Bulletin N°42-43

mai 2023

Quelles résistances au sein de l’Église orthodoxe russe ?

Kathy Rousselet

La rhétorique de plus en plus radicale du patriarche de l’Église orthodoxe russe, visant à justifier l’invasion de l’Ukraine par la Russie et témoignant de sa loyauté à l’égard de Vladimir Poutine, a déjà été longuement commentée[1]Voir notamment Kathy Rousselet, La Sainte Russie contre l’Occident, Salvator, 2022.. Kirill est soutenu par des évêques et prêtres, dont les prises de position publiques sont d’autant plus facilement relayées dans les médias qu’elles alimentent la propagande de l’État. Certains hiérarques sont encore plus virulents que le patriarche. D’après le spécialiste des religions Andreï Chichkov, une vingtaine d’évêques sur plus de 300 seraient intervenus en soutien à la guerre. En revanche, la résistance est largement invisibilisée tant par la haute hiérarchie de l’Église que par le pouvoir. Une grande partie de l’Église, tout comme le reste de la société, ne s’exprime pas publiquement. D'après un sondage de mars 2023 effectué par le Centre Levada, 20% des personnes interrogées affirment s'opposer plus ou moins nettement à l'action des forces armées russes en Ukraine. Il est difficile de conclure que le reste de la population y est favorable. Des analystes restés en Russie parlent d’une fatigue de la guerre, mais aussi d’une capacité d’adaptation et d’une passivité dans le soutien au pouvoir. S’agissant des croyants orthodoxes et de leur clergé, on observe une palette de positions dont ce dossier rend compte. Il convient néanmoins de noter qu’avec les départs de personnes opposées au régime poutinien et à la guerre, les paroisses considérées comme libérales pourraient bien avoir changé de visage et la population orthodoxe pratiquante restée en Russie pourrait bien avoir encore perdu une partie de la pluralité qui lui restait encore avant la guerre. Plusieurs sources constatent par ailleurs que les églises sont parfois loin d’avoir retrouvé le niveau de fréquentation qu’elles avaient avant le COVID-19[2]Arsenij Muromcev, « Moskovskoe eparhial’noe sobranie : golos patriarha », 17 janvier 2023, [en ligne] https://s-t-o-l.com/material/35483-moskovskoe-eparkhialnoe-sobranie-golos-patriarkha/.

Nous essaierons ici d’évoquer des formes de résistance au sein de l’orthodoxie russe à partir des informations nécessairement parcellaires que nous recevons de Russie, essentiellement par les réseaux sociaux.

Une opposition publique à la guerre rendue de plus en plus difficile

En 2009, après son accession au trône patriarcal, en partie devant la crainte de schismes dans son Église, le patriarche Kirill a introduit une verticale du pouvoir ecclésiastique, rendant les débats dans son Église de plus en plus difficiles. La bureaucratisation de l’appareil ecclésiastique lui a été reprochée. Lors de l’assemblée épiscopale de décembre 2011 a été évoquée, dans une note transmise par le clergé dans la salle, une « verticale de la peur » où les évêques auraient peur du patriarche, les recteurs des évêques, les prêtres de leurs recteurs, les paroissiens de leurs prêtres. Peut-être est-ce exagéré, mais la réforme administrative lancée par Kirill à son arrivée au pouvoir a consisté à scinder les diocèses, ce qui a affaibli le poids des anciens évêques, qui ne devaient rien au nouveau patriarche, et a mis en avant de nouveaux hiérarques, souvent des hiéromoines, qui eux devaient tout au patriarche. La rotation des évêques a par ailleurs été fréquente au cours des dernières années. Ce principe autoritaire de gouvernement de l’Église se retrouve dans les diocèses. Quant aux liens horizontaux, propres à l’orthodoxie, ils n’ont pas été encouragés. Si la haute hiérarchie de l’Église a perdu toute autonomie par rapport au pouvoir politique, son organisation lui permet de relayer et d’imposer la seule position publique autorisée. Plus encore, et avant même l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Église devient une alliée du pouvoir pour inquiéter les opposants en son sein. À titre d’exemple, à l’automne 2021, un prêtre de la région d'Oulianovsk a été suspendu de son ministère et envoyé dans un monastère pendant six mois en raison de son soutien au leader de l'opposition Alexeï Navalny ; il a finalement quitté la Russie pour la Pologne fin janvier 2022, après avoir reçu des lettres de menaces à la suite de ses publications critiques sur les réseaux sociaux à propos de l’évêque de son diocèse. Cette situation de contrainte, tant dans l’Église qu’en Russie de façon générale, explique le large silence des membres du clergé. La verticale du pouvoir ecclésiastique et les relations entre le pouvoir et la hiérarchie orthodoxe font que l’on peut parfois difficilement distinguer le clergé orthodoxe russe à l’intérieur et à l’extérieur de la Russie : si les prises de parole critiques à l’égard du pouvoir politique russe sont possibles en Europe occidentale[3]Voir dans ce dossier, l’article de Catherine Tyson. En dehors de la Russie, sans parler de la situation spécifique de l’Église orthodoxe ukrainienne, des paroisses se sont tournées vers … Continue reading, elles peuvent néanmoins donner lieu à des sanctions par l’Église.

Au début de la guerre d’invasion massive, des voix au sein de l’Église se sont néanmoins opposées à l’agression de l’Ukraine par la Russie. Le plus haut hiérarque à avoir, au moins indirectement, dénoncé la guerre est l’ancien président du département des relations extérieures du patriarcat, le métropolite Hilarion Alfeïev. Avant même le conflit, il s’inquiétait des positions bellicistes au sein de son Église. Le 20 mars 2022, il a redit sa position dans l’émission « L’Église et le monde » diffusée sur la chaîne Rossia 24. Le 7 juin 2022, le métropolite, parfois considéré comme le possible successeur de Kirill au trône patriarcal, a été relevé de ses fonctions et nommé évêque de Budapest et de Hongrie. De nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer cette mise à l’écart, qui pourtant ne sonne pas comme une ferme condamnation vu la position qu’il occupe désormais. Début juillet 2022, après les attaques sur sa ville, un autre métropolite, Ioann (Popov) de Belgorod avait appelé à « transformer les épées en socs de charrue ». C’est un hiérarque conservateur reconnu : de 1994 à la fin de l’année 2021, il a dirigé le département synodal chargé de la mission. Aujourd’hui, il appelle à soutenir le moral des soldats mobilisés[4]Voir texte de Jeanne Kormina et Sergueï Shtyrkov publié dans ce même bulletin..

