Bulletin N°42-43

mai 2023

État d’incertitude et recherche d’une justification morale de la guerre chez les chrétiens orthodoxes russes – version française

Jeanne Kormina & Sergey Shtyrkov

Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par les troupes russes, les dirigeants de l'Église orthodoxe russe du Patriarcat de Moscou, ainsi que les dirigeants d'autres organisations religieuses officielles de la Fédération de Russie, ne cessent de parler de paix dans leurs discours publics, alors qu'ils soutiennent en réalité la guerre. Il peut difficilement en être autrement. Au cours des vingt dernières années, l'État a instrumentalisé l'Église (et, plus largement, la religion) et le patriarcat de Moscou lui-même a longtemps vécu comme si l'Église était incapable de poursuivre son existence sans le soutien idéologique et matériel de l'État. En outre, le régime politique établi dans le pays ne tolère aucune manifestation publique de dissidence[1]Pour en savoir plus sur la résistance à la guerre parmi le clergé et les paroissiens du patriarcat de Moscou, voir l'article de Kathy Rousselet dans ce numéro et l'interview de trois chrétiens … Continue reading. Ce que nous abordons dans cet article ne concerne pas cet aspect public de la vie de l'Église. Suivant les traditions de notre discipline académique, l'anthropologie, nous nous penchons sur un aspect plus interne à la vie de l'Église pour voir comment les religieux rendent la guerre compréhensible pour eux-mêmes. Cette approche implique de plonger dans le monde plutôt fermé et culturellement spécifique des croyants orthodoxes « ordinaires »[2]Voir Detelina Tocheva, Intimate Divisions: Street-Level Orthodoxy in Post-Soviet Russia, Berlin, LIT, 2017.. Cela dit, nous ne pensons pas que la position officielle de l'Église orthodoxe russe soit sans importance. Pour de nombreux participants et observateurs extérieurs, c'est la seule chose qui compte, car elle détermine la manière dont le grand public traite l'Église et l'orthodoxie contemporaine en Russie.

Lorsqu'il est question de religion en Russie, on imagine un pays à forte majorité orthodoxe. D'un certain point de vue, c’est exact. En effet, de nombreux habitants du pays intègrent l'orthodoxie comme composante évidente de leur identité culturelle. En même temps, la plupart de ceux qui font partie de cette majorité considèrent leur orthodoxie comme une « religion par procuration », c'est-à-dire quelque chose d'important sur le plan conceptuel mais qui n'est pas très souvent utilisé dans leur vie quotidienne et qui est donc confié à des professionnels de la religion qui « font » la religion dans des lieux où les gens ordinaires n'ont pas besoin de se rendre fréquemment[3]Voir Grace Davie, “Vicarious Religion: a Methodological Challenge”, in Nancy Ammerman (ed.), Everyday Religion: Observing Modern Religious Lives, New York, Oxford University Press, 2007.. Il y a très peu de personnes « pratiquantes », c'est-à-dire celles qui consacrent une part importante de leur temps et d'autres, de leurs ressources à la vie religieuse et qui dépendent à leur tour des structures religieuses dans leur routine quotidienne. Ces personnes vivent dans un monde spécifique et séparé, celui des professionnels de la religion et des paroissiens réguliers. Bien entendu, certains croyants orthodoxes ne se sentent pas isolés socialement. Ils voient dans la vie religieuse régulière une preuve de leur indépendance intellectuelle, de leur respectabilité sociale, de leur lien avec un riche héritage culturel – c'est-à-dire avec un monde plus vaste. Mais de nombreux croyants orthodoxes « pratiquants » en Russie, ainsi que des croyants vivant dans d'autres pays largement sécularisés, se sentent dans la plupart des cas comme une minorité qui a choisi une voie particulière pour elle-même. Selon la situation, cette perception d’être différent peut également conduire à des sentiments de supériorité ou, à l'inverse, de marginalité sociale, voire de stigmatisation. Il s'agit toutefois d'une conséquence inévitable du fait que ces personnes viennent à l'église à la recherche d'un lieu au sein duquel elles ne sont pas dépendantes d'un monde en mutation rapide et imprévisible. Les personnes qui parviennent à trouver leur place dans l'Église continuent à vivre simultanément dans deux mondes, le terrestre mondain et le céleste spirituel. Ce dernier type d'affiliation implique, pour utiliser le langage élevé de l'ecclésiologie, la citoyenneté dans le Royaume des Cieux[4]Dans les différentes cultures chrétiennes, le degré et le type d'implication des croyants dans la vie de leur patrie céleste (et, par conséquent, leur détachement de ce qui se passe dans ce … Continue reading. Dans le langage terrestre des sciences sociales, il transfère l'individu dans un mode d'existence particulier dans la société séculière moderne tardive, qui est ressentie comme plus sûre et plus prévisible, dont la stabilité est assurée par la tradition et garantie par des agents qui échappent au pouvoir des préoccupations terrestres et des gouvernants séculiers.

