienne après l'invasion. Pour eux, il s'agissait d'un geste politique, d'une démonstration de l'affinité avec l'Ukraine et de la rupture des liens personnels avec la Russie. Pour beaucoup, cette tendance a dégénéré en un rejet de la culture russe, notamment de la littérature, de la musique, des films, ainsi que de la toponymie russe et soviétique[22]Max Hunder, “What's in a name? Ukraine plans to rename streets linked to Russia”, Reuters, 27 avril 2022. [En ligne] … Continue reading. La guerre a renforcé l'identité culturelle ukrainienne et européenne de la plupart des Ukrainiens, tandis que les facteurs d'appartenance orientés vers la Russie disparaissent progressivement du paysage mental des Ukrainiens.

Dans ce contexte, la part des Ukrainiens qui s'identifient à l'Église orthodoxe d’Ukraine augmente de 42 à 54 %, tandis que l'association avec l'Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou diminue de 18 à 4%[23]“Dynamics of religious self-identification of the population of ukraine: results of a telephone survey conducted on july 6-20, 2022”, institut sociologique international de Kiev, août 2022. [En … Continue reading. A cette époque, environ 600 paroisses et monastères à travers l'Ukraine avaient déjà été transférés du Patriarcat de Moscou à l'Église orthodoxe d’Ukraine. Étant donné l'ampleur de la présence territoriale de l’Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou, en perdant ses paroisses, l'Église orthodoxe de Russie perdrait son statut de plus grande Église orthodoxe du monde. Par ailleurs, en mars 2022, deux projets de loi ont été soumis au Parlement ukrainien, qui prévoient l'interdiction de l'Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou dans le pays.

Compte tenu de ces développements, le 27 mai 2022, le métropolite Onufry a convoqué un Conseil de l'Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou afin de proclamer l'autonomie par rapport au Patriarcat de la capitale russe. Mais, en pratique, les déclarations du Conseil n'étaient pas en conflit avec l'Église orthodoxe russe, à l'exception du tiède désaccord avec les déclarations militaristes du patriarche Kirill. Apparemment, du côté du représentant de l'Église orthodoxe d’Ukraine, il s'agissait d'une tentative d'éviter les sanctions que l'État ukrainien pourrait éventuellement imposer, et de calmer la société civile ukrainienne, tout en préservant les liens avec Moscou.

Conclusion

Dans cet essai, j'ai montré que les discours géopolitiques russes sont souvent entremêlés de récits religieux. Sur le plan intérieur, l’Église orthodoxe russe est un élément clé du tournant conservateur de la Russie. Du point de vue de la politique étrangère, l'accent mis par cette Église sur les affinités culturelles et religieuses avec l'Ukraine est un instrument politique utilisé pour souligner l'incompatibilité des valeurs orthodoxes "traditionnelles" avec l'agenda libéral et émancipateur de l'UE. En mêlant diplomatie religieuse et géopolitique transgressive, la Russie manipule des sentiments religieux largement répandus ainsi que la vénération de l'orthodoxie dans le but de détacher l'Ukraine de l'Occident euro-atlantique. Dans ce contexte, le soft power de l’Église orthodoxe russe peut être caractérisé à travers le prisme d'une rhétorique conservatrice qui reproche à l'Occident d'imposer des modes de vie libéraux et émancipateurs à la société ukrainienne. Dans cette veine, la protection de l'identité orthodoxe par la Russie est présentée comme une alternative à l'Occident. La diffusion systématique de récits anti-occidentaux par cette Église et le conservatisme exporté par Moscou tentent de capitaliser sur les tendances existantes du traditionalisme social parmi les groupes minoritaires fidèles à la Russie.

Pour justifier la légitimité de la guerre, la Russie a produit de nombreux mythes sur les « liens spirituels », mais ils n'ont guère eu d'implications pratiques. Le soft power russe en Ukraine a finalement échoué. La Russie est entrée dans la phase d'utilisation active du hard power, au mépris du droit international et des principes d'humanité. Par conséquent, pour le discours officiel russe, un échec dans la guerre contre l'Ukraine signifiera une « catastrophe mentale », l'effondrement des principaux « piliers spirituels » sur lesquels repose le régime politique russe contemporain.

 