Des prêtres ont cessé de commémorer le patriarche, signifiant ainsi leur opposition à son attitude[5]Mais si commémorer signifie s’opposer, ne pas commémorer n’implique pas adhérer à la position du patriarche. Voir à ce sujet l’entretien avec trois chrétiens russes dans la partie … Continue reading. Début mars 2022, une pétition a circulé parmi les prêtres de l’Église orthodoxe russe, appelant à la réconciliation et à un cessez-le-feu immédiat. Elle a aujourd’hui sa page Wikipédia, avec 293 noms de signataires, dont certains étaient des prêtres d’Europe occidentale[6]Il y a en Russie même plus de 20 000 prêtres..

 

APPEL DE PRÊTRES DE l'ÉGLISE ORTHODOXE RUSSE À LA RÉCONCILIATION ET À LA FIN DE LA GUERRE

Nous, prêtres et diacres de l'Église orthodoxe russe, chacun en son nom personnel, lançons un appel à tous ceux dont dépend la fin de la guerre fratricide en Ukraine, pour la réconciliation et un cessez-le-feu immédiat.

Nous envoyons cet appel après le dimanche du Jugement dernier et à la veille du dimanche du Pardon.

Le Jugement dernier attend tout le monde. Aucune autorité terrestre, aucun médecin, aucun garde ne nous protégera de ce jugement. Soucieux du salut de chaque personne qui se considère comme un enfant de l'Église orthodoxe russe, nous ne souhaitons pas qu'elle arrive à ce Jugement en portant le lourd fardeau des malédictions maternelles. Nous rappelons que le sang du Christ, versé par le Sauveur pour la vie du monde, sera reçu dans le sacrement de la communion par ceux qui donnent des ordres meurtriers, non pas pour la vie mais pour leurs tourments éternels.

Nous sommes profondément affligés par l'épreuve à laquelle nos frères et sœurs d'Ukraine ont été soumis de façon injuste.

Nous rappelons que la vie de chaque personne est un don inestimable et unique de Dieu, et nous souhaitons donc que tous les soldats, tant russes qu'ukrainiens, rentrent sains et saufs dans leurs foyers et leurs familles.

Nous sommes attristés à l'idée du gouffre que nos enfants et petits-enfants en Russie et en Ukraine devront combler pour recommencer à être amis, à se respecter et à s'aimer.

Nous respectons la liberté divine de l'homme et pensons que le peuple ukrainien doit faire son choix par lui-même, pas face aux armes, sans pression ni de l'Ouest ni de l'Est.

En prévision du dimanche du Pardon, nous vous rappelons que les portes du ciel seront ouvertes à tous, même à ceux qui ont lourdement péché, s'ils demandent pardon à ceux qu'ils ont offensés, insultés, méprisés ou à ceux qui ont été tués de leurs mains ou sur leur ordre. Il n'y a pas d'autre voie que le pardon et la réconciliation mutuelle.

« La voix du sang de ton frère crie vers moi depuis la terre ; et maintenant tu es maudit depuis la terre, qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère », dit Dieu à Caïn, qui était jaloux de son jeune frère. Malheur à tout homme qui se rendrait compte que ces paroles lui sont adressées personnellement.

Aucun appel non violent à la paix et à la fin de la guerre ne doit être rejeté par la force et considéré comme une violation de la loi, car tel est le commandement divin : « Heureux les artisans de la paix ».

Nous appelons toutes les parties belligérantes au dialogue, car il n'y a aucune autre alternative à la violence. Seule la capacité d'entendre l'autre peut donner l'espoir d'une sortie de l'abîme dans lequel nos pays ont été précipités en quelques jours.

Entrons tous et toutes dans le Carême dans un esprit de foi, d'espérance et d'amour.

Arrêtez la guerre.

Notons néanmoins que des prêtres, connus pour leur ouverture à l’Occident, et opposés à la guerre, n’ont pas signé cette lettre collective et s’en sont justifiés. Le père Alexandre Sorokine de Saint-Pétersbourg explique ainsi en mars 2022 :

Je n'aime pas du tout le genre des lettres collectives. Mais là n'est pas la question. Je l'ai lue et je me suis demandé si je devais la signer ou non. Le texte semble très sincère et déchirant. Et il faut reconnaître qu'il faut une certaine dose de courage civique pour la signer. Mais l'émotion mise à part, certains passages de cette lettre m'ont semblé mal formulés.

À propos d’une des phrases de cette lettre (« Nous rappelons que le sang du Christ, versé par le Sauveur pour la vie du monde, sera reçu dans le sacrement de la communion par ceux qui donnent des ordres meurtriers, non pas à la vie, mais au tourment éternel »), il estimait que « les ecclésiastiques vont parfois trop loin et menacent de jeter l'anathème, en outrepassant ainsi leur autorité[7]Anastasiâ Koskello, «Est’ nekotoroe količestvo lûdej, sposobnyh slušat’ opponenta » [Il y a un certain nombre de gens capables d’écouter l’opposant], 25 mars 2022, [En ligne] … Continue reading ».

Au contraire, certains parmi les signataires n’en étaient pas à leur première pétition : ainsi, le père Andreï Kordotchkine, recteur de la paroisse de Madrid, avait déjà lancé une pétition en 2019 contre la condamnation de manifestants ayant appelé au cours de l’été à Moscou à des élections libres[8]Cette pétition rendue publique le 17 septembre - comptait 177 signatures au 22 septembre 2019..