Les personnes croyantes sont habituées à vivre à la fois dans l'Église et dans le monde, et ont une bonne idée de la frontière entre les deux. Bien sûr, elles savent qu'il est pratiquement impossible de vivre en dehors du « monde ». Et elles sont habituées à ce que les responsables de l'Église entrent régulièrement en communication avec le monde séculier au nom de tous les croyants. De ces contacts, les orthodoxes attendent des éléments divers : tandis que certains considèrent la coopération entre l'Église et les autorités civiles comme un état naturel des choses, d'autres attendent (généralement en vain) que les responsables de l'Église soient en mesure de formuler une ligne politique indépendante pour l'orthodoxie dans le monde séculier, ce qui impliquera, entre autres, la capacité de l'Église à critiquer les actions des autorités séculières. En tout état de cause, cette interaction est considérée comme une condition technique de l'existence de l'Église dans un monde séculier. Certains prêtres, moines ou encore laïcs au service de l'Église sont habilités à s'occuper de ces questions qui ne préoccupent généralement pas les autres, soucieux de sauver leur âme ou de la manière de retarder la fin du monde. Bien sûr, nous ne pouvons pas dire que la vie de ces personnes se situe hors du champ de la politique, mais elles forment un champ spécial, orthodoxe, de la praxis politique. Ici, le bien-être de la nation est assuré non pas par les politiques intérieure ou extérieure de son gouvernement, mais par les prières d’aînés religieux ou le souhait de la masse des croyants de faire pénitence pour les péchés de l'époque soviétique, tels que le meurtre de la famille du dernier tsar, qui a eu lieu il y a cent ans[5]Kathy Rousselet, “Constructing Moralities around the Tsarist Family”, in Jarrett Zigon, Multiple Moralities and Religions in Post-Soviet Russia, Berghahn Books, 2011..

L'invasion de l'Ukraine par les troupes russes, qui a débuté le 24 février, a bouleversé cet état de fait de manière spectaculaire et, comme cela semblait être le cas à ce moment-là, pour toujours. L'Église et tous les croyants se sont trouvés plongés dans le feu de l'action politique séculière. Celle-ci commença à avoir une incidence directe sur la vie spirituelle de chaque chrétien et exigea une interprétation rapide des événements dans ce sens. Tout le monde comprit qu'il s'était passé quelque chose de très important qui rendait impossible l'ancienne vie dans deux mondes parallèles. Certains chrétiens orthodoxes ont accueilli le déclenchement de la guerre comme le signe direct d'un changement dans les relations entre les autorités séculières et spirituelles, entre les chrétiens orthodoxes pratiquants et leurs compatriotes spirituellement ignorants et paresseux, plongés dans le conformisme et la consommation. Tout en se réjouissant du déclenchement de la guerre, ces orthodoxes, en particulier les conservateurs sur le plan politique, se sont félicités du fait que les dirigeants de la société russe, comme ils le pensaient alors, étaient entrés dans une confrontation brutale avec l'Occident « bezdukhovny » (dépourvu de spiritualité), et reconnaissaient ainsi la primauté de la pragmatique de la sauvegarde de l'âme sur la pragmatique séculière - le maintien de l'existence pacifique de l'État et la création des conditions nécessaires à l'acquisition du bien-être matériel par ses citoyens.

Il semblait à ces membres de l'Église que le fait que la guerre ait commencé signifiait que les chrétiens orthodoxes étaient enfin considérés comme le sel de la nation, préservant une notion de valeurs authentiques face à la sécularisation rapide de la société russe. Un triomphe non dissimulé dans les sermons de certains évêques et prêtres, dans les conversations sur les sites de réseaux sociaux et dans les groupes thématiques sur les messageries[6]Voir Sergei Shtyrkov, “Ressentiment, War, and the Anthropologist’s Silence”, Cultural Anthropology, Hot Spots, Fieldsights, 2022, [en ligne] … Continue reading. En d'autres termes, ces croyants ont commencé à avoir l'impression que la Russie avait une chance de devenir un État orthodoxe, ou qu'elle était en train de le devenir sous leurs yeux. Cette anticipation d'un prochain « triomphe de l'orthodoxie » était dans une large mesure alimentée par d’anciens et forts sentiments militaristes de certains membres du clergé et de certains paroissiens[7]Voir Boris Knorre and Alexei Zygmont, “’Militant Piety' in 21st-Century Orthodox Christianity: Return to Classical Traditions or Formation of a New Theology of War?”,  Religions, 2020, … Continue reading, fondés sur la conviction sincère que « l'Occident collectif » voit dans l'orthodoxie le fondement du pouvoir politique et spirituel de la Russie et qu'il tente donc de la détruire. La confrontation directe avec l'Occident aurait dû permettre à la société russe de réaliser enfin ce que le politologue américain Zbigniew Brzezinski savait depuis longtemps, lorsqu'il aurait déclaré qu’ « après l'effondrement du communisme, notre plus grand ennemi est l'orthodoxie russe[8]Ces mots sont très probablement une pseudo-épigraphe. Néanmoins, ils sont entrés dans le discours de la science politique orthodoxe si fermement qu'ils ont été cités comme un fait évident et … Continue reading».