Notes

Notes
1 Discours présidentiel devant l'Assemblée fédérale. [En ligne] http://www.kremlin.ru/events/president/news/19825.
2 Les principales caractéristiques de l'autodétermination religieuse des citoyens de l'Ukraine : tendances 2000-2021. Source, [en ligne] https://razumkov.org.ua/uploads/article/2021_Religiya.pdf.
3 Le Kremlin a préparé un nouveau manuel sur la façon dont la propagande doit parler de la guerre. [En ligne] https://meduza.io/feature/2022/08/01/v-kremle-podgotovili-novuyu-metodichku-o-tom-kak-propaganda-dolzhna-rasskazyvat-o-voyne-my-ee-prochitali.
4 Ibid.
5 Vie religieuse et société civile. [En ligne] https://m.day.kyiv.ua/uk/article/poshta-dnya/religiyne-zhittya-ta-gromadyanske-suspilstvo.
6 Les deux révolutions étaient étroitement liées au choix géopolitique de l'Ukraine et visaient l'intégration européenne, par opposition à l'orientation vers Moscou.
7 Schetkina Katerina, “Political Orthodoxy”, Dzerkalo Tyzhdnya, 2015. [En ligne] https://zn.ua/ukr/internal/politichne-pravoslav-ya-_.html.
8 Pour l’analyse détaillée, voir “Study of institutions of cultural diplomacy of the Russian Federation”, Ukrainian Institute, 2022. [En ligne]  https://ui.org.ua/sectors/research-sectors/study-on-russian-cultural-diplomacy-institutions-2/.
9 Patriarch Kirill, “Human rights are a heresy, a revolution against God”, 2016, [en ligne] https://www.rosbalt.ru/moscow/2016/03/20/1499460.html
10 Poutine s'était déjà engagé en 2012 à protéger le christianisme dans le monde.
11 “Patriarch Kirill set Russia's foreign policy as an example to other states,” Interfax, 18 mars 2014. [En ligne] http://www.interfax-religion.ru/orthodoxy/?act=news&div=54255.
12 « La prière pour l'Ukraine », [en ligne] http://www.patriarchia.ru/db/text/3679183.html ; À propos des principaux événements de la vie de l'Église orthodoxe ukrainienne en 2015, se référer à [en ligne] http://www.patriarchia.ru/db/text/4344884.html
13 "Union of Orthodox Citizens of Ukraine", "United Motherland" (SPSU), “Union of Orthodox Brotherhoods of Ukraine” (SPBU), “Orthodox Brotherhood of St. Oleksandr Nevsky”, All-Ukrainian Public Association, "Orthodox Choice".
14 International center for defence and security, “Is Ukraine a fragile mosaic? Society, media, security and prospects”, septembre 2021. [En ligne] https://icds.ee/wp-content/uploads/2021/09/ICDS_Report_Resilient_Ukraine_Delicate_Mosaic_Teperik_et_al_September_2021_UA.pdf.
15 “The Russian Church has blessed us for the war we are waging,", Censor, [en ligne] https://censor.net/ru/v289527.
16 “Religious self-identification of the population and attitude to the main churches of Ukraine”, rapport de l’institut sociologique de Kiev, juin 2021. [En ligne] http://kiis.com.ua/?lang=ukr&cat=reports&id=1052&page=1&t=9.
17 Rating Group, “Fifteenth national survey. Ukraine during the war. Employment and income”, 23-24 juin 2022. [En ligne] https://ratinggroup.ua/research/ukraine pyatnadcat_obschenaci_opros_ukraina_vo_vremya_voyny_zanyatost_i_dohody_23-24_iyulya_2022_goda.html.
18 Anton Hrushetskyi, Natalia Ligachova, Halyna Petrenko, Information sources, media literacy and Russian propaganda: results of the all-Ukrainian public opinion survey, Kyiv, detector media, 2019. [En ligne] https://detector.media/doc/images/ news/archive/2016/164308/DM-KMIS_Report_05_2019_web.pdf.
19 “Socio-political matters during the full-scale invasion of the troops of the Russian federation on the territory of Ukraine - the fourth wave of research”, avril 2022. [En ligne] https://gradus.app/documents/231/Gradus_Report_War_4_ua.pdf.
20 Ibid.
21 Rating Group, “The tenth national survey: ideological markers of the war”, 27 avril 2022, [en ligne] https://ratinggroup.ua/en/research/ukraine/desyatyy_obschenacionalnyy_opros_ideologicheskie_markery_voyny_27_aprelya_2022.html.
22 Max Hunder, “What's in a name? Ukraine plans to rename streets linked to Russia”, Reuters, 27 avril 2022. [En ligne] www.reuters.com/world/whats-name-ukraine-plans-rename-streets-linked-russia-2022-04-27/.
23 “Dynamics of religious self-identification of the population of ukraine: results of a telephone survey conducted on july 6-20, 2022”, institut sociologique international de Kiev, août 2022. [En ligne] https://www.kiis.com.ua/?lang=eng&cat=reports&id=1129&page=1.
Pour citer ce document :
Yulia Kurnyshova, "Du « Monde russe » à la guerre de la Russie : les trajectoires de la diplomatie orthodoxe de Moscou en Ukraine – version française". Bulletin de l'Observatoire international du religieux N°39 [en ligne], septembre 2022. https://obsreligion.cnrs.fr/bulletin/du-monde-russe-a-la-guerre-de-la-russie-les-trajectoires-de-la-diplomatie-orthodoxe-de-moscou-en-ukraine/
Bulletin
Numéro : 39
septembre 2022

Sommaire du n°39

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Auteur.e.s

Yulia Kurnyshova, Université de Brême

Texte traduit par Anne Lancien

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