Une partie des signataires de la pétition ont été rappelés à l’ordre par leur évêque. Le patriarcat est intervenu par l’intermédiaire du vice-président du département synodal des relations de l’Église avec la société et les médias, Vakhtang Kipchidze, qui a souligné que cette déclaration des prêtres était une tentative d’introduire dans l’Église la conflictualité qui n’a pas lieu d’y être : « l’Église ne fera pas partie de l’opposition politique, parce que l’Église se trouve du côté du peuple, elle est du côté de ceux à qui elle doit accorder sa sollicitude pastorale, dont les membres des forces armées ne sont pas les moindres. » La revue ultra-conservatrice Blagodatnyj ogon’ a demandé en février 2023 à ce que les prêtres qui ont signé la pétition de mars soient privés de leur état ecclésiastique, se référant à la Résolution de 1943 du Concile de l'Église orthodoxe russe concernant l'excommunication et la privation de ministère des membres du clergé qui sont passés du côté des nazis[9][En ligne] https://blagogon.ru/news/849: la mémoire de la Seconde guerre mondiale, désignée en langue russe comme la Grande Guerre Patriotique, est particulièrement cultivée parmi les orthodoxes ultra-nationalistes ; à leurs yeux, la guerre actuelle en est son prolongement.

L’Église ou l’État, ou les deux, ont déjà condamné un certain nombre de prêtres. Tel est le cas de Ioann Bourdine, de l’éparchie de Kostroma, officiant dans la paroisse de Georgui Edelstein, prêtre dissident à la période soviétique : il avait posté sur le site de la paroisse une déclaration contre la guerre et exprimait ses positions dans ses homélies ; il a été condamné à une amende de 30 000 roubles (500 euros, ce qui représente une somme conséquente en Russie) et déchargé de sa fonction de recteur de la paroisse ; il s’exprime désormais sur sa chaîne Telegram. Plus récemment, un autre prêtre a été interdit de célébrer des offices jusqu’à l’examen de son cas par la commission disciplinaire du Conseil diocésain de Moscou. Il s’agit de Ioann Koval, prêtre à Lioublino, dans la banlieue de Monscou, dénoncé pour avoir modifié une des phrases d’une prière sur la Sainte Russie imposée par l’Église « Lève-toi, ô Dieu, pour aider ton peuple et nous donner la victoire par ta puissance » ; il a préféré remplacer le mot « victoire » par « paix » ; le patriarcat, à travers Vakhtang Kipchidze, a justifié cette décision en soulignant que si tous les prêtres se mettaient à modifier les prières en fonction de leur état d’esprit et de leurs préférences politiques, l’unité de l’Église serait fragilisée[10][En ligne] https://rg.ru/2023/02/18/iereia-ioanna-kovalia-otstranili-ot-sluzhb-za-izmenenie-teksta-molitvy.html. Quant à Andreï Kordotchkine, il a été démis fin août de sa fonction de secrétaire du diocèse hispano-portugais de l'Église orthodoxe russe, et a même été relevé pour trois mois de ses fonctions de prêtre.

S’agissant des laïcs, certains n’ont pas non plus hésité à condamner, au début de la guerre, le silence de l’Église. Ainsi le 25 février 2022, Alexandre Ivanov, créateur de l’encyclopédie orthodoxe en ligne Drevo, affichait sur son site une bannière cliquable intitulée « Non à la guerre ! » qui redirigeait vers une déclaration au nom du comité éditorial s’opposant à l'agression russe contre l'Ukraine et au silence de la hiérarchie de l'Église orthodoxe russe. Suite à la dénonciation d’une laïque, il lui a été infligé une amende de 45 000 roubles en juillet 2022 ; par crainte de plus grandes représailles, il a cessé toute activité dans l’encyclopédie[11]« Je ne me considère pas coupable et ne regrette rien, j'ai été entendu, c'est l'essentiel. Cependant, une nouvelle condamnation me menacerait d'une procédure pénale et d'une peine … Continue reading.

Les dénonciations par des laïcs au sein des paroisses, mais aussi par des croyants occasionnels (« zahožane ») font partie des armes utilisées par le pouvoir. Des prétextes peuvent être trouvés dans la vie privée des prêtres : les kompromaty s’utilisent aussi dans l’Église. Un prêtre russo-ukrainien de l’éparchie de Briansk, s’exprimant publiquement contre la guerre, explique comment ses supérieurs ont utilisé l’incendie de son église en bois en octobre 2022, causé par sa supposée négligence, tout comme des éléments de sa vie privée pour l’interdire d’exercer son ministère [En ligne] https://shaltnotkill.info/svyashhennik-aleksandr-dombrovskij-vojna-nozhom-proshla-po-kazhdomu-iz-nas/ :

Il est clair que l'Église orthodoxe ne dispose pas de canons permettant de décharger un prêtre de son ministère pour une critique des autorités. Par conséquent, pour être convaincante, la requête a inclus un autre point - les détails de ma vie personnelle datant d'il y a vingt ans, à savoir mon second mariage. Avec la bénédiction du métropolite Pitirim (Staritskiï), ce mariage avait été annulé, et aucune critique n’avait été émise à mon égard. Mais comme aujourd’hui il fallait m'accuser de quelque chose, on a fouillé dans ma vie privée.

Il reste que la politique des institutions russes est caractérisée par l’arbitraire et le flou. Des prêtres peuvent rester couverts par leurs responsables de doyenné et leurs évêques et l’on peut s’étonner de pouvoir encore lire sur des plateformes officielles des propos de croyants -prêtres et laïcs- contre la guerre. Les frontières du licite ne sont pas claires, et surtout mouvantes[12]Ces incohérences sont sans doute dues en partie à la pauvreté du système de justice ecclésiastique.. La situation de chacun est marquée par l’incertitude et peut à tout moment évoluer.