Une partie des fidèles a perçu l'invasion de l'Ukraine de manière opposée. Ils ont compris que, dans cette situation, l'Église devait se distancier autant que possible des crimes commis par l'État et que les responsables ecclésiastiques qui avaient été chargés de ces relations devaient mettre un terme à leurs activités politiques. Beaucoup s'attendaient à ce que le patriarche Kirill condamne les actions militaires et déclare ainsi l'indépendance de l'Église par rapport aux autorités séculières et affirme son autorité morale. Cependant, le patriarche Kirill, comme on le sait, a adopté une position différente. En réaction à son discours en faveur de la guerre, des laïcs et des prêtres ont mené des actions collectives, telles que l'appel du clergé de l'Église orthodoxe russe pour la réconciliation et la fin de la guerre, signé par près de trois cents ecclésiastiques du patriarcat de Moscou de l'Église orthodoxe russe[9] [En ligne] https://www.pravmir.ru/svyashhenniki-russkoj-pravoslavnoj-czerkvi-my-prizyvaem-k-nemedlennomu-prekrashheniyu-ognya/. Voir Kathy Rousselet dans ce numéro..  Certains de ces dissidents sont partis à l'étranger.

Cependant, la majorité des croyants de l'époque sont devenus de simples citoyens russes horrifiés par ce qui arrivait à leur famille, amis et connaissances en Ukraine et qui regardaient, hébétés, les propagandistes pro-Kremlin menacer le monde d'armes nucléaires tactiques – la fin du monde, qui n'implique ni le règne millénaire du Christ, ni l'avènement de l'Antéchrist. L'état de ces personnes pourrait être décrit plus précisément comme une confusion, appelée « smushchenie » dans le langage de l'Église : elles avaient du mal à comprendre comment donner un sens à ce qui se passait, en termes à la fois de pensée politique séculière et de théologie pratique de tous les jours[10]Voir Jeanne Kormina, “Very Dark Anthropology: Aphasia, Presentiment of the Civil War and Anthropology at Home”, Cultural Anthropology, Hot Spots, Fieldsights, 2022. [En ligne] … Continue reading.

Le temps a passé et la réaction aiguë des premières semaines de la guerre s'est progressivement atténuée. Le conflit se poursuivait et, après le choc initial, les prêtres et les laïcs ont été surpris de constater qu'ils s'habituaient à la nouvelle routine. Certains prêtres qui avaient quitté le pays sont revenus pour poursuivre leur travail pastoral, d'autres, ayant perdu leurs illusions sur la transformation de la Russie en un État orthodoxe, ont cessé de louer la sagesse politique et la maturité spirituelle des dirigeants russes, et ont totalement cessé de discuter des questions politiques séculières. D'une manière ou d'une autre, cependant, tous ont commencé à vivre dans une nouvelle réalité, dont la guerre constituait une composante importante. Au niveau de la vie paroissiale et des initiatives extra-paroissiales (fraternités, divers clubs orthodoxes et réseaux), de nombreux croyants se sont impliqués dans l'aide aux troupes russes, aux civils des territoires occupés et aux réfugiés ukrainiens touchés par la guerre. Fait remarquable, les participants à ce travail bénévole affirment (et semblent croire sincèrement) qu'ils n'aident pas un État en guerre contre un État voisin, mais des personnes qui se sont retrouvées involontairement dans une situation extrêmement difficile. Parmi ces victimes involontaires des circonstances, on compte même des soldats volontaires, c'est-à-dire des personnes qui sont allées se battre en Ukraine de leur propre chef. Nombreux sont ceux qui pensent que ces militaires ont été contraints d'accepter ce type de travail parce qu'il n'y avait tout simplement pas d'autres possibilités d'emploi dans leur région. En d'autres termes, la plupart des ecclésiastiques, comme beaucoup d'autres citoyens russes, ont trouvé une façon particulière de justifier, à eux-mêmes et aux autres, leur comportement dans cette situation : ils ne soutiennent pas la guerre, les troupes russes ou le gouvernement, mais « leurs hommes ». Dans le même temps, la question du pourquoi de cette guerre et de sa signification a rarement été posée à voix haute, mais reste importante, douloureuse et inexpliquée pour beaucoup.

Des prédicateurs et des blogueurs orthodoxes ont exprimé cette expérience traumatisante dans leurs messages sur les réseaux sociaux et dans leurs discours publics. L'un d'entre eux est le métropolite Ioann (Popov) de Belgorod et de Stary Oskol, dont la ville de résidence (Belgorod) se trouve à seulement une heure et demie de voiture de la ville ukrainienne de Kharkiv. Depuis le début de la guerre, l'oblast de Belgorod est une zone de front qui accueille un grand nombre de réfugiés de guerre des régions orientales de l'Ukraine et qui héberge des soldats et des civils blessés dans les hôpitaux locaux.

Dans une situation de guerre, le prêtre doit prier pour la paix, c'est suffisant. Personne ne comprend ce qui se passe, et quand vous ne comprenez pas, vous devez prier pour que le Seigneur Dieu ramène tout le monde à la raison que l'amour prévale et que la paix soit rétablie. Mon travail consiste à prier pour que le Seigneur nous apporte la compréhension[11]Chaîne Telegram “Nikolai Babkin”, t.me/nickolaybabkin/3296. 26 février 2022..