Des stratégies multiples

Nous pourrions a priori distinguer trois groupes de religieux : ceux qui soutiennent le pouvoir, ou trouvent à justifier publiquement la guerre selon des considérations religieuses[13]Voir le texte de Jeanne Kormina et Sergueï Shtyrkov.op. cit., ceux qui s’y opposent publiquement et ceux qui se taisent, qu’ils soient pour l’opération spéciale, contre la guerre, ou qu’ils se situent en dehors du politique.

Cependant, les stratégies ne dépendent pas que de positionnements théologiques, mais aussi de facteurs matériels. Un grand nombre de prêtres ont une charge de famille et n’ont d’autres ressources que celles des dons de leurs paroissiens pour survivre. Ils préfèrent se taire. D’autres refusent d’intervenir pour des raisons pastorales. Les uns estiment que la situation est si lourde qu’il vaut mieux ne pas parler de la guerre. Les autres sont confrontés à une division au sein de leurs paroisses au sujet de la guerre. Cette question de la division au sein des paroisses a été soulevée par le patriarche lui-même en décembre 2022 ; elle justifie, selon lui, l’absence de prise de position politique[14]Et pourtant, le même Kirill n’a pas hésité à dire en octobre 2022, à l’occasion des 70 ans du président de la Russie, que c’est Dieu lui-même qui a placé Vladimir Poutine au pouvoir. :

Lorsque nous réfléchissons aux causes profondes et aux conséquences considérables de la confrontation armée actuelle, nous devons tenir compte du fait que tous nos compatriotes n’en partagent pas tous la même compréhension, du moins pour le moment. Cela s'applique aussi en partie aux paroissiens de nos églises, car nos paroisses reflètent presque toute la diversité de notre société. Certes, de nombreux paroissiens s'engagent activement pour soutenir les soldats, mais il y a aussi ceux qui, parmi eux, prennent leurs distances par rapport aux décisions de l'État, voire quittent leur patrie. Tous les orthodoxes, quelle que soit leur opinion sur les questions politiques, même lorsque nous ne sommes pas d'accord avec eux sur ces questions, restent nos fidèles. Par conséquent, la tâche principale d'un pasteur dans une paroisse est, comme elle l'a été pendant des siècles, le service de la Divine Liturgie, l'administration des autres sacrements et services, et la prédication de la Parole de Dieu[15] « Doklad Svâtejščego Patriarha Kirilla na Eparhial’nom sobranii g. Moskvy », 22 décembre 2022, [en ligne] http://www.patriarchia.ru/db/print/5985883.html..

Alexandre Sorokine, cité plus haut, expliquait quant à lui qu’il s’était toujours trouvé devant le dilemme suivant : partager ses positions politiques ou parler à l'ensemble d'une paroisse, et que ce dilemme était encore plus fort aujourd’hui, car le prêtre avait plus de responsabilités qu’auparavant[16]Anastasiâ Koskello, op..cit.. Comment servir Dieu : en s’opposant ouvertement à la guerre, au risque de ne plus pouvoir célébrer, ou en continuant à servir, silencieusement, sa paroisse ?

En fait, les stratégies pour s’opposer sont diverses, et le silence n’est pas toujours total. Les uns ne se prononcent pas publiquement, mais tentent de convaincre leurs paroissiens du mal de la guerre. Ainsi Alexandre Sorokine affirme manier la langue d’Esope dans ses homélies, un autre, écrivant sous pseudonyme, dit s’appuyer sur les textes de l’Ancien Testament pour parler de la guerre et la dénoncer[17]Svâščennik Ioann Podmoskovnyj (pseudonym), « Vojna-odnoznačnoe zlo » [La guerre est un mal absolu], Ahilla, 17 janvier 2023, [en ligne] … Continue reading.

Des témoignages nous parviennent de la vie en paroisse. Le prêtre moscovite Alexiï Ouminskiï expliquait quelques semaines après le début de la guerre : « je pense que de nombreux prêtres ont entendu la même chose en confession ces quarante derniers jours. Les personnes se sont disputées avec leurs proches, n'ont pas l'énergie de se lever le matin, ne savent pas comment continuer à vivre[18]Mariâ Božovič, « Pasha. Ad pobežden, i ty tože učastvoval v pobede. Protoierej Aleksij Uminskij – o pashal’nom simvole very » [Pâques. L’enfer est vaincu, et tu as aussi participé … Continue reading ». Des prêtres ayant également une formation de psychologues ont redoublé d’activité ; on les voit donner des conseils sur les réseaux sociaux.

Certains se retrouvent dans les « cuisines », entre amis ou edinomychlenniki [ceux qui partagent les mêmes idées], pour discuter de la position à tenir face à la guerre. La rencontre peut dépasser les cercles de l’orthodoxie, et rassembler des protestants et des orthodoxes, pour certains insérés dans des institutions officielles. Les frontières de l’officiel et du dissident sont devenues perméables, comme elles l’étaient à la période soviétique. Une telle rencontre a donné lieu à la Déclaration de Noël sur la paix diffusée le 24 décembre 2022 sur les réseaux sociaux, un document anonyme, s’inspirant de la Déclaration de Barmen (1934), acte fondateur de l’Église confessante sous le Troisième Reich, accompagné de réflexions théologiques fondées en partie sur les travaux de Dietrich Bonhoeffer. Cette déclaration était appelée à provoquer des débats au sein de la communauté chrétienne, orthodoxe, protestante et catholique (voir l’entretien dans ce dossier, partie Ressource(S)).

 DÉCLARATION DE NOËL

(…) Nous appelons tous les chrétiens de Russie désireux de devenir des artisans de paix à prendre les engagements suivants, que nous prenons nous-mêmes.

1. Ne pas fuir la réalité. Considérer les événements avec toute la gravité nécessaire et de façon responsable, en évaluant ce qui se passe non pas du point de vue des valeurs mondaines, mais du point de vue des enseignements de Jésus Christ.

2. Prier pour la fin de la guerre. Demander à Dieu d'amener nos compatriotes, les dirigeants de notre État et les leaders religieux à se repentir.

3. S'opposer. En tenant compte de tous les risques encourus, condamner le mal et appeler au retrait immédiat des troupes russes d'Ukraine et à la fin de cette guerre.

4. Résister de manière non violente à la mobilisation. Persuader parents et amis de ne pas participer à cette guerre de quelque manière que ce soit ; aider ceux qui se soustraient à l'appel sous les drapeaux.

5. S'impliquer dans l'aide humanitaire. Aider les réfugiés ukrainiens où qu'ils se trouvent. Aider toutes les victimes de cette guerre par tous les moyens à votre disposition.

Nous sommes conscients qu'il est aujourd’hui effrayant de protester en Russie contre la guerre. On peut vous déclarer traîtres, "agents de l’étranger" ; on peut vous infliger une amende ; on peut vous emprisonner.

Nous savons également qu'en Russie, qui se veut un pays chrétien, cet appel à la paix est puni par des amendes et des peines de prison.

Mais en tant que chrétiens, nous vous exhortons à le faire pour l'amour de Jésus-Christ et pour l'amour de votre prochain – pour l’amour des habitants de l’Ukraine. (…)[19][En ligne] https://christians4peace.com/

En Occident, des chrétiens orthodoxes russes tentent également de mobiliser l’Église en Russie. Le 6 février 2023, Sergueï Tchapnine, ancien rédacteur en chef de la Revue du patriarcat de Moscou, actuellement aux États-Unis, a lancé un appel aux évêques, critiquant sévèrement le patriarche Kirill et la servilité de l’Église.

Des prêtres adoptent la stratégie de l’évitement. Les uns prétextent des soucis de santé pour être déchargés de leur fonction de prêtres pour ne pas avoir à dire des prières de soutien à la guerre. Certains, comme Arkadiï Fomine, diacre, puis prêtre dans les Komis, ont préféré quitter l’Église ; pour celui-ci, le principe ecclésiastique de l’obéissance à l’égard de son évêque, ne s’appliquerait pas dans le cas présent :

Je veux avoir la conscience tranquille. Et j’ai décidé de m’exprimer contre la volonté de mon diocèse. Je pense que toute personne qui a la possibilité d’avoir une influence sur les gens par la parole devrait agir ainsi. Il n'y a pas de place pour le silence, que l'on ait ou non le droit de le faire. Pour moi, ce n'est pas une question d'obéissance. C'est comme si une personne essayait d'en tuer une autre dans la rue et que j'appelais mes supérieurs hiérarchiques pour leur demander si je pouvais aider. C'est absurde[20][En ligne] https://www.severreal.org/a/s-etimi-tremya-bukvami-rpts-ne-hochu-imet-nichego-obschego-kak-svyaschennik-ushel-iz-tserkvi-iz-za-voyny/32291957.html.

D’autres, qui, pour certains, s’étaient déjà opposés au patriarche au cours de ces dernières années, ou avaient déjà quitté la prêtrise avant la guerre, ont quitté le pays. Parmi eux, Fedor Choumskikh, de l’éparchie de Belgorod, a demandé l’asile politique au Mexique.

Certains décident de changer d’Église et se tournent vers l’Église orthodoxe apostolique, qu’ont servie des prêtres dissidents, comme Gleb Iakounine et Lev Regelson. Plusieurs paroisses de cette Église, non reconnue officiellement par la communion des Églises orthodoxes, ont été établies en Europe occidentale, et notamment en France.

Théologie et politique

Les questions théologiques débattues dans l’Église orthodoxe russe dans la guerre renvoient en partie à celles discutées sous le Troisième Reich. Et il n’est pas étonnant que les travaux de Dietrich Bonhoeffer, pasteur de l’Église confessante, suscitent autant d’intérêt, non seulement chez les protestants, mais aussi dans les milieux orthodoxes, au moins libéraux[21]Voir la conférence organisée par l’Institut Saint-Filaret de Moscou le 10 avril 2023 autour de L’Ethique de D.Bonhoeffer.. La revue en ligne S-T-O-L a publié deux de ses articles, traduits pour la première fois en russe[22]Kseniâ Cvetkova, « Tam, gde Bog molčit » [Là où Dieu se tait], 2 novembre 2022, [en ligne] https://s-t-o-l.com/material/33642-tam-gde-bog-molchit/.. La traductrice, Ksenia Tsvetkova, souligne que la correspondance de Bonhoeffer pendant la Seconde guerre mondiale pourrait consoler bien des croyants russes aujourd’hui. Le pacifisme de Bonhoeffer, son absence totale de compromis avec le mal guident ceux qui tentent de résister.

Depuis le début de la guerre, des prêtres, comme Alexiï Ouminiskiï, cité plus haut, interviennent sur les notions de bien et de mal, ainsi que sur les origines du mal[23]Conférence publique du père A.Ouminskiï le 23 mars 2023, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=I2d_7DqOoDs. La question de la responsabilité, si présente dans les premiers textes écrits par les intellectuels russes en exil[24]Nikolaj Plotnikov (ed), Pered licom katastrofy, LitVerlag, 2023., est aussi au centre de ses préoccupations[25]Zoâ Svetova, « Aleksij Uminskij : ‘Čelovek vsegda neset otvetstvennost’ za svoj vybor’» [Aleksij Uminskij: l’homme porte toujours la responsabilité de son choix], 27 mars 2022, Novaâ … Continue reading, comme de celles d’autres. Dès le 27 février 2022, le père Alexandre Stepanov expliquait :

Malheureusement, notre société s'est entêtée à ne pas vouloir grandir, à ne pas vouloir être une société vraiment responsable. […] Pour un chrétien, être responsable est absolument indispensable. […] Un chrétien est une personne qui prend des décisions. Sur la base de l'Évangile. Sur ce que le Seigneur nous dit, sur ce que le Christ dit[26]Aleksandr Stepanov, 27 février 2022, « Kogda Hristoc molčit » [Quand le Christ se tait], [en ligne] https://www.grad-petrov.ru/broadcast/kogda-hristos-molchit/.