Le métropolite Pitirim (Tvorogov) de Skopine et Chatsk (oblast de Riazan) a exprimé cet état d'incertitude dans un sermon sur le même sujet, un an après le début de la guerre, de la manière suivante :

Lorsque cette opération spéciale a débuté, beaucoup de gens n'ont pas compris ce qui avait commencé. Et les personnes religieuses n'ont pas compris ce qui avait commencé. Cela a débuté très rapidement, de manière inattendue, alors qu'ils avaient dit qu'il n'y aurait pas de guerre, alors qu'ils avaient promis qu'il n'y aurait pas de guerre, et soudain le fléau nous a rattrapés. Pas seulement nous, mais aussi l'Ukraine[12][En ligne]https://www.youtube.com/watch?v=9_fSk-f4LWU Sermon de l'évêque Pitirim (Tvorogov) après un service de prière pour les guerriers au monastère du Saint-Esprit (ville de Skopine, oblast … Continue reading.

Au fur et à mesure que la guerre se poursuivait et devenait un facteur de la vie quotidienne, elle perdait toute dimension éthique évidente. Dans ces circonstances, les croyants ont commencé à se rendre compte que l'éloge de la guerre tout comme sa condamnation devenaient inappropriés et insensés. Il fallait continuer à vivre et à soutenir « les nôtres » [svoi] comme il se doit dans la vie de tous les jours. Les références à Poutine et les images du drapeau russe ont disparu des annonces sur les réseaux sociaux pour la collecte d'aide humanitaire pour tel ou tel groupe de militaires. Elles ont été remplacées par des récits simples sur la routine dure et effrayante de la ligne de front.

Cette normalisation de la perception de la guerre n'est pas nécessairement liée à sa justification. Le père Leonid (nom modifié), jeune prêtre d'un des diocèses du sud de la Fédération de Russie, chaleureusement aimé par ses paroissiens, est également responsable des unités militaires situées dans sa ville. Le père Leonid n'a pas soutenu la guerre, et les discours publics du patriarche lui causent un profond sentiment de honte pour l'Église. Il ne cache pas ses sentiments à ses confrères prêtres, et lorsque l'évêque local, qui a entendu parler de l'attitude du prêtre à l'égard de la guerre, lui a proposé de l'envoyer au front en tant que prêtre de régiment, le père Leonid a refusé. Ce faisant, il s’est référé à une circonstance [une formation insuffisante pour effectuer ces tâches, ndlt] dont le caractère formel n'a échappé à personne. Par cet acte, il a acquis aux yeux des autres prêtres du diocèse la réputation d'un courageux trublion. , ses tâches habituelles ont consisté (et consistent encore) à accompagner les mobilisés et les unités militaires en Ukraine, à prononcer des prières et des discours lors des cérémonies d'enterrement des soldats décédés et à consoler leurs proches. Voici un extrait de son journal anonyme sur Internet, qui montre son état complexe et changeant en tant que chrétien et citoyen :

Envois de soldats mobilisés. Il y en avait plusieurs, et chacun avait un contingent et une atmosphère différents. J'ai prononcé quelques mots (auxquels je ne croyais pas toujours) et j'ai prononcé des prières de bénédiction pour les combats. J'ai aspergé les gars d'eau bénite, j'ai serré dans mes bras les ivrognes (peu nombreux) et ceux que je connaissais personnellement, j'ai pleuré avec les proches. J'ai compris une chose simple : dans n'importe quelle situation, je me soucie de mes compatriotes plus que de n'importe quel autre être humain sur terre. Mon devoir est de leur donner de l'espoir et de prier pour eux, même si le christianisme n'a rien à voir là-dedans. Je suis prêt à m'asseoir sur le banc du Tribunal de La Haye en cas de besoin. Je saurai exactement pourquoi. Mais je ne regretterai pas ce que j'ai fait.

Prenons un autre extrait de son journal :

Je suis en train d'organiser les funérailles de nos garçons, les aviateurs des régiments d'aviation qui m'ont été confiés. Le cercueil de l’un est fermé, l’autre a fondu sous le feu de l'ennemi. J'essaie de les accompagner dans leur tombe, je vois les larmes sur les visages, j'entends les discours d'adieu de leurs compagnons d'armes et les pleurs de leurs femmes et de leurs enfants. Je comprends que je ne peux pas les guérir - je dois encaisser le coup avec eux. Je me suis rendu compte que je n'avais pitié de personne d'autre que de mes propres morts et de ceux pour qui l'essentiel - la joie, l'amour, l'espoir - a été emporté avec eux. C'est mal, mais le cœur ne peut pas le commander. La guerre ne purifie pas l'âme, elle la rend simplement sourde à la souffrance de ceux qui se trouvent de l'autre côté. C'est peut-être là son principal défaut moral[13] Les deux journaux intimes ont été publiés sur le canal télégraphique anonyme du prêtre. Nous ne fournissons pas de lien vers ce canal pour la sécurité de son auteur..