Les propos des prêtres mentionnés ici sont pétris d’un sens de la liberté et de la responsabilité, nourris de la pensée de Nicolas Berdiaev (1874-1948) ou Alexandre Schmemann (1921-1983), théologiens russes ayant vécu dans l’émigration. Des journalistes n’hésitent pas à publier des articles reprenant des textes de ces derniers, y compris dans un journal comme Kommersant, quotidien à dominante économique[27]« Utverždenie radosti. Kak ‘Dnevniki’ protoiereia Aleksandra Šmemana pomogaût najti vyhod, kogda vyhoda net » [ L’affirmation de la joie. Comment les Journaux d’Alexandre Schmemann … Continue reading. Mais il n’est pas certain que ce type de discours soit compris par la majorité des chrétiens orthodoxes russes aujourd’hui. Pour la plupart, l’obéissance religieuse s’entend comme un effacement de tout libre-arbitre ; une attitude fataliste, consistant à s’en remettre à la volonté de Dieu, telle que dictée par son père spirituel, se conjugue avec l’absence de mobilisation politique[28]Voir Kathy Rousselet, « L’autorité religieuse en contexte post-soviétique. Regard sur le fonctionnement des paroisses russes orthodoxes », Archives de sciences sociales des religions, n°162, … Continue reading. À l’exemple de ce jeune prêtre, né en 1975, ayant reçu fin février 2022 la charge d’une église dédiée à la bienheureuse Matrona de Moscou[29]1881 ?1885 ?-1952. Une sainte aveugle et paralysée de naissance, particulièrement vénérée à Moscou, et en Russie de façon générale. dans la ville de Kourgan (éparchie de Ekaterinbourg), dont il explique la grâce reçue par le fait qu’elle ne s’est jamais plainte de son sort et qu’elle a su se soumettre à Dieu[30]« Nous essayons donc de prier la sainte Matrona de Moscou afin qu’elle nous fortifie, afin que les gens n'aient pas peur et ne paniquent pas, afin que nous soutenions nos soldats dans l’unité, … Continue reading.

Au cœur de ces controverses sur la responsabilité ou sur la soumission de l’homme, c’est la place de Dieu dans la guerre d’Ukraine qui est débattue. Mais le sentiment de responsabilité et de culpabilité du croyant n’implique pas nécessairement une volonté de s’engager dans le monde. Ainsi, pour des chrétiens orthodoxes appartenant à la Fraternité de la Transfiguration, une communauté orthodoxe de tendance libérale, créée et présidée par Gueorgui Kotchetkov[31]Ce dernier est critiqué depuis de nombreuses années par les courants nationalistes et fondamentalistes de l’Église orthodoxe russe. Sa position dans la guerre en Ukraine est néanmoins … Continue reading, la résistance passe avant tout par le repentir et la prière, une prière pour la vérité [pravda] et la paix, élaborée avant même le début du conflit dans un contexte d’autoritarisme grandissant :

Dieu tout-puissant ! Aide-nous à voir où est la vérité et à la défendre. Libère-nous de toute peur devant la violence et le non-droit. Apprends-nous à lutter contre le mal, sans tomber dans la haine et en continuant à voir un homme dans l'ennemi.

Aide-nous à redresser la vie sur notre terre afin que le sang ne soit pas versé et que l’on ne commette pas de violence.

Seigneur, nous remettons entre tes mains notre passé, notre présent et notre avenir.

Amen ![32]Kifa,n°5 (273), mai 2021.

Plutôt que de quitter le pays – d’autant plus si leur situation familiale ne le permet pas – ou d’affirmer publiquement leur opposition à la guerre, ces chrétiens orthodoxes tentent de partager leurs convictions là où ils vivent, considérant que « la défense de la vérité est possible non seulement par une confrontation directe, mais aussi par une sorte de résistance intérieure, dont Averintsev[33]Grand intellectuel russe (1937-2004). Spécialiste de littérature ancienne et médiévale, mais aussi de la littérature russe et européenne des XIXe et XXe siècles. a parlé en son temps : “une confrontation pacifique mais irréconciliable avec le mal”[34] [En ligne] https://gazetakifa.ru/kazhdomu-cheloveku-izvestna-i-toska-po-pravde-i-zhazhda-mira/».

Les positions du patriarche sur le péché dans la guerre sont encore publiquement discutées. Sur le site d’informations Pravmir, visité par environ 6 millions de personnes par mois, le père Alexandre Vostrodymov, ayant signé la lettre ouverte de mars 2022, expliquait en décembre 2022 qu’en tuant l’homme, on tuait le Christ ; en réponse à l’intervention du patriarche Kirill ayant soutenu, dans son sermon du 25 septembre 2022, que les soldats russes qui mourront dans la guerre en Ukraine seraient « lavés de tous leurs péchés », il expliquait :

Les anciennes règles canoniques, les règles de saint Basile-le-Grand, prescrivaient aux soldats la privation de communion pendant trois ou quatre ans après la guerre. C'est une question très difficile et très délicate. L'homme lui-même vivra avec cette douleur. Il faut comprendre le mot « péché ». Il désigne la blessure que tu as faite à ton âme.

Si vous avez versé le sang de quelqu'un, votre cœur souffrira. Vous pouvez, bien sûr, vous justifier en disant que vous avez accompli un exploit [podvig], mais la douleur du cœur ne disparaîtra pas. La guerre, c’est de la douleur. La guerre, c’est le mal. La guerre, c’est le péché. Et un meurtre, c’est toujours de la douleur[35][En ligne] https://www.pravmir.ru/ubivaya-cheloveka-ya-ubivayu-hrista-svyashhennik-aleksandr-vostrodymov/.