Le problème de la responsabilité morale des Russes dans le déclenchement et la poursuite de la guerre et, d'autre part, la question déjà évoquée de la signification de ces événements tragiques continuent de préoccuper les croyants. En général, ils n'osent pas ou ne savent pas comment formuler leurs pensées à ce sujet, mais dans les sermons d'ecclésiastiques connus, dont les vidéos sont activement partagées par les croyants sur les réseaux sociaux, il s'agit de l'un des principaux sujets abordés. Ces enregistrements recueillent le plus grand nombre de vues dans les groupes orthodoxes spécifiques sur les plateformes populaires WhatsApp, vkontakte et YouTube. Il est important de noter que les discours du patriarche Kirill sont beaucoup moins populaires parmi les fidèles que ceux de nombreux autres prédicateurs et blogueurs orthodoxes. Quel sens les prédicateurs essaient-ils de donner à ces événements ? Comment suggèrent-ils à leurs auditeurs d'encadrer la guerre d'un point de vue théologique ? Quelles « significations spirituelles » de la guerre découvrent-ils ?

Analysons comment le métropolite Pitirim, déjà cité, répond à ces questions. Il est recteur de l'Académie théologique de Moscou, la principale institution d'enseignement orthodoxe en Russie, où il enseigne également l'homilétique – l'art de la prédication. Il peut être considéré comme un représentant assez caractéristique de la direction de l'Église orthodoxe russe, qui souligne inlassablement l'importance des « valeurs familiales » et prie pour la victoire de l'armée russe. Il a clairement démontré sa position en participant à des voyages dans la région de Louhansk, où il a assuré des services religieux pour l'armée russe et dans les hôpitaux pour les mercenaires de la société militaire privée Wagner. Il est intéressant de noter que, bien que les enregistrements de ses discours soient largement diffusés sur les plateformes Internet orthodoxes, ses sermons en direct sont généralement prononcés devant un public très restreint - les paroissiens de l'église d'une petite ville de la région de Riazan dont il est le recteur. En tant que hiérarque discipliné de l'Église orthodoxe russe, le métropolite Pitirim explique souvent, lorsqu'il revient sur la nature de la guerre, que sur le territoire de l'Ukraine se déroule une lutte entre le bien et le mal, l'incarnation du diable n'étant pas l'Ukraine « nazie », mais l' « Occident collectif », dont lui et ses associés désignent la nature corrompue par l'engagement total présumé de l'Occident dans le péché de Sodome[14]Voir Kathy Rousselet, La Saint Russie contre l’Occident, Salvator, 2022..  Pour désigner le mal, Pitirim, comme beaucoup, utilise l'image eschatologique de la prostituée de Babylone, qui triomphe aujourd'hui en se "gavant du sang des saints", c'est-à-dire des personnes qui meurent dans cette guerre[15][En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=Ed9ChZJhXEk&t=134s Sermon de l'évêque Pitirim (Tvorogov) le dimanche du jugement dernier. 19 février 2023..  De plus en plus, cependant, d'autres motifs prennent place dans ses sermons.

La plupart des religieux préfèrent considérer et décrire cette guerre comme un événement lié non pas à la vie politique, mais à l'état moral du monde entier, de l'Ukraine, mais surtout de la Russie. Évitant systématiquement les interprétations politiques de la guerre, ils mentionnent par exemple rarement le nom du président Poutine ou d'autres dirigeants de l'État russe, même pour les féliciter. Ainsi, les orateurs de l'Église se distinguent nettement des commentateurs laïques de l' « opération militaire spéciale », quelle que soit la position qu'ils adoptent. Dans leurs sermons, la guerre apparaît comme une sorte de catastrophe naturelle, autorisée par Dieu pour permettre aux gens de s'amender. Ils se gardent bien de soulever la question du caractère juste de cette guerre dans son principe. Aucun effort n'est fait pour présenter ce conflit comme étant juste pour la Russie. Dans leurs discours, les Russes comme les Ukrainiens sont présentés comme des victimes des circonstances, et la guerre elle-même est décrite non seulement comme une tragédie, mais aussi comme la dernière occasion pour les peuples de revenir à Dieu. Au contraire, une vie paisible et prospère est présentée dans ces discours comme une période de dommage spirituel et d'indifférence totale, et donc particulièrement dangereuse, à l'égard des questions spirituelles.

Le métropolite Pitirim parle de la guerre de telle manière que, dans ses discours, l'eschatologie sombre est remplacée par une sorte d'optimisme missionnaire :

Pourquoi cette guerre a-t-elle commencé ? Pourquoi avons-nous vécu cette période tragique ? Parce que sans elle, tout serait mort, vous seriez tous morts, et nous serions morts. Toute la Russie, toute l'Ukraine auraient été ruinées, seraient allées en enfer. Et nous, le clergé, nous ne le savions pas... il y a deux ans, je dirais... En regardant notre jeunesse, j'ai affirmé que nous ne pouvions rien faire, que nous avions perdu la jeunesse, que nous l'avions déjà perdue sans retour et que si quelque chose ne se passait pas maintenant, s'il n'y avait pas de changement radical dans l'histoire de notre pays, alors presque toute la jeunesse mourrait (spirituellement)[16][En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=9_fSk-f4LWU Sermon de l'évêque Pitirim (Tvorogov) après un service de prière pour les guerriers au monastère du Saint-Esprit. 25 février 2023..