Les propos théologiques qui accompagnent la Déclaration de Noël citée plus haut évoquent les controverses autour de la guerre, comme problème théologique et éthique ; la vérité et le mensonge ; l’attitude à adopter à l’égard des crimes des autres pays ; le patriotisme, auquel Andreï Kordotchkine a consacré un ouvrage il y a quelques années[36]Kesariû kesarevo ? Dolžen li hristianin byt’ patriotom?, Nikeia, 2019. ; le pacifisme. Sur les réseaux sociaux, on lit aussi des propos sur la valeur de l’homme, sur le soutien du Christ dans un contexte d’extrême solitude (« Tu peux te sentir seul en parlant avec toi-même, mais en parlant avec les autres, tu te sens encore plus seul. »). Ou encore sur les relations entre l’Église et la nation, ainsi que sur les dangers de l’ethno-phylétisme (à savoir le nationalisme ecclésiastique)[37]Des théologiens orthodoxes du monde entier ont signé une déclaration, publiée le 13 mars 2022, contre la notion de monde russe (en juillet 2022, ils étaient plus de mille cinq cents), condamné … Continue reading. Enfin, des prêtres et croyants s’interrogent sur l’évolution de l’Église comme structure : la foi en Dieu ne devrait-elle pas se passer de toute institutionnalisation ? Alors que l’institution ecclésiale suit servilement les positions de l’État, les croyants orthodoxes devraient se retrouver dans leur communauté.

En l’état des informations disponibles, le nombre de ceux, au sein de l’Église orthodoxe russe, qui critiquent publiquement l’agression de l’Ukraine par la Russie est peu élevé. Mais l’absence de mobilisation politique des croyants ne signifie pas toujours pour eux une absence de résistance : se prononcer de façon anonyme pour la paix, prier pour qu’elle advienne, s’engager dans des débats théologiques contre la guerre et contre l’institution ecclésiale peut être considéré comme une de ses modalités. Pour combien de temps de telles positions seront-elles encore présentes dans les médias ? Les multiples chaînes Telegram, aux orientations si diverses et polarisées, donnent à voir des subcultures ; elles permettent de s’inscrire dans des communautés de pensées, de sortir, virtuellement au moins, de l’isolement, mais elles ne favorisent pas le dialogue et le débat public, qui, lui, est devenu impossible.