Pitirim et ses associés fondent leur principal espoir d'un retour massif du peuple russe dans le giron de l'orthodoxie sur le fait que l'expérience acquise pendant la guerre sera la garantie d'un renouveau spirituel pour ces vétérans. C'est ce qui ressort des récits de miracles que Pitirim insère dans ses sermons, comme le font depuis des siècles les prédicateurs de diverses régions du monde chrétien. Ces récits d'interventions divines miraculeuses dans la vie des gens sont destinés à édifier ses lecteurs, à leur servir de modèles moraux et à prouver la participation de Dieu aux événements actuels. Fait remarquable, le métropolite Pitirim ne raconte jamais les victoires miraculeuses des armes russes, ce que l'on attendrait de lui en tant que véritable patriote militariste. Ses récits traitent plutôt de la transformation morale de personnes qui se trouvent au bord de la vie et de la mort et qui non seulement préservent leur vie terrestre dans l'opération militaire, mais voient aussi la lumière de la vie éternelle. Nous citerons trois de ces histoires dans les lignes qui suivent.

Le premier miracle, dans lequel un néo-païen ou un incroyant est aidé par un saint inconnu ou non-reconnu qui le prie dans une situation critique, est typique de la tradition narrative chrétienne. Le héros de l'histoire se tourne vers ce saint en raison des circonstances extrêmement difficiles de la guerre, au bord de la mort. Le choix du destinataire de la prière semble, à première vue, accidentel, mais, comme il se doit dans ce genre d'histoires, il est providentiel.

Un néo-païen, rodnovérien[17]Voir Kaarina Aitamurto, Paganism, Traditionalism, Nationalism : Narratives of Russian Rodnoverie, Abingdon, Oxon, Routledge, 2014., s'est retrouvé au front dans le Donbass, et il a continué à prier ses dieux. Un jour, il s’est senti mal : la mort était partout, il était chef d'escouade, commandant, et il voyait ses soldats mourir. Il a prié un dieu païen, un autre dieu païen, et les dieux ne l'ont pas aidé. Alors il a crié à un dieu et lui a dit : mes dieux ne m'aident pas, aide-moi ! Soudain, il est entré en courant dans une maison et a vu l'icône de l'archange Michel sous ses pieds. Il ne savait pas qui était représenté sur l'icône, quelqu'un avec des ailes et une épée. Il s'est mis à prier ce Dieu représenté sur l'icône, il pensait que c'était Dieu. Et soudain, tout s'est arrêté, ses subordonnés ne sont pas morts, il a survécu, bien qu'il ait été blessé. Il a compris que ce Dieu l'avait aidé, s'est intéressé à la foi orthodoxe et est retourné à l'Église orthodoxe. C'est ainsi que nos hommes deviennent croyants sur le front[18] [En ligne] https://youtu.be/RzdzJ-W_Xvg A frontline story of faith. Bishop Pitirim. 05 mars 2023..

Le deuxième miracle, relatif au pouvoir de la prière[19]Voir Sonja Luehrmann (ed.), Praying with the Senses: Contemporary Orthodox Christian Spirituality in Practice, Bloomington, Indiana University Press, 2021.  , est également assez typique, voire courant, le narrateur lui-même soulignant qu'il y a eu de nombreux cas comme celui-ci. Il décrit comment un homme est sauvé par sa prière : un morceau de métal qui aurait dû le tuer (un éclat d'obus ou une balle) se coince dans le support matériel de la prière, un livre de prières, que le héros de l'histoire porte toujours sur sa poitrine, et il reste indemne.

L'un des soldats m'a raconté qu'il lisait constamment le Je vous Salue Marie. Constamment, quand il y a des combats et même quand il n'y a pas de combats. Et il a dit qu'il n'était pas touché par les balles. Il nous a montré son livre de prières, un livre de prières en papier, mince, avec l'icône de la bienheureuse Matrona de Moscou[20]La bienheureuse Matrona de Moscou est une sainte russe très populaire, voir : Jeanne Kormina, «Canonizing Soviet Pasts in Contemporary Russia: The Case of Saint Matrona of Moscow”, in Janice … Continue reading. Il nous a montré un éclat d'obus coincé dans ce livre de prières. Il l'a traversé de part en part et s'est coincé dans le livre de prières, là où se trouve la prière de la Vierge que nous venons de réciter. Il ne restait qu'une petite bosse et l'éclat d'obus n'est pas allé plus loin. Un véritable éclat d'obus est resté coincé dans un livre de prières ordinaire en papier, pas même dans une reliure en cuir, mais dans un livre de prières ordinaire en papier, et mince. C'est le genre de miracles qu'il y a là-dedans[21][En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=9_fSk-f4LWU Sermon de l'évêque Pitirim (Tvorogov) après un service de prière pour les guerriers au monastère du Saint-Esprit. 25 février 2023..

Dans le troisième récit, la guerre purifie les anciens criminels et en fait des saints. Il affirme que les guerriers blessés rayonnent de grâce, comme des saints, et le fait du miracle est certifié par le narrateur, qui agit ainsi en tant qu'expert pour déterminer la pureté morale et la sainteté des gens.

Pitirim se réfère ici à l'histoire évangélique du voleur avisé qui a été crucifié avec Jésus-Christ, s'est confié à lui et est entré au paradis avec lui. En expliquant cette histoire, le prédicateur souligne qu'il place son espoir dans des personnes comme les héros de son histoire, qui ont été mutilés, mais qui ont acquis une expérience étonnante de la foi dans la guerre. Il espère qu'à leur retour, ils pourront servir d'exemples moraux aux jeunes, ou même prêcher le message de l'Évangile.

Nous avons visité des hôpitaux à Louhansk et dans les environs. La plupart des blessés vagnerovtsy (soldats de la compagnie militaire privée “Wagner”) y reposent – sans bras, sans jambes, aveuglés, brûlés, ensanglantés. Après tout, ce sont eux qui souffrent le plus en ce moment. Notre groupe, un évêque et un, deux ou trois prêtres, un diacre et un laïc ont célébré la liturgie, prié pour leur santé, baptisé, confessé, donné la communion, parlé avec eux, réconforté, distribué des lettres d'enfants. Nous avons tous quitté les hôpitaux en sentant le tabac, le sang et les médicaments jusqu'à la racine des cheveux. Mais mon âme était pleine de joie. Mes compagnons m'ont demandé : « Votre Éminence, pourquoi avons-nous un tel sentiment, un sentiment de grâce, comme si nous revenions du Mont Athos, après avoir communiqué avec les starets athonites, et non pas des salles d'hôpital enfumées où gisent les voleurs blessés ? » Je n'ai pas trouvé de réponse immédiatement. Mais sur le chemin du retour, je me suis rendu compte que nous avions tous vu le paradis au milieu de l'enfer – comme dans les yeux des saints - dans les yeux de ces voleurs avisés. C'est là un témoignage important sur les vagnerovtsy, au sujet desquels toutes sortes d'absurdités ont été dites et continueront d'être dites. Ce sont eux qui quittent l'enfer terrestre pour aller au paradis, alors que nous sommes souvent dans un paradis terrestre et que nous pensons et vivons de manière terrestre. Nous avons très clairement et distinctement compris une chose : la grâce si puissante que nous avons tous ressentie parmi ces combattants blessés, ces anciens voleurs, ne peut pas être déversée sur des « occupants », des « terroristes », des « militants », comme les appellent les voix hostiles – cette grâce se trouve parmi ceux qui sont avec Dieu, la Vierge Marie et tous les saints qui, ici, au milieu de l'enfer terrestre, ont déjà été justifiés, pardonnés et glorifiés comme au paradis ![22]Chaîne Telegram « Evêque Pitirim », [en ligne] https://telegra.ph/Uvazhaemaya-Elena-Viktorovna-ZHosul-02-20 20 février 2023..

Ces témoignages suggèrent que les représentants de l'Église commencent à utiliser systématiquement la situation de guerre à des fins missionnaires et pastorales. Tout comme leurs auditeurs et une grande partie de la société russe, ils sont habitués à vivre dans un état de guerre. Le sentiment d'une catastrophe mondiale a disparu et les croyants ont appris à ré-exister dans leurs deux modes d'existence familiers et confortables. Ils essaient de minimiser leur présence dans le monde de la politique séculière actuelle, peuplé de dirigeants politiques et inondé de nouvelles du front ou d'informations sur l'imposition de nouvelles sanctions. Cela ne veut pas dire que l'Église orthodoxe ne s'intéresse pas aux questions politiques, mais elle les perçoit d'un point de vue très particulier. Il est clair que certains leaders d'opinion orthodoxes espèrent que les procès militaires rendront la Russie, et peut-être le monde entier, moins séculier. Certains d'entre eux voient dans les vétérans de la société militaire privée Wagner les chevaliers de cette nouvelle croisade orthodoxe. Pour l'heure, la principale leçon morale à tirer de cette vision des événements n'est pas qu'il ne faut pas envahir le territoire d'États indépendants et y apporter destruction et souffrance, mais qu'il n'y a pas d'athées dans les tranchées sous le feu de l'ennemi.