Notes

Notes
1 Voir notamment Kathy Rousselet, La Sainte Russie contre l’Occident, Salvator, 2022.
2 Arsenij Muromcev, « Moskovskoe eparhial’noe sobranie : golos patriarha », 17 janvier 2023, [en ligne] https://s-t-o-l.com/material/35483-moskovskoe-eparkhialnoe-sobranie-golos-patriarkha/
3 Voir dans ce dossier, l’article de Catherine Tyson. En dehors de la Russie, sans parler de la situation spécifique de l’Église orthodoxe ukrainienne, des paroisses se sont tournées vers Constantinople. C’est le cas de la paroisse d’Amsterdam et de plusieurs paroisses qui, après avoir rejoint le patriarcat de Moscou à la fin de l’année 2019 à la suite du passage de l’archevêque Jean Renneteau du patriarcat de Constantinople à celui de Moscou, sont retournées au sein du patriarcat de Constantinople à cause de la position belliciste du patriarche Kirill. En Lituanie, le patriarche Bartholomée a établi un exarchat du patriarcat de Constantinople. L’Église de Lettonie, soutenue par son État, a, quant à elle, demandé à Moscou de lui accorder l’autocéphalie.
4 Voir texte de Jeanne Kormina et Sergueï Shtyrkov publié dans ce même bulletin.
5 Mais si commémorer signifie s’opposer, ne pas commémorer n’implique pas adhérer à la position du patriarche. Voir à ce sujet l’entretien avec trois chrétiens russes dans la partie Ressource(S) du présent bulletin
6 Il y a en Russie même plus de 20 000 prêtres.
7 Anastasiâ Koskello, «Est’ nekotoroe količestvo lûdej, sposobnyh slušat’ opponenta » [Il y a un certain nombre de gens capables d’écouter l’opposant], 25 mars 2022, [En ligne] https://s-t-o-l.com/material/27058-est-nekotoroe-kolichestvo-lyudey-sposobnykh-slushat-opponenta/
8 Cette pétition rendue publique le 17 septembre - comptait 177 signatures au 22 septembre 2019.
9 [En ligne] https://blagogon.ru/news/849
10 [En ligne] https://rg.ru/2023/02/18/iereia-ioanna-kovalia-otstranili-ot-sluzhb-za-izmenenie-teksta-molitvy.html
11 « Je ne me considère pas coupable et ne regrette rien, j'ai été entendu, c'est l'essentiel. Cependant, une nouvelle condamnation me menacerait d'une procédure pénale et d'une peine d'emprisonnement. Je ne suis pas prêt à cela car ma famille est totalement dépendante de moi. […] Depuis 15 ans, nous avons essayé de rassembler en un seul fil d'actualité les nouvelles religieuses les plus importantes, en essayant d'être objectifs, de ne pas occulter les problèmes, de ne pas passer à côté des sujets sensibles. Dans les circonstances actuelles, cependant, la reprise d'informations “erronées” du point de vue des autorités peut avoir des conséquences regrettables pour moi en tant que propriétaire du site, et je ne veux pas et ne maintiendrai pas un flux lisse d'informations “correctes”. Je me vois donc contraint de suspendre temporairement la section “actualités” en attendant des jours meilleurs. » [en ligne] https://drevo-info.ru/forum/19754.html
12 Ces incohérences sont sans doute dues en partie à la pauvreté du système de justice ecclésiastique.
13 Voir le texte de Jeanne Kormina et Sergueï Shtyrkov.op. cit.
14 Et pourtant, le même Kirill n’a pas hésité à dire en octobre 2022, à l’occasion des 70 ans du président de la Russie, que c’est Dieu lui-même qui a placé Vladimir Poutine au pouvoir.
15 « Doklad Svâtejščego Patriarha Kirilla na Eparhial’nom sobranii g. Moskvy », 22 décembre 2022, [en ligne] http://www.patriarchia.ru/db/print/5985883.html.
16 Anastasiâ Koskello, op..cit.
17 Svâščennik Ioann Podmoskovnyj (pseudonym), « Vojna-odnoznačnoe zlo » [La guerre est un mal absolu], Ahilla, 17 janvier 2023, [en ligne] https://ahilla.ru/svyashenik-ioann-podmoskovnyj-vojna-odnoznachnoe-zlo-novyj-proekt-ahilly-rossiya-rpts-vojna/
18 Mariâ Božovič, « Pasha. Ad pobežden, i ty tože učastvoval v pobede. Protoierej Aleksij Uminskij – o pashal’nom simvole very » [Pâques. L’enfer est vaincu, et tu as aussi participé à la victoire. Le protoprêtre Aleksij Uminiskij et le symbole pascal de la foi], [en ligne] https://www.pravmir.ru/chem-mrachnee-mir-tem-nuzhnee-nam-pasha-protoierej-aleksij-uminskij/.
19 [En ligne] https://christians4peace.com/
20 [En ligne] https://www.severreal.org/a/s-etimi-tremya-bukvami-rpts-ne-hochu-imet-nichego-obschego-kak-svyaschennik-ushel-iz-tserkvi-iz-za-voyny/32291957.html
21 Voir la conférence organisée par l’Institut Saint-Filaret de Moscou le 10 avril 2023 autour de L’Ethique de D.Bonhoeffer.
22 Kseniâ Cvetkova, « Tam, gde Bog molčit » [Là où Dieu se tait], 2 novembre 2022, [en ligne] https://s-t-o-l.com/material/33642-tam-gde-bog-molchit/.
23 Conférence publique du père A.Ouminskiï le 23 mars 2023, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=I2d_7DqOoDs
24 Nikolaj Plotnikov (ed), Pered licom katastrofy, LitVerlag, 2023.
25 Zoâ Svetova, « Aleksij Uminskij : ‘Čelovek vsegda neset otvetstvennost’ za svoj vybor’» [Aleksij Uminskij: l’homme porte toujours la responsabilité de son choix], 27 mars 2022, Novaâ Gazeta, [en ligne] https://novayagazeta.ru/articles/2022/03/27/aleksei-uminskii-chelovek-vsegda-neset-otvetstvennost-za-svoi-vybor
26 Aleksandr Stepanov, 27 février 2022, « Kogda Hristoc molčit » [Quand le Christ se tait], [en ligne] https://www.grad-petrov.ru/broadcast/kogda-hristos-molchit/
27 « Utverždenie radosti. Kak ‘Dnevniki’ protoiereia Aleksandra Šmemana pomogaût najti vyhod, kogda vyhoda net » [ L’affirmation de la joie. Comment les Journaux d’Alexandre Schmemann aident à trouver une issue, là où il n’y en a pas], [en ligne] https://www.kommersant.ru/doc/5774852. Dans un journal en ligne, moins connu, on peut lire un texte sur la liberté selon N.Berdiev : [en ligne] https://s-t-o-l.com/material/37200-bog-trebuet-ot-nas-svobody/
28 Voir Kathy Rousselet, « L’autorité religieuse en contexte post-soviétique. Regard sur le fonctionnement des paroisses russes orthodoxes », Archives de sciences sociales des religions, n°162, avril-juin 2013, pp. 15-36.
29 1881 ?1885 ?-1952. Une sainte aveugle et paralysée de naissance, particulièrement vénérée à Moscou, et en Russie de façon générale.
30 « Nous essayons donc de prier la sainte Matrona de Moscou afin qu’elle nous fortifie, afin que les gens n'aient pas peur et ne paniquent pas, afin que nous soutenions nos soldats dans l’unité, afin que nos dirigeants aient la sagesse de faire moins d'erreurs et de prendre les bonnes décisions. » ([En ligne] https://vk.com/@eparhiyakurgan-ieromonah-afanasii-korenkin-ya-blagodaru-boga-za-to-chto-on)
31 Ce dernier est critiqué depuis de nombreuses années par les courants nationalistes et fondamentalistes de l’Église orthodoxe russe. Sa position dans la guerre en Ukraine est néanmoins controversée.
32 Kifa,n°5 (273), mai 2021.
33 Grand intellectuel russe (1937-2004). Spécialiste de littérature ancienne et médiévale, mais aussi de la littérature russe et européenne des XIXe et XXe siècles.
34 [En ligne] https://gazetakifa.ru/kazhdomu-cheloveku-izvestna-i-toska-po-pravde-i-zhazhda-mira/
35 [En ligne] https://www.pravmir.ru/ubivaya-cheloveka-ya-ubivayu-hrista-svyashhennik-aleksandr-vostrodymov/
36 Kesariû kesarevo ? Dolžen li hristianin byt’ patriotom?, Nikeia, 2019.
37 Des théologiens orthodoxes du monde entier ont signé une déclaration, publiée le 13 mars 2022, contre la notion de monde russe (en juillet 2022, ils étaient plus de mille cinq cents), condamné le nationalisme ecclésiastique et appelé à la séparation de l’Église et de l’État.
Pour citer ce document :
Kathy Rousselet, "Quelles résistances au sein de l’Église orthodoxe russe ?". Bulletin de l'Observatoire international du religieux N°42 [en ligne], mai 2023. https://obsreligion.cnrs.fr/bulletin/quelles-resistances-au-sein-de-leglise-orthodoxe-russe/
Bulletin
Numéro : 42
mai 2023

Sommaire du n°42-43

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Auteur.e.s

Kathy Rousselet, CERI/Sciences po

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