Notes

Notes
1 Pour en savoir plus sur la résistance à la guerre parmi le clergé et les paroissiens du patriarcat de Moscou, voir l'article de Kathy Rousselet dans ce numéro et l'interview de trois chrétiens réalisée par Jeanne Kormina et Kathy Rousselet.
2 Voir Detelina Tocheva, Intimate Divisions: Street-Level Orthodoxy in Post-Soviet Russia, Berlin, LIT, 2017.
3 Voir Grace Davie, “Vicarious Religion: a Methodological Challenge”, in Nancy Ammerman (ed.), Everyday Religion: Observing Modern Religious Lives, New York, Oxford University Press, 2007.
4 Dans les différentes cultures chrétiennes, le degré et le type d'implication des croyants dans la vie de leur patrie céleste (et, par conséquent, leur détachement de ce qui se passe dans ce monde) varient et dépendent de leurs doctrines eschatologiques particulières. Par exemple, certains protestants évangéliques, convaincus d'être déjà sauvés par Dieu, ont tendance à montrer en toute occasion que leur vie terrestre ne leur est pas du tout chère, qu'ils la désirent ardemment et qu'ils rêvent de rejoindre le plus tôt possible leur Père céleste. De nombreux chrétiens orthodoxes sont plus attachés à leur vie terrestre et à leur patrie terrestre, car ils espèrent que leur réforme spirituelle personnelle sera possible avant la mort et que leur vigilance et leur diligence chrétiennes leur permettront de retarder la venue de l'Antéchrist.
5 Kathy Rousselet, “Constructing Moralities around the Tsarist Family”, in Jarrett Zigon, Multiple Moralities and Religions in Post-Soviet Russia, Berghahn Books, 2011.
6 Voir Sergei Shtyrkov, “Ressentiment, War, and the Anthropologist’s Silence”, Cultural Anthropology, Hot Spots, Fieldsights, 2022, [en ligne] https://culanth.org/fieldsights/ressentiment-war-and-the-anthropologists-silence
7 Voir Boris Knorre and Alexei Zygmont, “’Militant Piety' in 21st-Century Orthodox Christianity: Return to Classical Traditions or Formation of a New Theology of War?”,  Religions, 2020, vol. 11; Boris Knorre, “Masculine strategies in Russian Orthodoxy: From asceticism - to militarization”, in: Katharina Bluhm, Gertrud Pickan, Justina Stypinska and Agnieszka Wierzcholska (eds.), Gender and Power in Eastern Europe. Changing Concepts of Femininity and Masculinity in Power Relations. Springer, 2021.
8 Ces mots sont très probablement une pseudo-épigraphe. Néanmoins, ils sont entrés dans le discours de la science politique orthodoxe si fermement qu'ils ont été cités comme un fait évident et bien connu par certains spécialistes russes des sciences sociales. Voir: Кира В. Цеханская, “Глобализм и русская идея: к проблеме самоидентификации русского этноса”, Информационные войны, 2013, № 2(26), С. 88.
9 [En ligne] https://www.pravmir.ru/svyashhenniki-russkoj-pravoslavnoj-czerkvi-my-prizyvaem-k-nemedlennomu-prekrashheniyu-ognya/. Voir Kathy Rousselet dans ce numéro.
10 Voir Jeanne Kormina, “Very Dark Anthropology: Aphasia, Presentiment of the Civil War and Anthropology at Home”, Cultural Anthropology, Hot Spots, Fieldsights, 2022. [En ligne] https://culanth.org/fieldsights/very-dark-anthropology-aphasia-presentiment-of-a-civil-war-and-anthropology-at-home.
11 Chaîne Telegram “Nikolai Babkin”, t.me/nickolaybabkin/3296. 26 février 2022.
12 [En ligne]https://www.youtube.com/watch?v=9_fSk-f4LWU Sermon de l'évêque Pitirim (Tvorogov) après un service de prière pour les guerriers au monastère du Saint-Esprit (ville de Skopine, oblast de Riasan). 25 février 2023.
13 Les deux journaux intimes ont été publiés sur le canal télégraphique anonyme du prêtre. Nous ne fournissons pas de lien vers ce canal pour la sécurité de son auteur.
14 Voir Kathy Rousselet, La Saint Russie contre l’Occident, Salvator, 2022.
15 [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=Ed9ChZJhXEk&t=134s Sermon de l'évêque Pitirim (Tvorogov) le dimanche du jugement dernier. 19 février 2023.
16 [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=9_fSk-f4LWU Sermon de l'évêque Pitirim (Tvorogov) après un service de prière pour les guerriers au monastère du Saint-Esprit. 25 février 2023.
17 Voir Kaarina Aitamurto, Paganism, Traditionalism, Nationalism : Narratives of Russian Rodnoverie, Abingdon, Oxon, Routledge, 2014.
18 [En ligne] https://youtu.be/RzdzJ-W_Xvg A frontline story of faith. Bishop Pitirim. 05 mars 2023.
19 Voir Sonja Luehrmann (ed.), Praying with the Senses: Contemporary Orthodox Christian Spirituality in Practice, Bloomington, Indiana University Press, 2021.  
20 La bienheureuse Matrona de Moscou est une sainte russe très populaire, voir : Jeanne Kormina, «Canonizing Soviet Pasts in Contemporary Russia: The Case of Saint Matrona of Moscow”, in Janice Boddy and Michale Lambeck (eds.), Companion to Anthropology of Religion. London, Wiley-Blackwell, 2013.
21 [En ligne] https://www.youtube.com/watch?v=9_fSk-f4LWU Sermon de l'évêque Pitirim (Tvorogov) après un service de prière pour les guerriers au monastère du Saint-Esprit. 25 février 2023.
22 Chaîne Telegram « Evêque Pitirim », [en ligne] https://telegra.ph/Uvazhaemaya-Elena-Viktorovna-ZHosul-02-20 20 février 2023.
Pour citer ce document :
Jeanne Kormina & Sergey Shtyrkov, "État d’incertitude et recherche d’une justification morale de la guerre chez les chrétiens orthodoxes russes – version française". Bulletin de l'Observatoire international du religieux N°42 [en ligne], mai 2023. https://obsreligion.cnrs.fr/bulletin/etat-dincertitude-et-recherche-dune-justification-morale-de-la-guerre-chez-les-chretiens-orthodoxes-russes/
Bulletin
Numéro : 42
mai 2023

Sommaire du n°42-43

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Auteur.e.s

Jeanne Kormina, HSE University, Saint Pétersbourg (Programme Pause EPHE/GSRL)

Sergey Shtyrkov, Université européenne, Saint Pétersbourg (Programme Pause EPHE/GSRL)

Traduit par Anne Lancien

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